Confier la reprise de certains déchets aux éco-organismes constitue bien une entrave à la concurrence. Mais cela se justifie, tout au moins de manière temporaire, explique l'Autorité de la concurrence, qui recommande de réévaluer le dispositif en 2025 et d'y mettre un terme en 2030. Tel est, en substance, le sens de l'avis (1) rendu sur la réforme de la responsabilité élargie des producteurs (REP) d'emballages ménagers entérinée en mars dernier. L'avis, adopté en juin dernier, vient tout juste d'être rendu public.
Avec cette réforme, les pouvoirs publics ont confié aux éco-organismes de cette filière, Citeo (essentiellement) et Léko, la gestion des déchets d'emballages en plastique non recyclables. Concrètement, des règles de tri simplifiées s'imposent aux centres de tri des collectivités. Ces derniers ont aussi, et surtout, l'obligation de vendre aux éco-organismes un flux « en mélange » qui contient des résines, peu, mal ou pas recyclées. Charge aux éco-organismes de trier ce flux et de faire émerger les filières de recyclage adaptées à chacun de ces polymères.
Risque de verrouillage et de cloisonnement
Le nouveau mécanisme de reprise constitue-t-il une entrave à la concurrence ? Oui, répond l'Autorité de la concurrence, qui confirme ce que les opposants à la réforme critiquent. Accorder l'exclusivité du flux en développement aux éco-organismes, compte tenu du volume important de déchets concernés, risque d'entraîner le verrouillage ou le cloisonnement de la filière de recyclage du plastique. La mesure permet bel et bien aux éco-organismes d'opérer un contrôle complet des approvisionnements et des débouchés de la matière non encore valorisée.
Pour autant, le travail de l'Autorité ne se limite pas à l'identification des éventuelles restrictions de concurrence. Elle doit aussi vérifier si ces limitations sont justifiées par un objectif d'intérêt général et si elles sont nécessaires et proportionnées à cet objectif. Et, s'agissant des plastiques, l'autorité rappelle que la réglementation européenne impose un objectif de recyclage de 50 % des déchets d'emballages plastique en 2025, puis de 55 % en 2030. Or, seulement 28 % des emballages plastique sont actuellement recyclés, et plus précisément 60 % des bouteilles en polyéthylène téréphtalate (PET) et 10 % des autres emballages en plastique. « C'est (…) tout l'enjeu » de la réforme, explique-t-elle.
Les recycleurs incapables de développer seuls la filière
L'Autorité considère donc que la reprise des plastiques non recyclés « vise à atteindre rapidement des résultats plus significatifs de recyclage de déchets d'emballages ménagers plastiques et à moderniser la filière industrielle ». Elle estime, en particulier, que les spécialistes actuels du tri, du négoce et du recyclage des déchets d'emballages plastique « ne seraient pas en mesure d'assurer seuls le surtri et le recyclage de manière performante et pérenne ».
Et de conclure que, « dans ces conditions, l'exclusivité apparaît à la fois nécessaire, en raison du pouvoir de structuration des investissements des éco-organismes, et proportionnée, en ce qu'elle ne concerne que certaines catégories de déchets encore non ou peu valorisables ».
L'Autorité apporte toutefois un bémol : « L'application du dispositif devrait revêtir un caractère temporaire. » Elle recommande donc de limiter la durée de l'exclusivité afin qu'elle n'aille pas au-delà de la future période d'agrément, soit au maximum en fin d'année 2029. Elle « recommande [aussi] qu'une clause de revoyure soit [prévue] afin de permettre, sur la base d'un audit qui devra être réalisé en 2025, d'examiner les capacités industrielles de tri, de surtri et de recyclage de la filière et d'analyser l'opportunité de maintenir une clause d'exclusivité ».