Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
AccueilAdrien FourmonUn parc éolien ne constitue pas – nécessairement – un trouble anormal du voisinage

Un parc éolien ne constitue pas – nécessairement – un trouble anormal du voisinage

Dans une nouvelle décision juridique que nous commente Adrien Fourmon du cabinet Jeantet, la Cour de cassation qualifie le développement de l'énergie éolienne d'intérêt public. Une avancée selon lui pour les développeurs de parcs.

Publié le 12/10/2020

La notion de trouble anormal du voisinage est régulièrement invoquée par les riverains opposant des parcs éoliens, notamment lorsque ces derniers ne sont pas parvenus à faire annuler, devant le juge administratif, l'arrêté autorisant sa construction et son exploitation. Le recours à cette notion leur ouvre une nouvelle voie contentieuse, cette fois devant le juge civil, leur permettant de demander la réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subis du fait de la présence des éoliennes et de leur fonctionnement.

Telle était la configuration du litige pour lequel la Cour de cassation a rendu un arrêt très commenté, le 17 septembre dernier.

Pas de troubles anormaux dans cette affaire

Dans cette affaire, un couple avait assigné une société exploitant un parc éolien, en vue d'obtenir la réparation des préjudices occasionnés par les éoliennes qu'elles exploitent, au motif que ces dernières généraient selon eux, des troubles anormaux du voisinage.

En l'occurrence, la Cour de cassation a, tout comme l'avait déjà fait la Cour d'appel d'Amiens, rejeté la demande des consorts P. en jugeant qu'aucun trouble du voisinage n'était caractérisé en l'espèce.

La Cour de cassation procède à un raisonnement en deux temps, tout d'abord en constatant l'existence et la consistance des troubles prétendument subis, puis en appréciant si ces troubles dépassent les inconvénients normaux du voisinage, en mettant alors en balance ces éventuels troubles avec les divers droits et intérêts en présence.

Des niveaux sonores règlementaires dans un "paysage rural ordinaire"

Sur le premier volet, elle relève tout d'abord que les rapports d'expertise et le constat d'huissier produits à l'instance, constataient que le volume des émissions sonores généré par les éoliennes, était inférieur aux seuils prévus par la réglementation. A savoir l'annexe I de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à déclaration au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement. Sur le fondement de ces mêmes pièces, la Cour de cassation constate également que le bois situé entre les propriétés des requérants et le parc éolien « formait un écran sonore et visuel réduisant les nuisances occasionnées aux habitants ». En outre, elle précise que la distance entre les éoliennes et les habitations était bien, conformément à l'article L. 515-44 du code de l'environnement, supérieure à 500 mètres. Enfin, elle ajoute que même s'il est élégant et paisible, le hameau dans lequel résident les requérants, demeure « situé dans un paysage rural ordinaire ». Par conséquent, les effets des troubles subis par les consorts P. étaient donc relativement limités.

L'énergie éolienne est d'intérêt public

Poursuivant sur le second volet de son raisonnement, la Cour de cassation rappelle tout d'abord, les principes selon lesquels « nul n'a un droit acquis à la conservation de son environnement » et que « le trouble du voisinage s'apprécie en fonction des droits respectifs des parties ». Relevons d'ailleurs qu'elle avait déjà fait usage du premier principe dans un arrêt du 21 octobre 2009, pour considérer qu'un plan local d'urbanisme pouvait toujours remettre en question l'environnement d'une construction (Cour de cassation, 3ème civ., 21 octobre 2009, n° 08-16.692). Elle confirme ensuite l'appréciation retenue par la Cour d'appel, qui avait jugé que « la dépréciation des propriétés concernées, évaluée par expertise à 10 ou 20 %, selon le cas, dans un contexte de morosité du marché local de l'immobilier, ne dépassait pas, par sa gravité, les inconvénients normaux du voisinage, eu égard à l'objectif d'intérêt public poursuivi par le développement de l'énergie éolienne ».

L'absence d'anormalité du trouble résulte ici d'une part, de la faible dépréciation de la valeur du bien des requérants du fait du fonctionnement du parc éolien et d'autre part, de l'importance de l'objectif d'intérêt public que constitue le développement de parcs éoliens, qui a lui-même pour finalité de contribuer à l'accroissement de la production des énergies renouvelables.

Une appréciation du trouble sur le terrain

Cette dernière circonstance est en l'occurrence, une réelle avancée dans ce type de contentieux, au profit des exploitants de parc éolien. En effet, en qualifiant le développement de l'énergie éolienne d'intérêt public, la Cour de cassation, semble faire primer cet objectif sur les intérêts privés en cause.

Cette décision aura en outre, peut-être pour conséquence de mettre un coup d'arrêt à la tendance de certains juges du fond à faire droit aux demandes de réparation formées par des riverains de parc éolien sur le fondement de la notion de troubles anormaux du voisinage (voir par exemple Cour d'appel de Toulouse, 1re chambre, 9 Mars 2020, n° 17/04106).

Néanmoins, la portée de cette jurisprudence doit, à ce stade, être relativisée. En effet, la Cour de cassation confirme de manière évidente que l'appréciation du trouble se fait in concreto. Il s'ensuit que tout dépend donc de la configuration des lieux mais aussi des particularités de la zone où sont installées les éoliennes. En ce sens, il sera plus difficile pour les riverains d'un parc éolien habitant un site ou un paysage ordinaire comme c'était le cas dans l'arrêt de la Cour de cassation commenté, de démontrer l'existence d'un trouble anormal du voisinage, que pour ceux résidant  dans un paysage au caractère remarquable. Une appréciation au cas par cas paraît donc s'imposer.

Ajoutons enfin que dans un précédent arrêt rendu en 2017, la Cour de cassation avait indiqué que les tribunaux judiciaires ont en toute circonstance « compétence pour se prononcer (…) sur les dommages-intérêts à allouer aux tiers lésés par le voisinage d'une telle installation classée ». En revanche, ils ne sont compétents pour prononcer des « mesures propres à faire cesser le préjudice que cette installation pourrait causer dans l'avenir », que si « ces mesures ne contrarient pas les prescriptions édictées par l'administration en vertu des pouvoirs de police spéciale qu'elle détient » (Cour de cassation, 1ère civ., 25 janvier 2017, n° 15-25.526). En l'absence de cette condition, le juge administratif redeviendrait alors compétent pour apprécier du bien-fondé de ces mesures.

Avis d'expert proposé par Adrien Fourmon, avocat en droit public et en énergies renouvelables au cabinet Jeantet

Les Blogs sont un espace de libre expression des abonnés d'Actu-Environnement.

Leurs contenus n'engagent pas la rédaction d'Actu-Environnement.

16 Commentaires

Laurent

Le 13/10/2020 à 9h02

les lignes à haute tension sont plus moches que les éoliennes et tuent beaucoup plus d'oiseaux, mais les riverains ne les voient plus, elles sont devenues "habituelles " !
la solution serait de remplacer chaque poteau par une éolienne et d'enterrer les lignes, le transport du courant deviendrait fournisseur d'énergie !
en plus les emprises au sol sont déjà faites !

Signaler un contenu inapproprié

Sagecol

Le 13/10/2020 à 10h04

La justice (qui ne mérite pas sa majuscule) ne dit pas le juste, mais le droit; or le droit n'est pas toujours juste ...et judicieux.


Est-ce que les juges de cette hiérarchie de cours vivent à proximité d'une "ferme" éolienne ?

Rachèteraient-ils comme résidence secondaire une maison proche d'une éolienne ou avec pour horizon proche un "champ d'éoliennes" ?

Ont-ils consulter les vaches que ces grands moulins perturbent ?


Sauf peut-être en Lozère, voire dans la Creuse, l'éolien terrestre n'est pas enviro-soutenable.

Assez loin de la côte en produisant de l'hydrogène, d'accord.

Signaler un contenu inapproprié

Pemmore

Le 13/10/2020 à 10h38

Il serait intéressant de savoir si la maison de ces gens elle aussi ne provoque pas un trouble au style de construction locale, car c'est le malheur actuel, d'extraordinaires villages en pierre de taille, la plupart des maisons de plus de 100 ans salopés par du béton moche colorisé comme au Danemark, l'ardoise remplacée par de la tuile ou l'inverse, sans même un arbre pour cacher la misère.
Des éoliennes dans un paysage déjà mort, what else?
Il s'agit visiblement du village de Guiscard, un paysage tout plat, sans forêt, des maisons actuelles, une grande rue c'est tout, la mairie n'a pas imposé la brique apparente, je ne vois pas ce qu'il y a à protéger.
Justement ces éoliennes feront un peu d'animation.
Au fait pourquoi toujours blanches?

Signaler un contenu inapproprié

Sirius

Le 13/10/2020 à 11h22

Attendons qu'un de ces membres distingués de la Cour de cassation voit surgir une machine de 150 ou 200 m. de haut à 500 m. de sa résidence .Son jugement sera -t-il le même ?

Signaler un contenu inapproprié

Benoit 49

Le 13/10/2020 à 11h48

Comme vous le dites,dans cette affaire, il y avait très peu de trouble.Les éoliennes n'étant pas même visibles des habitations concernées.
la décote immobilière est cependant, et pour la première fois, confirmée par la cour de cassation.

Signaler un contenu inapproprié

Benoit 49

Le 13/10/2020 à 11h50

Le ministre de l’environnement l’avait confirmé au Sénat ici : https://www.senat.fr/questions/base/2016/qSEQ160219995.html

« Ces mesures compensatoires sont donc à différencier des compensations des préjudices civils. En effet, un projet autorisé par l'État, l'est sans préjudice des tiers. À ce titre, le porteur de projet est tenu de réparer le préjudice qu'il causerait à autrui. Ces réparations, négociées librement entre les personnes lésées et le porteur de projet, peuvent prendre la forme d'indemnisations financières ou autre « compensation ».
Si le promoteur paie des mesures compensatoires par exemple pour compenser la mort d’oiseaux protégés, dans le cadre des autorisations obtenues pour construire, cela n’est pas suffisant : il reste à compenser les préjudices civils, ceux subis par les riverains

Signaler un contenu inapproprié

Benoit 49

Le 13/10/2020 à 11h57

Désormais, les élus sont prévenus: en acceptant un parc éolien, ils autorisent la baisse de la valeur des bien de leurs administrés riverains des éoliennes. Une baisse des impôts foncier va-t- elle suivre ?

Signaler un contenu inapproprié

Gaïa94

Le 13/10/2020 à 17h45

On se pose la question de savoir pourquoi ce couple est allé jusqu'en cassation ... si c'est pour s'entendre dire que finalement il n'y a pas de trouble: sa maison est dépréciée, il y bel et bien un trouble mais bon , l'Etat fait passer l'intérêt public devant les nuisances, ce qu'il a toujours fait de toutes façons; le mieux c'est de quitter ce pays, il devient franchement invivable. Où est le but ce continuer à vivre en France si plus un seul coin du territoire n'est exempt de nuisances ? Où aller? Entre les autoroutes, les routes, les aéroports qui ont tous les droits , les voies ferrées , les ZAC , les zones commerciales et leur flots de bagnoles et maintenant les champs d'éoliennes et bientôt les installations d'usines qui relocalisent, il vaut mieux garder ses économies pour émigrer. C'est ce que je conseille vivement à ce couple, allez ouste ! Vous trouverez mieux à l'étranger, il y a encore des pays non surpeuplés où il fait bon vivre.

Signaler un contenu inapproprié

Benoit 49

Le 14/10/2020 à 14h53

Ne semez pas la panique chez les riverains et futurs riverains d’éoliennes. Cet arrêt ne fait que confirmer le principe selon lequel la gravité du trouble de voisinage invoqué doit être caractérisée, démontrée. Ce qui n'était pas le cas dans cette affaire : les requérants ne voyaient pas les machines de chez eux, juste un bout de pale, en hiver, selon les experts judiciaires. Ils ne pouvaient prouver ni une nuisance sonore, ni un trouble visuel.
L'arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 n'est en aucun cas un arrêt de principe s'imposant dans le cadre des autres contentieux relatifs à l'indemnisation des troubles anormaux de voisinage.

Signaler un contenu inapproprié

Pemmore

Le 15/10/2020 à 12h10

C'est vrai que ça peut impacter la valeur immobilière mais 10% au maximum, suffirait que la société leur revende à bas prix le courant électrique essentiel pour les voitures électriques pour rééquilibrer.
Faut pas pleurer comme chez-moi la ligne lgv avec un épouvantable bruit de ferraille, des variateurs et ventilateurs qu'on entend à 1 km (du mauvais matos, ça devrait être silencieux) dans un coin cool aimé des touristes avec beaucoup d'emplois qui est devenu un enfer.

Signaler un contenu inapproprié

Gaïa94

Le 15/10/2020 à 12h33

benoit 49: on ne va pas en cassation sans qu'il y ait un trouble réel car un citoyen ne va pas en justice seulement pour faire joli, d'ailleurs la cour a constaté ces nuisances et il est bien dit qu'elles ont été mises en balance avec l'intérêt général , c'est du même acabit que pour les riverains des aéroports ou ceux des voies autoroutières ou ferrées. Le résultat est quand même que votre qualité de vie est dégradée et votre bien immobilier dévalué, alors que vous habitiez dans un endroit tranquille avant l'installation de ces infrastructures, et l'Etat ne veut jamais le considérer , cela l'obligerait à des dédommagements. Oui les éoliennes génèrent des nuisances , qui peuvent être importantes , pas que le bruit d'ailleurs. Il y a aussi les champs magnétiques induits qui peuvent altérer très gravement la santé et dont bien sûr l'Etat ne veut pas entendre parler, sans compter les oiseaux qui sont victimes. Ce n'est pas parce que cette technologie offre des avantages qu'il faut lui passer tous ses inconvénients et surtout il y a assez de place en France sans qu'on aille l'imposer arbitrairement aux habitants, j'appelle ça du vandalisme d'Etat.

Signaler un contenu inapproprié

Laurent

Le 15/10/2020 à 12h52

@pemmore ; toujours blanches pour qu'elle soient visibles pour les avions
j'ai une mega ligne à haute tension à 500m de chez moi, si demain on la remplace par des éoliennes je signe toute de suite !

Signaler un contenu inapproprié

Sagecol

Le 15/10/2020 à 19h09

Il y a des gens qui achètent une maison plus ou moins récente dans une rue ultra-passante à côté d'un carrefour avec feux ou simplement deux stops et profusion de pollutions par redémarrages.

Signaler un contenu inapproprié

Benoit 49

Le 16/10/2020 à 10h43

à Sagecol: certainement pas Guiscard puisque le PC était au conseil d'Etat en juin.Les éoliennes ne sont donc pas montées.

Signaler un contenu inapproprié

Pemmore

Le 16/10/2020 à 23h47

Ces gens sont de la plus mauvaise foi, imagine qu'en rétorsion s'ils avaient gagné,engie pour cause de manque de développement éolien leur coupe le courant, ce qui serait bien mérité,j'applaudirais à 2 mains
Une société de gens qui ne pensent qu'à eux-mêmes n'a pas grande valeur.
De chez moi j'ai un paysage magnifique sans maison visible, dans un tallweg , un très joli côteau, qu'ils y mettent des éoliennes, pourquoi pas, j'adore ces grands oiseaux blancs.

Signaler un contenu inapproprié

Benoit 49

Le 19/10/2020 à 12h12

@Gaïa94.Aller en cassation alors que les éoliennes sont invisibles de sa propriété...quelle imprudence. La deuxième leçon à retenir, c'est que des avocats sont prêts à tout pour faire des honoraires, quitte à mal conseiller leur client.

Signaler un contenu inapproprié

Commentez ou posez une question à Adrien Fourmon

Les commentaires aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Mot de passe oublié