A l'occasion de la conférence environnementale, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault fixait un "objectif ambitieux" aux constructeurs automobiles : mettre au point des véhicules consommant 2 l aux 100 km d'ici dix ans. Le but étant, notamment, "de développer et de structurer une filière industrielle (…) de l'efficacité énergétique (…) qui accorde une place très large à l'innovation technologique".
Dès le lundi suivant, Guillaume Faury, directeur de la recherche et développement de PSA Peugeot Citroën, commentait cette annonce dans les colonnes du Parisien. "C'est une rupture technologique importante", estimait-il, ajoutant que "ce challenge technologique est probablement réalisable". Et le responsable de PSA de décrire la voiture en question : "si l'on se projette en 2020, un véhicule qui consomme 2 l aux 100 km sera probablement une petite voiture avec un moteur diesel-électrique et un concentré de technologies". Faisable, certes, mais "forcément [avec] un surcoût significatif", avertissait Guillaume Faury.
Citadines diesel et familiales hybrides
Si l'on évalue les véhicules existants, les véhicules hybrides s'imposent au palmarès des véhicules essence les plus performants en matière de consommation et d'émissions de CO2. En 2012, le podium du palmares de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) est dominé par trois voitures hybrides, au premier rang desquelles la Lexus CT 200h et sa consommation de 3,8 l aux 100 km.
Par contre, le classement des véhicules diesel fait la part belle aux petits véhicules urbains, à l'image de la Smart Fortow CDI qui pointe en tête avec 3,3 l aux 100 km pour les versions cabriolet ou coupé.
Les véhicules actuellement les plus efficaces sont donc les petits véhicules diesel ou les voitures familiales compactes en motorisation hybride essence. Avec des consommations de l'ordre de 3,3 à 3,8 l aux 100 km, le chemin à parcourir reste important.
Autre constat, les constructeurs français sont absents du classement des véhicules essences et, mise à part une Renault Clio, ne figurent pas aux meilleures places du classement diesel. Le chemin risque donc d'être d'autant plus difficile pour les constructeurs français auxquels s'adressait le Premier ministre.
Un mix de technologies…
Selon l'Institut français du pétrole énergies nouvelles (IFPEN), pour atteindre "un gain de l'ordre de 40 à 50 % sur la consommation du véhicule", il faut continuer à réduire la cylindrée des moteurs, y associer une suralimentation, optimiser la gestion thermique du moteur, généraliser les systèmes micro-hybride (stop and start), assurer un contrôle optimal des composants ou encore réduire les pertes mécaniques et thermiques.
A cela, s'ajoutent des efforts sur l'aérodynamique et sur la masse des véhicules, l'IFPEN précisant que "sur un véhicule traditionnel, une réduction de la masse de 100 kg entraîne une réduction de l'ordre de 5 g CO2/km", soit approximativement 0,2 l aux 100 km. Pour l'IFPEN, la voiture consommant 2 l aux 100 km pèsera de 700 à 800 kg tout en préservant les principales options actuellement disponibles.
Ce point de vue est partagé par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qui estime qu'"une large gamme de technologies améliorant l'efficacité énergétique des véhicules sont disponibles [et] la plupart sont disponibles commercialement" dans la feuille de route technologique visant à réduire la consommation des voitures de 30 à 50% d'ici 2030, publiée le 19 septembre. Si l'échéance est plus lointaine que celle proposée par Jean-Marc Ayrault, l'objectif de réduction de consommation est similaire.
…onéreuses
L'un des intérêt du rapport de l'AIE est de lister et d'évaluer le coût des technologies auxquelles auraient recours de telles voitures. Pour les véhicules essence, il est possible, par exemple, de réduire les frottements mécaniques (3% d'économie de carburant pour un coût de 35 euros par voiture), d'améliorer le cycle thermodynamique (14% pour 400 euros) ou de réduire la cylindrée des moteurs (17% pour 520 euros), ect. Mises bout-à-bout, ces technologies réduiraient de 51% la consommation pour un coût de 3.520 euros par voiture.
Côté diesel, ces technologies vont de l'usage de pneus plus efficaces (3% d'économie pour 35 euros) à une baisse drastique du poids du véhicule (10% d'économie pour 1.000 euros), en passant par l'amélioration des systèmes auxiliaires (6% d'économie pour 440 euros). Au total, l'Agence estime qu'il serait possible de réduire de 39% la consommation pour un coût de 3.375 euros par voiture.
Cependant, l'outil le plus efficace semble être les tractions hybrides. L'AIE juge qu'à elle seule, l'hybridation réduirait de 25% la consommation d'une voiture essence et de 22% celle d'un véhicule diesel, pour 2.750 euros par véhicule. Au total, l'AIE juge qu'en associant toutes les technologies, il est possible de réduire de 63% la consommation d'une voiture essence avec un surcoût de 6.270 euros et de 52% celle d'une voiture diesel pour un surcoût de 6.125 euros.
Persévérer dans l'hybridation
L'hybridation est clairement la stratégie suivie par Toyota, et dans une moindre mesure d'autres constructeurs asiatiques. A l'occasion du salon de l'automobile 2012, le constructeur japonais a affirmé vouloir faire des véhicules essence hybrides le "socle" de son offre, rapporte l'AFP. Toyota, conforté par le succès des modèles Prius lancé dès 1997, a annoncé vouloir disposer de 21 modèles hybrides en catalogue d'ici 2015 (14 nouveaux modèles et 7 nouvelles versions de modèles existants). L'objectif du constructeur, qui devrait produire près de 10 millions de voitures en 2012, est de vendre un million d'unités par an dès 2013.
A l'opposée, les constructeurs français, encouragés par le précédent gouvernement, misent sur les voitures électriques. Lors de son audition par la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale en janvier, Carlos Tavares, directeur général délégué de Renault, avait eu une phrase lapidaire illustrant tout le bien qu'il pense des voitures hybrides : "deux motorisations pour un seul véhicule dans une industrie à faible marge, c'est une de trop". Peugeot semble néanmoins mieux armé avec le lancement à l'automne dernier de la première voiture diesel-électrique de série.
Du côté des experts du secteur, la balance semble là aussi pencher en faveur des voitures hybrides, confortant le choix de Toyota. Ainsi, le cabinet Oliver Wyman, estime que sous l'impulsion des pays émergents, le marché des véhicules hybrides devrait croitre de 16% par an jusqu'en 2017 pour atteindre 3,2 millions de voitures vendues par an. Une hausse qui représentera 45% de la croissance de l'ensemble du marché. "En conséquence, les constructeurs doivent intensifier leur focus sur les systèmes de traction alternatifs, améliorer la combustion interne des moteurs, recourir massivement aux technologies permettant les gains de poids", estime le cabinet, qui n'envisage pas que les véhicules électriques puissent s'imposer avant 2025. A cette échéance il ne devrait représenter que 1,5% du parc automobile.
L'analyse est encore plus optimiste chez PricewaterhouseCoopers (PwC) qui envisage un doublement des ventes d'hybrides ente 2011 et 2018, rapporte l'AFP. En 2018 les ventes d'hybrides devraient atteindre 4,3% du total mondial, soit approximativement 4,6 millions d'unités. Quant aux voitures électriques, elles devraient atteindre difficilement le pourcent de part de marché en 2018.