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Retour à chaud sur la conférence des Nations Unies sur la réduction des risques de catastrophe

Hubert Delzangles, Professeur de droit public et membre associé du CRIDEAU a participé à la Conférence de Sendaï avec le Centre International de Droit Comparé de l'Environnement (ONG française accréditée) et livre à Actu-environnement son analyse.

Publié le 23/03/2015

Avec onze heures de retard sur la clôture officielle prévue, la troisième Conférence mondiale des Nations Unies sur la réduction des risques de catastrophe réunie à Sendaï au Japon du 14 au 18 mars 2015 s'est terminée mercredi soir aux alentours de minuit. C'est, pourrait-on dire, sous un "tonnerre" d'applaudissements que représentants des Etats parties, membres des Nations Unies et de la société civile se sont quittés après avoir assisté ou participé à d'âpres négociations dont la dernière ligne droite a duré plus de 48 heures sans réelle interruption.

L'objectif de la Conférence, qui précède les autres rendez-vous du Sommet spécial sur le développement durable en septembre 2015 à New York et de la 21ème Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques en décembre 2015 à Paris, était d'adopter un cadre de réduction des risques de catastrophe pour la période 2015-2030. Cette initiative se fonde sur un cadre d'action de l'ONU ayant débuté par la proclamation par l'Assemblée générale des Nations Unies des années 90 "Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles1". Au cours de cette décennie, la première Conférence mondiale sur la prévention des catastrophes a adopté la Stratégie de Yokohama pour un monde plus sûr et son Plan d'action en 1994. La deuxième Conférence mondiale sur ce thème s'est déroulée à Kobe et a débouché sur la mise en place du cadre d'action de Hyogo 2pour la période 2005-2015. Cette troisième Conférence mondiale est venue tirer les enseignements du premier cadre d'action adopté pour la période 2005-2015.

A l'instant des conférences internationales sur le climat, la préparation d'une telle conférence n'est pas l'affaire de quatre jours mais commence des mois auparavant. Des Comités préparatoires permettant la participation de la société civile se réunissent afin d'échanger sur les différents textes et proposent des amendements avant que les représentants des Etats parties ne le négocient formellement. Les quatre jours de la Conférence respectent aussi cette diversité et, au-delà des tables rondes ministérielles, des Side Event3 sont organisés par la société civile tout comme des séances de travail organisées par l'UNISDR4 en parallèle des négociations interétatiques dans le cadre des "Commissions principales".

Il résulte de ces négociations un nouveau texte intitulé "Sendaï Framework for Disaster Risk reduction 2015-2030" qui a fait l'objet d'une négociation intense en particulier pendant les deux derniers jours mais dont le contenu est assez satisfaisant même s'il laisse en suspens un certain nombre de questions d'importance.

Les principaux points de friction entre Etats

Les négociations qui se sont tenues à Sendaï ont tout d'abord mis en exergue un certain nombre de points conflictuels, traditionnels parfois, entre Etats parties. En effet, la place des droits de l'Homme dans la gestion des risques de catastrophes, les questions de coopération internationale, de financement, de transferts de technologie ainsi que la responsabilité commune mais différenciée ont fait l'objet de très longues discussions voire parfois d'oppositions frontales entre Etats. Des discussions "nformelles"entre certains pays ont donc entrecoupé les réunions de la "Commission principale" afin de trouver des solutions acceptables pour tous.

Il convient de noter par exemple que la référence à la "promotion et à la protection de tous les droits de l'Homme" n'a été acceptée qu'au prix de l'ajout à sa suite de la référence "incluant le droit au développement". La mention des conflits et des occupations étrangères en tant que facteurs sous-jacents de risques a, quant à elle, été supprimée suite à l'insistance Syrienne opposée à la Palestine notamment. De plus, les délégués des Etats se sont affrontés sur la question d'un financement "prévisible et additionnel". Les pays en développement souhaitant un financement supplémentaire et une référence à la source de financement alors que les pays industrialisés envisageaient une multitude de sources, notamment nationales ou privées. Enfin, la question des dispositions régissant les transferts de technologies, suivie ou non de la mention "à des conditions mutuellement convenues", inclue dans un certain nombre de paragraphes du texte, a opposé notamment l'Iran et les Etats-Unis jusqu'à l'adoption finale. Insatisfaits par la solution trouvée par le facilitateur, les Etats-Unis ont fait une déclaration finale précisant que l'interprétation du Cadre de Sendaï ne pouvait en aucun cas porter atteinte au droit de propriété privée et au droit de propriété intellectuelle reconnu en droit international le cas échéant mais surtout dans le droit national nord-américain.

Un accord louable

Il ressort de l'ensemble des négociations un texte final fixant un ensemble de principes directeurs : responsabilité de chaque Etat dans la prévention et la réduction des risques de catastrophes, implication des parties prenantes, échange et diffusion des données ou encore élaboration de politiques et plans en cohérence avec les objectifs du développement durable. Suivent les quatre actions prioritaires :

- La compréhension des risques de catastrophes,

- Le renforcement de la gouvernance des risques de catastrophes,

- L'investissement dans la réduction des risques de catastrophes aux fins de résilience,

- Le renforcement de l'état de préparation aux catastrophes pour une réponse efficace et "reconstruire en mieux" durant la phase de relèvement, de remise en état et de reconstruction.

Chaque action prioritaire est déclinée au niveau national et niveau local puis au niveau mondial et régional.

Parmi les 11 paragraphes détaillant ces priorités il faut relever pour la première priorité l'encouragement à l'utilisation et au renforcement des évaluations des risques de catastrophes (incluant les catastrophes en cascade) sur l'écosystème, l'accès libre aux informations non sensibles ou la diffusion de systèmes d'alerte rapide multirisques.

Pour la deuxième priorité l'accent pourrait être mis sur l'objectif d'intégration systématique de la réduction des risques dans tous les secteurs et entre eux, sur la place des autorités locales dans la gouvernance ou sur la formulation de politiques publiques de prévention ou de réinstallation, lorsque c'est possible, des établissements humains situés dans des zones exposées à ces risques. Si la promotion de la coopération transfrontière est évoquée, en revanche, les actions conjointes en faveur des transferts de fonds rapides ont disparus du texte final.

La troisième priorité sur l'investissement dans la réduction des risques insiste sur l'importance de la résilience à tous les niveaux, sur la "reconstruction en mieux" dès le départ et sur la révision des codes et normes de construction. Est mentionnée l'idée d'encourager l'adoption de politiques et de programmes concernant les déplacements de population dus à des catastrophes afin de renforcer la résilience des personnes touchées et celle des communautés d'accueil. Le renforcement de l'utilisation et de la gestion durable des écosystèmes et la mise en œuvre de stratégies intégrées de gestion de l'environnement et des ressources naturelles intégrant la réduction des risques de catastrophes est aussi évoqué.

La quatrième priorité sur la préparation aborde notamment la révision périodique des politiques, plans et programmes de préparation aux situations de catastrophe en tenant compte des scénarios de changement climatique, insiste sur la préparation de la population aux situations de catastrophes et l'amélioration du dispositif de soutien psychologique et de santé mentale pour toutes les personnes qui en ont besoin.

Après avoir reconnu et mis en avant le rôle des parties prenantes, le Cadre d'action évoque la coopération internationale et le partenariat mondial en abordant notamment la mise en œuvre des objectifs convenus, le soutien des organisations internationales et les mesures de suivi.

De façon transversale il convient de valoriser dans ce texte la question de la santé qui est beaucoup mieux appréhendée qu'auparavant. Par ailleurs, le texte progresse aussi sur la place reconnue aux autorités locales, sur l'effort d'éclaircissement des notions, tout comme sur le champ d'application qui s'élargit désormais explicitement aux catastrophes causées par l'homme. Par ailleurs, le recours à des indicateurs visant à éviter les catastrophes ou mesurer les résultats obtenus par le Cadre négocié s'est intensifié. Enfin, et tout particulièrement du point de vus français, le texte sur la réduction des risques de catastrophes est a priori compatible avec le cadre envisagé par les futures négociations sur le climat qui vont se tenir en décembre dans le cadre de la COP 21. Il s'agissait, notamment, pour le gouvernement français, de préparer et déblayer le terrain pour ne pas avoir à ouvrir une nouvelle fois le débat à l'occasion de la COP 21 ce qui semble fait et permet donc d'aborder ce futur rendez-vous avec un peu plus de sérénité. Néanmoins, de façon globale, quelques lacunes peuvent être relevées alors que le rendez-vous mondial sur les risques de catastrophes aurait pu être l'occasion d'insister sur ces thèmes.

Des lacunes environnementales

Outre le fait que les droits de l'Homme et que la protection de l'environnement soient peu présents dans le texte, deux reproches centrés sur la question environnementale pourraient être faits aux résultats de ce Cadre de réduction des risques de catastrophes. En premier lieu, alors que cette réunion avait lieu à seulement 80 km de la centrale nucléaire de Fukushima, la question du nucléaire n'a été que très peu évoquée. Certes, la société civile a abordé le problème dans un Side Event et le nucléaire a été mentionné pendant les Commissions principales par la Biélorussie et le Japon. Néanmoins, même si le texte aborde explicitement les catastrophes provoquées par l'homme et celles en cascade, aucune place n'est faite à ce thème alors que les conséquences d'un accident nucléaire sont incomparables avec d'autres catastrophes, notamment du fait de la quasi-impossibilité de résilience.

En second lieu, la question des déplacés environnementaux n'a pas été traitée à sa juste mesure. Si le problème a été envisagé, puisqu'entre 2008 et 2012, comme le précise le texte, 144 millions de personnes ont été déplacées du fait de catastrophes, aucun statut juridique n'a été évoqué. Aucune demande de renforcement du droit international public n'a été faite au niveau des Nations Unies alors même que ces personnes ne bénéficient d'aucun statut ni d'aucune protection juridique universels (la Convention de Genève sur les réfugiés ne leur est pas applicable). L'acte est d'autant plus manqué que la Commission du droit international des Nations Unies a adopté en 2014 un projet de texte5 et d'articles sur la protection des personnes en cas de catastrophe.

En tout état de cause, même si un tel cadre d'action semble être envisagé sur une période bien longue (15 ans), il convient de louer les avancées d'une telle prise en compte internationale en espérant qu'en luttant contre les causes, qu'elles soient climatiques, technologiques ou autres, les risques de catastrophes diminuent à l'avenir.

Avis d'expert proposé par Hubert Delzangles, professeur de droit public et membre du Crideau

1 Résolution 44/236
2 Résolution 60/195
3 Pour le CIDCE trois Side Event sur les droits de l'Homme, les déplacés environnementaux et la question du nucléaire
4 Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophes
5 A/CN.4/L.831 ; Voir aussi, Prieur M., « Ethical Principles relating to Disaster Risk Reduction and contributing to People's Resilience to Disaster » adoptés par la résolution 2011-1 du Comité des correspondants permanents au soixantième meeting, Conseil de l'Europe, 15 avril 2011

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