Dans son Bulletin épidémiologique hebdomadaire (1) (BEH) paru le 3 juillet, l'Agence Santé publique France (ancien Institut de veille sanitaire (InVS)) met en cause les substances chimiques perturbatrices endocriniennes dans l'augmentation des maladies liées au système hormonal.
L'agence sanitaire publie de nouvelles données épidémiologiques montrant des "troubles" de la santé reproductive pouvant être en lien avec les perturbateurs endocriniens (PE). Deux illustrations de ces travaux portent sur le syndrome de dysgénésie testiculaire (étude de J. Le Moal et coll.) et sur la puberté précoce (A. Rigou, J. Le Moal et coll.). "Pour le premier indicateur, les résultats tendent à montrer une altération temporelle de la fertilité masculine ; pour la puberté précoce, les travaux poursuivis ont permis de produire en 2016, pour la première fois, des données d'incidence nationale de cette pathologie", souligne l'agence.
Sperme altéré et cancers testiculaires
Dans l'analyse sur le syndrome de dysgénésie testiculaire (TDS), outre la "mauvaise" qualité du sperme à l'âge adulte, l'équipe de l'agence a étudié deux malformations congénitales (hypospadias, cryptorchidies) chez les garçons de moins de sept ans et le risque de cancer testiculaire. L'étude pointe notamment le fait qu'entre 1989 et 2005, la concentration du sperme en spermatozoïdes a chuté de près d'un tiers (-32,2%), soit près de 2% par an en France, d'après des mesures réalisées sur 26.609 hommes. En revanche, les cancers des testicules, étudiés entre 1998 et 2014, progressent avec une incidence en augmentation de 1,52% par an. Le taux moyen d'incidence brut est de 6,5 cas pour 100.000 hommes par an.
Les malformations génitales (cryptorchidies et hypospadias) chez les garçons de moins de sept ans ont quant à elles été étudiées sur la période 2002-2014. Concernant les cryptorchidies, la hausse est de 2,64% par an, pour une incidence annuelle de 2,57 cas pour 1.000 chez les enfants. A l'inverse, les hypospadias ne présentent pas de tendance particulière, à la hausse ou à la baisse. Le taux brut moyen prédit d'incidence est 1,01 cas pour 1.000 enfants par an.
L'agence souligne toutefois qu'une récente étude prospective française cas-témoins a trouvé des associations entre certaines expositions intra-utérines aux PE et le risque d'hypospadias. Une autre étude cas-témoins française a aussi apporté "des arguments" en faveur d'une association entre le risque de cryptorchidie à la naissance et l'exposition fœtale aux polychlorobiphényles (PCB). "Les tendances de santé reproductive masculine observées aujourd'hui pourraient ainsi refléter les expositions de générations antérieures, par exemple au DDT (Dichlorodiphényltrichloroéthane) et aux dioxines", ajoute l'agence sanitaire.
Les résultats des quatre indicateurs du syndrome de dysgénésie testiculaire "reflètent une altération globale de la santé reproductive masculine en France, cohérente avec la littérature internationale. Ils sont compatibles avec des changements environnementaux ou de modes de vie, parmi lesquels l'exposition croissante aux PE de la population générale. A ce stade, ils ne permettent pas d'argumenter un rôle éventuel d'expositions géographiquement déterminées", conclut l'agence.
Puberté précoce marquée en régions Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes
Dans une autre étude, les chercheurs de Santé Publique France, de l'Hôpital Robert Debré à Paris et de l'Université Paris 7-Diderot, démontrent que la puberté précoce est aussi suspectée d'être favorisée par une exposition aux PE. Elle se manifeste par des signes de puberté avant l'âge de huit ans chez les filles et de neuf ans chez les garçons. Les filles sont 10 fois plus souvent atteintes que les garçons, selon leur analyse des enfants menée entre 2011 et 2013.
La forme la plus fréquente observée est "la puberté précoce centrale idiopathique (PPCI)". Le taux d'incidence national était de 2,68 cas pour 10.000 filles (1.173 nouveaux cas/an) et de 0,24 cas pour 10 000 garçons (117 nouveaux cas/an). Avec des surincidences marquées en régions Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes qui sont des zones riches en cultures agricoles permanentes. "Mais l'hypothèse des liens entre pression agricole ou industrielle et incidence de pathologies n'est pas simple à démontrer", nuance l'agence.
A la veille de l'élaboration de la seconde Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, ces travaux "doivent être poursuivis pour mieux quantifier le lien entre les indicateurs produits et l'exposition aux PE", recommande Santé Publique France. L'agence préconise d'élargir les recherches à d'autres pathologies comme, par exemple, celles du métabolisme ou du neuro-développement, dont un lien est supposé avec l'exposition aux PE.