
Alors que la labellisation BBC monte en régime, d'ici quelques années, ces bâtiments devront être à énergie positive ou Bepos. Selon l'article 4 de la loi Grenelle 1 du 3 août 2009, "toutes les constructions neuves faisant l'objet d'une demande de permis de construire déposée à compter de la fin 2020 présentent, sauf exception, une consommation d'énergie primaire inférieure à la quantité d'énergie renouvelable produite dans ces constructions, et notamment le bois énergie". Actuellement 118 Bepos ont été recensés sur le territoire français. Ces premiers bâtiments affichés comme à énergie positive sont avant tout issus de démarches individuelles ou incités par les appels à projets bâtiments démonstrateurs à basse consommation d'énergie lancés par l'Ademe et les régions dans le cadre du Programme de recherche et d'expérimentation sur la maîtrise de l'énergie dans le bâtiment (Prebat). D'après les objectifs fixés par le Grenelle, près de 6 millions de Bepos devraient être réalisés à l'horizon 2050, soit une moyenne de 200.000 constructions par an à partir de 2020. Cette ambition élevée incite les professionnels à mettre en place des programmes de recherche de différentes natures afin de concevoir, construire et gérer le bâtiment de demain.
Pour tenter d'harmoniser les actions de recherche, ces multiples acteurs, privés et publics, se réunissent également régulièrement. "Un des objectifs est aussi l'élaboration d'une définition précise et pragmatique d'un Bepos", précise Emmanuel Raoult, secrétaire permanent au Plan d'urbanisme construction architecture (Puca) du ministère de l'Ecologie. Pour aider le travail des chercheurs, le Prebat a proposé une définition plus complète que celle avancée dans le Grenelle ou plus récemment dans la directive européenne de performance énergétique des bâtiments (EDP2). "Un bâtiment ou un site est à énergie positive s'il consomme peu d'énergie et si l'énergie produite sur le site, grâce aux énergies renouvelables, est supérieure à celle consommée en moyenne sur l'année". Le Prebat ajoute également que ces Bepos doivent s'intégrer de façon harmonieuse au paysage urbain ou rural, et fournir également un environnement intérieur sûr et confortable. La conception d'une maison à énergie positive reprend généralement les grands principes de la maison passive, en y ajoutant des éléments de productions d'énergie renouvelable ou à très hauts rendements.
Des systèmes d'observation pour connaître la consommation réelle des Bepos
Dans le cadre du Prebat, l'Ademe, outre la mise en place de plusieurs bâtiments vitrines, a souhaité analyser le fonctionnement de certains Bepos existants. "Parmi les 118 construits en France, l'Ademe travaille actuellement sur 25 bâtiments afin de bien les caractériser. Des audits seront également menés sur une partie de ces Bepos et les résultats devraient être connus avant la fin 2012", détaille Pierre Herant, chef du service bâtiment à l'Ademe. "Il y a beaucoup de composants et équipements qui répondent, semble-t-il, à nos besoins, mais le problème est qu'il faut privilégier une approche globale", appuie Emmanuel Raoult.
Les chercheurs français ont également pu étudier des programmes étrangers d'opérations de construction. Piloté par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), le projet appelé Comparaison internationale Bâtiment et énergie repose sur une méthode d'analyse socio-éco-technique qui prend en compte le contexte, le contenu de l'innovation, la mise en oeuvre, une évaluation, une réflexion critique et les conditions de la transposition en France. "En analysant ces retours d'expérience, les équipes du CSTB ont passé plus de temps à réfléchir sur le fonctionnement de ces Bepos, plutôt qu'à penser à leur construction", explique Jean-Christophe Visier, directeur du département énergie, santé, environnement du CSTB. "D'où la nécessité de développer des systèmes d'observation pour savoir combien le Bepos consomme réellement". Le CSTB est également impliqué dans plusieurs autres projets de recherche sur ce type de bâtiment, notamment sur le confort ou sur le stockage d'énergie. Passer du statut de bâtiment consommateur d'énergie à celui de bâtiment producteur doit, en effet, être accompagner par le développement de dispositifs de stockage énergétique. Cet aspect est en partie lié à l'émergence des réseaux intelligents. Selon Jean-Christophe Visier, il faut établir un dialogue intelligent entre ces Bepos et les smart grids afin de mieux gérer l'alternance des saisons et des périodes d'occupation. De nombreux gestionnaires de réseaux et fournisseurs d'énergies travaillent actuellement à mettre au point au point de telles solutions qui optimiseront en temps réel la production, la distribution et la consommation d'énergie.
"En partenariat avec le CEA et le CNRS, le CSTB est également impliqué dans le programme Simbio qui vise à développer des maquettes numériques pour accompagner les professionnels du bâtiment dans toutes les étapes de construction, de la conception à la réalisation", avance Jean-Christophe Visier. Soutenu par l'Ademe et le Puca, ce programme permettra aux architectes, industriels et exploitants de travailler de façon plus étroite pour atteindre et garantir les performances annoncées dans le Grenelle.
Un exemple de maison Bepos
En juillet dernier, Saint-Gobain a inauguré à Angers une maison prototype Bepos qui intègre plusieurs solutions du groupe. Les performances énergétiques sont avant tout garanties par uneconception architecturale bioclimatique ainsi qu'une isolation thermique performante des murs, des vitrages, du plancher et de la toiture, le tout couplées à ventilation double flux hygroréglable.
Munis de protections solaires mobiles et d'ouvertures adéquates, les vitrages favorisent les apports d'énergie solaire en hiver pour diminuer les consommations de chauffage. En été, la fermeture de ces protections solaires évite les surchauffes. La production d'énergie est, quant à elle, assurée par la présence de puits canadiens et de panneaux solaires thermiques et photovoltaïques. Au final, cette maison de 162 m2 consomme 39 kWh électrique par an pour une production énergétique de 61 kWh par m2 et par an. "Réalisé en un peu plus de quatre ans, ce bâtiment Bepos coûte environ 1500 euros le m2 hors foncier. C'est seulement 10 % plus cher que la moyenne de la région. Avec la revente à EDF de l'énergie produite, ce surcoût pourrait être amorti en une quinzaine d'années", avance Maurice Manceau, directeur habitat France chez Saint-Gobain. Il reste tout de même pour les futurs propriétaires de ce type de logement à acheter des équipements électroménagers performants. Une condition indispensable pour ne pas augmenter la consommation énergétique prévue, et donc annihiler une partie des efforts entrepris lors de la conception et la réalisation d'un tel bâtiment.