Compte tenu des connaissances actuelles, le déploiement de la 5G ne présente pas de risques nouveaux pour la santé, estime l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) à l'occasion du lancement, ce mardi 20 avril, de la consultation sur son rapport d'expertise et de son avis sur la 5G.
L'agence insiste toutefois sur le fait que cette évaluation reste conditionnée aux recherches futures, tant les données manquent. Et l'Anses de déplorer que le rythme du déploiement de la technologie soit plus rapide que celui de la recherche sur les impacts sanitaires : « il est souhaitable que le déploiement de technologies nouvelles soit soutenu par la réalisation d'études ou un recueil documenté de la littérature des liens entre exposition et impacts sanitaires préalablement à leur déploiement », recommande-t-elle.
Les quatre ministères en charge du dossier considèrent que l'évaluation de l'Anses « conforte les choix du Gouvernement sur le lancement de la 5G ». Prenant en compte l'absence de données relatives aux nouvelles fréquences, « le Gouvernement entend renforcer les efforts de recherche sur l'identification et l'analyse d'éventuels effets sanitaires liés à l'usage de ces ondes millimétriques par les réseaux de télécommunications ».
À l'inverse, les opposants au déploiement de la 5G insistent sur les lacunes scientifiques : « on a l'impression d'avoir entendu la présentation d'un rapport intermédiaire où l'on continue à poser des questions avec des représentants de l'Anses qui finalement concluent à l'absence de risques tout en disant qu'on n'a pas beaucoup de données », résume Stéphen Kerckhove, délégué général d'Agir pour l'environnement.
Pas de différence avec la 4G, pour l'instant
« Il n'y a pas une 5G, mais plusieurs 5G », rappelle d'emblée Matthieu Schuler, directeur général délégué de l'Anses en charge de l'expertise. En l'occurrence, il y trois 5G en fonction des gammes de fréquences : les fréquences actuellement utilisées pour la 4G et comprises entre 700 MHz et 2,1 GHz, la bande 3,5 GHz destinée à la couverture en téléphonie mobile à haut débit, et la bande 26 GHz dédiée aux échanges entre objets connectés et aux communications à faible temps de latence. Pour évaluer les risques associés à chacune de ces gammes, l'Anses a pris en compte deux facteurs distincts : les effets biologiques et sanitaires éventuels liés à l'exposition aux fréquences et le niveau d'exposition à proprement parler.
S'agissant de la bande entre 700 MHz et 2,1 GHz, l'Anses s'appuie sur ses expertises précédentes de 2013 et 2016 qui couvraient déjà ces fréquences. Elle estime que l'éventuel risque sanitaire est comparable à celui de la 3G et de la 4G. En effet, l'agence considère que les niveaux d'exposition dans l'environnement liés aux émissions des antennes relais devraient peu varier par rapport aux émissions 3G et 4G. Cette analyse ne satisfait pas Sophie Pelletier, la présidente de Priartem. Elle souligne que l'Anses ne s'appuie pas sur une analyse spécifique des risques associés à la fréquence 700 MHz qui sera la plus utilisée. En outre, elle juge que « les questions qu'on posait déjà fortement sur les risques de plus en plus suspectés sur ces gammes de fréquences sont toujours autant valables pour la 5G ».
Pas de données pour les nouvelles fréquences
Pour les deux nouvelles bandes, l'Anses est confrontée à l'absence de données. « Aucun résultat d'étude scientifique s'intéressant aux effets éventuels sur la santé de l'exposition aux champs électromagnétiques spécifiquement dans ces nouvelles bandes de fréquences (…) n'est actuellement disponible », déplore-t-elle.
Au 31 janvier, il existait en France quelque 1 600 sites émettant dans la bande de fréquences autour de 3,5 GHz. « L'exposition aux champs électromagnétiques qui en résulte n'est donc pas représentative aujourd'hui de ce qu'elle sera lorsque de nombreux utilisateurs seront connectés », explique l'Anses. Pour contourner cette difficulté, elle reprend donc l'évaluation de l'Agence nationale des fréquences (ANFR) qui estime qu'avec le déploiement de la 5G dans cette bande, l'exposition moyenne des Français aux champs électromagnétiques devrait passer de 1,3 volt par m (V/m) à 1,7V/m.
Quant aux éventuels effets sanitaires, ils sont estimés sur la base de travaux portant sur d'autres technologies utilisant des fréquences proches (en l'occurrence des fréquences allant de 0,8 à 2,45 GHz). Mais l'Anses est particulièrement prudente sur le sujet : « Il parait difficile d'extrapoler les résultats d'études scientifiques obtenus à des fréquences différentes, même proches, pour en tirer des conclusions sur les effets biologiques, physiologiques, comportementaux et a fortiori sanitaires potentiels dans la bande de fréquences autour de 3,5 GHz. » Toujours est-il que cette comparaison et les premières données issues des pays où la 5G est déjà déployée dans la bande 3,5 GHz conduisent l'Anses à considérer « qu'il est peu vraisemblable, à ce stade, que le déploiement de la 5G dans [cette bande de fréquences] constitue un nouveau risque pour la santé ». Un résultat assorti d'un point de vigilance concernant l'intermittence des signaux des technologies sans-fil qui « pourrait influencer l'ensemble des réponses biologiques ».
Reste l'utilisation de la bande de fréquence de 26 GHz qui, pour l'instant, n'est qu'au stade de projet. Faute de données, l'Anses s'est appuyée sur les publications utilisant des fréquences entre18 et 100 GHz. Mais, pour l'instant, il est difficile de trancher : « les données ne sont pas suffisantes pour conclure à l'existence ou non d'effets sanitaires liés à l'exposition aux champs électromagnétiques dans la bande de fréquences autour de 26 GHz », conclut l'agence.