EDF doit réparer les huit soudures défectueuses situées au niveau de l'enceinte de confinement de l'EPR de Flamanville (Manche). La "solution de référence" est une réparation avant mise en service, plutôt qu'en 2024 une fois le réacteur en fonctionnement. C'est en substance le message porté ce jeudi 20 juin par Bernard Doroszczuk. Le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) explique en avoir informé EDF le 29 mai. Aujourd'hui, l'Autorité adresse un courrier à EDF qui détaille sa position. A ce stade, "EDF se donne le temps d'analyser les conséquences de la décision de l'ASN". L'entreprise devrait faire "un point précis sur le planning et le coût du projet (…) dans les prochaines semaines".
Réparer avant la mise en service de l'EPR
La lettre de l'ASN contient deux messages distincts, insiste Bernard Doroszczuk. Le premier concerne la nature des défauts constatés sur les huit soudures : "l'ASN considère (…) que leur rupture ne peut plus être considérée comme hautement improbable et qu'il n'est donc plus possible de leur appliquer une démarche d'exclusion de rupture". En conséquence, l'Autorité demande à EDF de les réparer. Ce message est conforme à l'avis remis par les experts qui s'étaient penchés sur le sujet. Début avril, le groupe permanent d'experts pour les équipements sous pression nucléaires (GPESPN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avaient expliqué que si EDF ne réparait pas les soudures, l'entreprise devrait prendre en compte la possibilité qu'elles rompent et donc modifier en conséquence la conception de l'EPR.
Le second message concerne le calendrier de la réparation. EDF a demandé à l'ASN s'il est possible d'envisager une réparation après la mise en service du réacteur. Sur ce point, l'ASN explique qu'à ses yeux, la réparation des soudures avant la mise en service du réacteur "demeure (…) la solution de référence". Bien sûr, il ne s'agit à ce stade que d'un avis, mais si EDF persiste à vouloir reporter les réparations, elle fera face à des "difficultés majeures". Concrètement, l'entreprise devrait revoir l'ensemble de sa démarche de sûreté pour prendre en compte une possible rupture des soudures. Cette option, "même avec des règles d'étude adaptées, apparait difficile sur une installation qui n'a pas été conçue pour", explique le courrier de l'ASN. Bernard Doroszczuk est plus direct : "ce n'est pas réaliste".
Une mise en service reportée à fin 2022 ?
Les experts de l'ASN avaient déjà expliqué qu'EDF privilégiait la réparation après mise en service pour des raisons de délai. La reprise des huit soudures "nécessitera des études détaillées et des opérations de préparation dans des délais qu'EDF ne juge pas raisonnablement compatibles avec la mise en service du réacteur", expliquaient-ils. Idéalement, il faudrait compter un an pour choisir le meilleur scénario de réparation, explique l'ASN, sur la base des échanges qu'elle a eu avec EDF.
Bernard Doroszczuk, a précisé ce point. EDF a expliqué à l'ASN que si elle doit réparer les soudures avant la mise en service, celle-ci pourrait intervenir fin 2022, au mieux. D'où sa volonté de démarrer le réacteur en 2020 et d'effectuer la réparation en 2024. Outre la possibilité de mettre en service l'EPR plus rapidement, ce scénario permet à EDF de mieux préparer les travaux et d'en réaliser une partie en atelier pour limiter la durée d'indisponibilité du réacteur. Idéalement EDF aimerait prendre une année pour étudier toutes les hypothèses de réparation et retenir la meilleure.
Modification du décret d'autorisation de création
Ce calendrier compliqué se double d'un enjeu règlementaire. Actuellement, la mise en service du réacteur nucléaire est déterminée par l'échéance du décret qui autorise sa construction. Celui-ci a été accordé le 10 avril 2007 pour une durée de 10 ans, puis prolongé jusqu'en avril 2020. Réparer avant la mise en service imposerait donc un nouveau report de l'échéance règlementaire.
Le scénario d'une réparation après la mise en service présente lui aussi des risques règlementaires. En effet, il "ne permettrait pas de justifier la conformité de l'installation à son décret d'autorisation de création au moment de son démarrage", avertit l'ASN dans son courrier à EDF. Et de préciser qu'elle "ne pourrait donc pas autoriser cette mise en service sans modification préalable [du décret d'autorisation de création]". Se poserait alors une question essentielle : est-ce que la révision en profondeur de la démarche de sûreté (comme évoqué par l'ASN) constitue une modification substantielle ? Si c'est le cas, EDF devra reprendre toute la procédure d'autorisation, y compris l'enquête publique. Interrogée sur ce point, Bernard Doroszczuk a été très prudent : il reviendra au ministère de la Transition écologique de décider la nature de la modification…