Dans le cadre du plan de relance du secteur automobile annoncé le 27 mai, le Gouvernement veut mettre un coup d'accélérateur sur les technologies électriques et hybrides. D'ici 2025, la production française de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hybrides, devra atteindre le million d'unités, selon l'objectif fixé.
Le développement des véhicules rechargeables entraîne de nombreuses questions, et notamment celle du devenir des batteries usagées. L'enjeu est double : assurer la fin de vie des batteries usagées et sécuriser l'approvisionnement en matières premières stratégiques.
Dans le cadre du comité stratégique de filière Mines et métallurgie, un groupe de travail s'est penché sur les besoins de recyclage et de seconde vie des batteries, et sur l'organisation d'une filière nationale. « La croissance des besoins en recyclage de batteries lithium devrait être rapide et il est estimé que les capacités françaises et européennes seront très insuffisantes dès 2027 : les acteurs européens, dont les recycleurs français, devront multiplier par trois leurs capacités de traitement à cette date », souligne le rapport final, publié le 18 mai.
L'écosystème français est bien positionné « pour devenir le leader européen du recyclage des batteries, mais ne doit pas se laisser distancer, ni par ses partenaires européens, ni par ses concurrents internationaux qui investissent massivement dans des programmes ambitieux », prévient le rapport. Sur la seconde vie des batteries, les besoins seront moindres en termes de capacités (quelques gigawatts) et les acteurs planchent déjà sur ce sujet.
Créer une filière à valeur ajoutée
Aujourd'hui, le recyclage des batteries n'est pas rentable. « Au-delà du modèle initial focalisé sur la gestion environnementale de la fin de vie des batteries, et à l'instar de la concurrence asiatique, la filière française doit développer une offre complémentaire avec plus de valeur ajoutée, et destinée à être utilisée dans la fabrication de nouvelles batteries », analyse le groupe de travail. « Un risque identifié par la filière serait de réduire l'industrie française à un rôle de fournisseur de produits intermédiaires (sous forme de black mass) à d'autres recycleurs. Ces derniers contrôleraient ainsi la ressource secondaire, à forte valeur ajoutée, et en priveraient les filières industrielles françaises et européennes ».
Le recyclage des batteries permet principalement aujourd'hui de produire des métaux d'alliages, « dont la pureté n'est cependant pas celle requise pour la fabrication de nouvelles batteries », note le rapport. À l'avenir, l'enjeu est de développer également un modèle en « boucle fermée », qui permettra de produire des précurseurs de matériaux actifs de cathodes (carbonate de lithium, lithium métal, sulfate de nickel et de cobalt, etc.), qui peuvent être réutilisés dans des batteries. Les acteurs asiatiques se sont déjà positionnés sur ce modèle et annoncent des investissements importants pour pouvoir traiter au minimum 100 000 tonnes par an chacun.
Anticiper les évolutions technologiques
Les coûts du traitement sont amenés à baisser avec l'augmentation des volumes, l'industrialisation des processus, les progrès technologiques… Cependant, « la modification de la chimie des batteries, avec la diminution progressive de la quantité de cobalt contenu ou l'augmentation des volumes de batteries dites "tout solide" à compter de la décennie 2020 contribuera à modifier les équilibres technico-économiques du recyclage à partir de 2035-2040. Ces durées sont néanmoins compatibles avec les investissements et les temps de projet industriels ».
Aujourd'hui, les capacités européennes de traitement sont estimées entre 15 000 et 20 000 tonnes/an de batteries, dont 5 000 tonnes pour la France. Les besoins sont estimés à 50 000 tonnes en 2027 et devront « encore doubler l'année suivante ».
« La R&D en France peut s'appuyer sur des organismes majeurs, notamment le CEA et le BRGM, qui fournissent des données et outils nécessaires à l'optimisation de la filière et à l'identification des procédés rentables (meilleurs taux de pureté au meilleur coût). La création d'un pôle R&D public en charge de la technologie des batteries lithium (permettant des analyses du cycle de vie et technico-économiques) est, de ce point de vue, souhaitable », estime le groupe de travail.
Par ailleurs, des incitations peuvent être mises en place pour soutenir l'émergence d'une filière française et/ou européenne. La prise en compte des impacts environnementaux pour favoriser les batteries produites en Europe avec des matériaux recyclés permettrait de soutenir ce marché. « Dans le cadre de ce rapport, une analyse cycle de vie a été lancée et est en cours de réalisation, avec le soutien de l'Ademe et de la Direction générale de l'énergie (DGE). Elle permettra d'évaluer les impacts environnementaux de la fabrication des batteries suivant leur lieu de production ».
Enfin, la directive sur les batteries pourrait intégrer des objectifs en matière de taux minimaux de recyclage des batteries lithium.