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Le barrage de Sivens à l'épreuve de la directive cadre sur l'eau

Alertée par une eurodéputée française, la Commission européenne est en train de vérifier si le projet de retenue d'eau de Sivens répond à la directive cadre sur l'eau. Plusieurs éléments pourraient la contraindre à lancer une procédure d'infraction.

Eau  |    |  F. Roussel
Le barrage de Sivens à l'épreuve de la directive cadre sur l'eau

"La Commission enquête sur ce dossier. L'éventualité d'une procédure ne peut donc être exclue à ce stade". C'est en ces termes que la Commission européenne a confirmé l'information selon laquelle elle s'intéresserait au projet de barrage de Sivens dans le Tarn. Dans le cadre de ses prérogatives, l'institution peut en effet vérifier le respect de la réglementation européenne par les Etats membres.

Dans le cas du barrage controversé du Tarn, c'est une alerte lancée à plusieurs reprises par l'eurodéputée EELV Catherine Grèze (Sud-Ouest) dans le cadre des questions parlementaires qui a poussé la Commission à s'auto-saisir du sujet. L'enquête est en cours depuis novembre 2013. Elle s'inscrit dans la procédure pré-contentieuse EU Pilot et porte plus particulièrement sur le respect de la directive cadre sur l'eau (DCE) selon l'eurodéputée EELV.

La procédure EU Pilot

La procédure "EU Pilot" vise à apporter des réponses plus rapides aux problèmes apparaissant dans l'application du droit de l'UE - notamment à ceux soulevés par les citoyens et les entreprises - et requérant une confirmation de la situation de droit et de fait dans un État membre.
EU Pilot est utilisé avant que la Commission lance la première étape d'une procédure d'infraction envers un Etat membre. Elle examine la plainte et entre en relation avec l'Etat membre concerné.
C'est par cette voie que la Commission européenne a été amenée à s'intéresser au projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes suite au dépôt de trois pétitions auprès de la Commission des Pétitions du Parlement européen.
La France a été invitée à fournir des éléments en mars dernier selon le Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet. L'association estime que l'enquête devrait se terminer d'ici peu - la date du 26 novembre prochain est évoquée - même si la Commission précise "que le collège ne se prononcera qu'à la lumière de tous les éléments résultant de ces investigations. Aucune date ne peut être avancée".

Non détérioration des masses d'eau

La directive cadre sur l'eau a plusieurs objectifs et notamment la non détérioration de la qualité des masses d'eau. Pour que la création d'une retenue d'eau sur un cours d'eau, comme c'est le cas au Testet, soit admissible, l'étude d'impact doit établir soit qu'il n'y a pas de détérioration prévisible des masses d'eau, soit que l'impact ne conduise pas la masse d'eau à changer de catégorie (mauvais, bon ou très bon état).

Dans le cadre du montage du projet, sa compatibilité avec la législation a été vérifiée notamment via l'enquête publique (étude d'impact (1) ) et par l'autorité environnementale (2) . Les deux enquêtes ont conclu à un avis favorable assorti de préconisations supplémentaires en matière de compensation.

En effet, l'impact majeur de la retenue d'eau réside dans la submersion de 12 ha de zones humides et dans le risque de disparition de 5 ha de zones humides à l'aval de la retenue. Dans un rapport de fin 2011 (3) cosigné par les Conseil général de l'Environnement et du Développement durable (CGEDD) et le Conseil général de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Espaces ruraux (CGAAE), les ministères de l'Ecologie et de l'Agriculture ont eux-aussi estimé que "la réalisation ne modifiera pas (ou que très peu) l'état des masses d'eau". Mais dans son plus récent rapport d'expertise (4) (cette fois-ci non co-écrit avec le ministère de l'Agriculture) rendu public en octobre 2014, le CGEDD qualifie de "médiocre" l'étude d'impact effectuée.

L'impact de l'ouvrage sur la qualité de la masse d'eau a-t-il été suffisamment étudié ? La question est loin d'être neutre sachant que le CGEDD et le CGAAE pointaient en 2011 des problèmes de méthodologie et d'interprétation de la notion de "dégradation des masses d'eau". La mission appelait notamment à la réalisation d'une synthèse de travaux scientifiques sur les impacts des barrages en cohérence avec les paramètres suivis dans le cadre de la DCE. Par ailleurs, "il conviendra de chercher à qualifier, en droit interne, le concept de détérioration des masses d'eau prévu dans la directive. A défaut la jurisprudence tranchera", soulignait la mission.

La participation financière des agriculteurs en question

La directive cadre sur l'eau pose un autre principe moins connu : celui de la récupération des coûts. Il convient ainsi que "la politique de tarification de l'eau incite les usagers à utiliser les ressources de façon efficace et contribue ainsi à la réalisation des objectifs environnementaux". Autrement dit "aucun projet de retenue d'eau ne saurait être élaboré sans participation financière des bénéficiaires, ne serait-ce qu'au titre des coûts d'entretien, de sécurité et de renouvellement nécessaires à la pérennisation de l'ouvrage", prévient le CGEDD et CGAAE. Or, les deux administrations ministérielles s'inquiétaient en 2011 pour le projet de Sivens : "le dossier ne dit rien sur l'assiette de ces frais (tous les usagers du bassin du Tescou ? Ceux de l'axe Tescou uniquement ? Ceux situés sur le département du Tarn ?)". Selon le récent rapport du CGEDD, cette question n'a toujours pas été tranchée : le dossier de déclaration d'intérêt général énonce bien le principe d'une tarification du coût de fonctionnement de la retenue aux irrigants, mais les services du conseil général du Tarn étudient encore la mise au point de cette tarification.

Le financement du projet en péril ?

Au regard des premiers éléments présentés ci-dessus, plusieurs points sont susceptibles de déplaire à la Commission européenne. Si l'enquête concluait à un non-respect de la DCE, le financement d'une partie du projet de retenue d'eau de Sivens, via le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) serait impossible. Sur les 8,4 millions d'euros que le Conseil Général du Tarn doit débourser, plus de 2 millions d'euros sont sollicités sur les fonds FEADER. Déjà pointée du doigt par les experts du CGEDD dans leur récent rapport, la question du financement reste donc bien fragile. D'autant plus que la Commission pourrait également se pencher sur la compatibilité des mesures de compensation prévues pour la destruction des zones humides avec la directive Habitat.

1. Consulter le chapitre dédié à l'environnement de l'étude d'impact du projet Sivens
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-23275-Etude-impact-testet.pdf
2. Consulter l'avis de l'autorité environnementale
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-23275-avis-autorite-environnementale.pdf
3. Consulter le rapport
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-23275-rapport-adour-garonne-retenues-nov-2011.pdf
4. Consulter le récent rapport d'expertise
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-23275-rapport-cgedd-sivens-2014.pdf

Réactions9 réactions à cet article

Ce serait affligeant si cette directive européenne, appliquée, avait pu permettre d' éviter une mort d' homme...

Weintans | 20 novembre 2014 à 19h20 Signaler un contenu inapproprié

Ca fait très "pieds nickelés"...

mesquin | 21 novembre 2014 à 11h42 Signaler un contenu inapproprié

ah ah s'il n'y avait que la directive cadre sur l'eau ! Là comme partout ailleurs en France...

Il y a toute la filière à vérifier, de l'évaluation environnementale inclus natura 2000 article 6 à la sanction pénale effective, le droit de l'UE doit être protégé par assimilation par le droit pénal national qui, chacun le sait est préventif ; et devrait concerner l'emploi non conforme des financements de l'UE et nationaux additionnels : l'auteur du rapport on aurait pas dû, mais c'est trop tard on doit ayant été l'un des auditeurs du plan algue verte en Bretagne (et après avoir été chef de mise et DDAEF dans cette région (LOL), devrait pouvoir fournir un rapport du même genre ; on aurait dû mais comme on n'a pas fait, on continue...
A l'échelle nationale, et sans doute pour la pollution transfrontière, des surproductions forcément blanchies d'une manière ou d'une autre (végétale, animale, IAA) vendus ailleurs en Europe, Il y a du travail de vérification pour les brigades financières et environnementale de la police judiciaire et des parquets financiers et anti fraude dans toute la France, dans toute l'UE, jusqu'à la commission UE qui s'est bien tardivement décidée à demander une reversion ponctuelle de 3,6 milliards d'euros pour défaut de surveillance et de contrôle sur les aides à la parcelle....
Le petit graphique manuel contenant les réseaux relationnels pour Sivens que l'on trouve sur internet pourrait contenir un schéma type..

Balnc corbeau noire colombe | 21 novembre 2014 à 12h16 Signaler un contenu inapproprié

Sans compter le fait que la compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne (CACG), maître d’ouvrage délégué, a des des missions contradictoires : être payé pour évaluer l’utilité du projet et pour réaliser les travaux.

lio | 22 novembre 2014 à 13h29 Signaler un contenu inapproprié

A quelles productions était censé servir ce barrage ?

Si ça a un rapport avec le carnivorisme et/ou le lactovorisme, c'est nul et écologiquement indéfendable

Lisez donc "Le lait ! Quelle vacherie !"-

Jean-Marie | 25 novembre 2014 à 10h23 Signaler un contenu inapproprié

Ah ah ah ! Je n'en mange pas moins de la viande, du lait et des fromages, mais pour la première dans des proportions réduites par rapport à mes goûts initiaux, presque carnivores et non plus omnivores...

Ce qui m'intéresse, dans ces posts, c'est la dévoration du droit et des procédures, notamment garanties par l'UE par la technostructure politico administrative, peu soucieuse de règles qui l'encombrent, habitué au fait du Prince, fut-il notabliau...
Ce faisant ils dévorent le droit, et derrière lui, là démocratie, un bien public - avec le droit, l'environnement, un patrimoine commun de la Nation, comme l'eau, les finances de l'UE et nationales, et aussi les moyens publics détournés que deviennent les structures publiques ; dans cette affaire éco warriors et gendarmes se retrouvent face à face du fait de ce qui précède ; et c'est bien regrettable. Au-delà, je me garderai bien d'écrire quoi que ce soit ; oh si, comparer les déclarations du responsable de la police sur l'encadrement des manifestations néo nazes en Allemagne (et après consultation du juge administratif sur la conduite à tenir) et le processus et la communication en France ; ça n'a rien à voir avec les 35 heures ou les salaires ou je ne sais quoi, mais beaucoup avec l'anthropologie, la culture, et la pratique d'une démocratie moderne qui a fait le ménage dans douze ans (terribles) de son histoire... A bons entendeurs... Salut.

Balnc corbeau noire colombe | 25 novembre 2014 à 15h06 Signaler un contenu inapproprié

Tout ça pour un plan d'eau de 40 Hectares....Au départ je croyais qu'il s'agissait de quelque chose d'important, d'un immense plan d'eau...

ami9327 | 25 novembre 2014 à 16h13 Signaler un contenu inapproprié

Ce n'est pas la taille du plan d'eau qui importe (encore qu'un millième de sa surface en propriété privée personnelle m'intéresserait), que ce que cette affaire révèle dans la gestion de procédures...

Et puis les petits ruisseaux font les grandes rivières, la pollution ou les dégradations qui vont avec ; du milieu, des procédures et du droit, et peut être que les avantages incertainement acquis font aussi de grandes rivières en fonds et moyens publics ou patrimoines publics indûment et indirectement appropriés.

C'est du travail judiciaire çà, au-delà de ce que l'on peut raisonnablement envisager - ce que je fais - à distance, vu la presse, et peut être comme forme de signalement, de ce qui est peut être quelque chose qui dépasse le seul barrage, pour toute autorité de l'Etat ou de collectivité ou de contrôle juridictionnel par exemple, soucieuse de démocratie, de conformité au droit etc... Parfois, il faut recadrer ; c'est un peu comme ce qui a dysfonctionné à la Faute sur mer, la bien nommée...

Balnc corbeau noire colombe | 25 novembre 2014 à 16h56 Signaler un contenu inapproprié

De façon générale, on peut s'interroger sur l'intérêt de ces études d'impact et de l'avis de l'autorité environnementale, compte-tenu de leur lourdeur (j'en ai vu parfois de plus de 2 000 pages). L'avis de l'AE ne donne pas d'avis circonstancié sur le projet, mais plus sur la qualité de l'étude, avis souvent subjectif, la preuve en est. Les dossiers sont pourtant très denses, mais trop administratifs, avec un contenu trop stéréotypé et pré-formaté.
Les études n'apportent rarement des réponses claires et simples à des questions simples: impact réel sur l'item environnemental le plus concerné (l'eau pour le cas présent), avis sur d'autres moyens pour remplir les mêmes objectifs que le projet décrit,etc... L'étude est faite a posteriori quand le projet est déjà défini!

Ce type de procédure n'améliorera pas fondamentalement l'écologie!

Guiguipop | 04 décembre 2014 à 14h31 Signaler un contenu inapproprié

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