L'alimentation en eau potable ne coule pas de source en Vendée. Le schéma départemental d'alimentation en eau destinée à la consommation humaine (EDCH) du département fait état d'un "déficit d'eau pour la production d'EDCH de mai à octobre en année sèche et caniculaire évalué à 8 millions de mètres cubes à l'horizon 2025 pour les secteurs côtiers. 100.000 Vendéens sont concernés par un risque élevé de rupture d'alimentation, comme ce fut le cas à trois reprises entre 2003 et 2009".
Afin de prévenir une rupture d'alimentation en eau, des mesures ont d'ores et déjà été mises en place, notamment afin de favoriser les économies d'eau. D'autres projets sont à l'étude, tel que la rehaussement de barrages, le stockage dans des carrières, le dessalement d'eau de mer. Dans le cadre de cette politique globale mise en place en vue d'éviter des interruptions de distribution, le préfet et le syndicat départemental "Vendée Eau" ont lancé des réflexions sur un projet d'expérimentation d'utilisation d'eau usées traitées. Il porte sur la construction d'une canalisation de 19 kilomètres reliant une station de traitement des eaux usées à une retenue d'eau servant à alimenter une filière de production d'EDCH. "Cette question pourra être éclaircie par l'expérimentation mais à priori il s'agirait d'un procédé utilisé de manière non permanente en période sèche", précise Jérôme Bortoli, directeur général du syndicat de distribution d'eau "Vendée Eau".
Face à ce projet innovant, le syndicat a sollicité l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). L'Agence a publié le 3 février dernier, une note d'appui scientifique et technique concernant ce projet.
Une pratique peu développée
Pour se positionner, l'Anses s'est appuyée sur les expériences étrangères. Ce type de projet a fait l'objet d'une étude de l'Agence de l'environnement australienne publiée en 2008. Celle-ci propose une méthode de gestion des risques sanitaires et environnementaux grâce à une analyse des risques reposant sur l'identification de points de contrôle au cas par cas.
L'utilisation indirecte d'eaux usées traitées dans le mélange avec les eaux de retenue est également employée pour la production d'eau potable au Bangalore (Inde), en Virginie (Etats-Unis) et à Singapour.
En France, des projets de réutilisation d'eaux usées traitées (Reuse) ont été lancés. Après le succès qu'a connu le projet d'irrigation du golf de Spérone, un appel à projet de l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse est en cours. Mais actuellement, aucune disposition réglementaire ne vient encadrer spécifiquement les projets d'utilisation d'eau usée pour la production d'eau potable. L'arrêté du 25 juin 2014 a modifié l'arrêté du 2 août 2010 relatif aux prescriptions sanitaires et techniques applicables à l'utilisation d'EUT, mais celui-ci ne trouve à s'appliquer qu'à des fins d'irrigation de cultures ou d'espaces verts.
Les conseils de l'Anses
Ce qui explique que cette pratique ne soit pas répandue malgré la raréfaction des ressources en eau, c'est que les eaux usées traitées contiennent des polluants chimiques ainsi que des micro-organismes pathogènes pouvant avoir un effet néfaste sur l'écosystème dans lequel elles seraient déversées et sur la santé humaine. Les caractéristiques de la retenue du Jaunay ont été prises en compte dans le rapport afin de prévoir les effets des rejets sur la qualité de l'eau. La retenue est en effet un lieu touristique, de baignade et de pêche. Ses volumes d'eau peuvent fortement varier en fonction des saisons et présentent déjà un taux élevé en chlorures. La note souligne à ce titre, "qu'il serait nécessaire que la qualité des EUT contribue à une reconquête de la qualité des eaux de la retenue".
Le Comité d'experts spécialisé "Eaux" (CES "Eaux") de l'Anses prévoit un inventaire des réglementations applicables au projet. Ainsi, il s'agira dans un premier temps pour l'exploitant d'obtenir l'autorisation de rejet d'EUT dans les eaux de la retenue au titre de l'arrêté du 21 juillet 2015 relatif aux systèmes d'assainissement collectif. La note prévoit que la demande d'autorisation de rejet devra comporter une analyse globale des installations et des écosystèmes concernés. Elle devra faire ressortir entre autres des informations relatives à l'agglomération ainsi qu'une évaluation des volumes collectés par l'installation d'assainissement (apport du système de collecte et apports extérieurs). Les informations fournies devront également concerner les capacités et le diagnostic de fonctionnement du système de collecte des eaux.
Dans un deuxième temps, l'exploitant devra obtenir l'adaptation de l'autorisation d'utilisation d'EDCH aux caractéristiques du projet au titre de l'arrêté du 20 juin 2007 relatif à la constitution du dossier de la demande d'autorisation d'utilisation d'EDCH.