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AccueilBenjamin Lévêque et Paul-Emile Noirot-CossonMieux évaluer les sols pour lutter contre l'artificialisation

Mieux évaluer les sols pour lutter contre l'artificialisation

Alors que Nicolas Hulot a évoqué un objectif de "zéro artificialisation des terres" dans son plan climat, Benjamin Lévêque et Paul-Emile Noirot-Cosson d'I Care & Consult plaident pour un renforcement des outils permettant la prise compte de la qualité des

Publié le 09/01/2018
Environnement & Technique N°377
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°377
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Les sols rendent à l'Homme de nombreux services écosystémiques parmi lesquels la production de biomasse (alimentation, matériau, énergie), la prévention des inondations (par l'infiltration), l'épuration de l'eau (par la filtration et la dégradation microbienne), l'atténuation du changement climatique (par le stockage de carbone), l'atténuation de l'îlot de chaleur urbain (par la rétention et l'évaporation d'eau), le support de la biodiversité et des paysages… La prise de conscience de l'intérêt des sols, et des menaces encourues par cette ressource, est croissante : en 2006, la Commission européenne a publié un projet de directive cadre sol ; en 2015, les ministères en charge de l'agriculture et de l'environnement ont proposé un cadre national pour la gestion durable des sols ; 2015 a aussi été proclamée année internationale des sols par la FAO.

Des dégâts causés par la construction et l'aménagement

Ces sols, auxquels nous devons tant, font l'objet de différents processus destructifs d'origine anthropique (artificialisation, excavation, exploitation des sous-sols, érosion, pollution…). L'artificialisation correspond à la transformation d'un sol naturel ou agricole en un sol urbain imperméabilisé (bâti, infrastructure) ou sol urbain non imperméabilisé (parcs et jardins, agriculture urbaine en pleine terre). La plus grande part des sols artificialisés est imperméabilisée. Or, les sols imperméabilisés ne rendent plus les services écosystémiques sus-cités. Malgré la mise en place de dispositifs encadrant l'urbanisation1, la France perd encore 50.000 ha par an de terres, principalement agricoles.

L'Institut national de recherche agronomique (Inra) et l'Ifsttar2 ont restitué, le 8 décembre dernier, l'expertise scientifique collective (ESCo) sur l'artificialisation des sols. Les deux instituts alertent sur un processus qui perdure et génère de nombreux impacts : "Sur le plan des impacts environnementaux, il est clair que c'est l'imperméabilisation des sols qui est le mécanisme le plus dommageable, qu'il s'agisse de menace pour la biodiversité, de risques de ruissellement ou de création d'îlots de chaleur3 urbains. A cela, s'ajoute la pollution des sols (et des eaux), liée en particulier aux activités minières et industrielles et à la circulation routière, ainsi que la fragmentation des paysages par les infrastructures de transport".

La construction génère également des impacts aux différentes étapes du cycle de vie du bâtiment (parfois hors du site du bâti) : principalement lors de l'extraction des matériaux de construction, et lors des chantiers de construction (déplacements de terre, tassements, pollutions, mise à nu et érosion). C'est ce que révèle l'état des connaissances des impacts du cadre bâti sur les sols, étude réalisée pour l'Ademe par le cabinet I Care & Consult.

Mieux évaluer les impacts potentiels pour limiter les impacts réels

"Ce constat milite pour un développement urbain renouvelé intégrant les espaces verts, parcs, jardins en tant qu'éléments multifonctionnels de l'urbanisation et préservant au maximum les fonctions des sols, en prenant en compte les besoins de continuité écologique", résume l'Esco. A l'échelle de la planification, les Schémas de cohérence territoriaux (SCoT) et les Plans locaux d'urbanisme (PLU), cadrés par l'article L. 121-1 du Code de l'Urbanisme, prônent l'utilisation économe des sols tout en mentionnant la nécessité de préservation de leur qualité… Mais quels sont les outils au service des collectivités pour appliquer ces préconisations ?

Depuis 2014, le règlement du PLU peut "imposer" une part minimale de surfaces non imperméabilisées sur la base de l'indicateur "coefficient de biotope par surface". Il évalue simplement et efficacement le niveau d'imperméabilisation mais ne considère pas la qualité du sol imperméabilisé. L'outil "uqualisol-ZU"4, encore au stade de développement, vise à évaluer la qualité des sols, de manière cartographiée sur le territoire de la commune, avec pour objectif d'orienter l'urbanisation prévue par le PLU vers les sols de moindre qualité.

A l'échelle de l'aménagement, les études d'impacts prennent en partie en compte les impacts sur les services du sol liés à l'artificialisation des sols et les impacts de la phase chantier, mais la faible caractérisation initiale des sols les rend relativement incomplètes. A l'échelle du bâtiment, les labels BREAM et LEED permettent la prise en compte de nombreux enjeux sols. L'utilisation d'indicateurs précis permettrait d'objectiver la labellisation sur ces sujets. Enfin, l'ACV bâtiment offre l'espoir d'une prise en compte des impacts sur tout le cycle de vie du bâtiment néanmoins le sol et sa qualité ne sont en fait pas pris en compte.

Quid d'une taxe béton ?

Nicolas Hulot confiait en septembre être "en train de faire étudier une taxe sur l'artificialisation des sols" avant d‘édulcorer son propos. Julien Denormandie, secrétaire d'Etat à la cohésion des territoires, a ensuite annoncé que le gouvernement prendrait "le temps de la réflexion" sur les moyens de lutter contre l'artificialisation des sols et a renvoyé le sujet en 2018, soit plusieurs dizaines de milliers d'hectares artificialisés plus tard… Il nous semble primordial de faire progresser le niveau d'évaluation des sols et que les outils de la construction, de l'aménagement du territoire prennent en compte la qualité des sols, le niveau de services rendus, et non seulement les mètres carrés ou cubes de sol. La "mesure" béton sera plus pertinente si elle est différenciée, c'est-à-dire si elle cible prioritairement les sols de grande qualité.

Avis d'expert proposé par Benjamin Lévêque et Paul-Emile Noirot-Cosson, directeur manager associé et consultant chez I Care & consult

1 loi Alur, 2014 ; loi Sas, 2015 ; loi biodiversité, 2016
2 Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux
3 Ilots de chaleur : premières pistes pour ré-inventer la ville
https://www.actu-environnement.com/ae/dossiers/ilots-chaleur/ville.php

4 En savoir plus sur uqualisol-ZU
http://www.gessol.fr/content/preconisation-d-utilisation-des-sols-et-qualite-des-sols-en-zone-urbaine-et-peri-urbaine-app

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9 Commentaires

Sagecol

Le 10/01/2018 à 9h54

Pas d'inquiétude !

Les agricultueurs ont tellement bien soigné leur gagne-pain qu'il a tout de même gardé 5 % de sa fertilité naturelle..

D'où le grand mérite des agriculteurs et des maraîchers en bio et a fortiori ceux nous nourrissant sous le label BIOCOHERENCE.

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Fred

Le 11/01/2018 à 8h07

On ne sait parler que de taxe ?
La problématique ne réside t elle pas dans le fait que beaucoup de communes font des mauvais PLU et que le préfet, au titre du contrôle de légalité, ne fait RIEN !

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Gaia94

Le 11/01/2018 à 15h22

Oui fred! Les communes décident seules de leur PLU et tout le problème est là, car l'estimation des artificialisations se fait au niveau national, bien évidemment. De plus, les zones de friches industrielles retournent rarement à la nature, on trouve toujours un moyen de les réhabiliter, même si elles sont abandonnées depuis des dizaines d'années. Il ne vient à l'idée de personne de débétonner, pourquoi ? Car ça coûte cher. Résultat: de bétonnages anarchiques en lotissements de plein champ, de ZAC en zones de développement industriel, on aboutit à recouvrir des zones fertiles et à faire monter les prix des terres encore accessibles. Sans compter la hideur de ces sites. Tout cela a fortement besoin d'être réglementé.

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Sagecol

Le 11/01/2018 à 18h17

Le jour où on aura compris qu'on peut très bien être heureux et vivre longtemps sans viande et sans ce qu'on appelle encore abusivement du lait, on pourra toujours convertir les pâtures pour l'agriculture et le maraîchage bio dans l'esprit permacultural et permaculturel.

Et vivent les vaches et veaux rescapés qui paîteront ( et péteront !) utilement sur les pentes herbeuses

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Albatros

Le 12/01/2018 à 16h33

Je suis vivement intéressé par la notion de "fertilité naturelle". Comment la définit-on ?
L'esprit permaculturel est pour moi une source de perplexité mais je ne demande qu'à apprendre.
J'apprends avec stupéfaction que Lactalis commercialise des laits infantiles "bio"... Sans doute issus d'un processus "naturel" comme la fertilité des sols du même métal.
Ô joies de l'écologisme militant...

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Sagecol

Le 12/01/2018 à 18h09

Tapez Claude et Lydia Bourguignon

C'est à eux que je faisais référence

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Albatros

Le 12/01/2018 à 18h28

Un objectif de "Zéro connerie" serait fortement apprécié pour les déclarations des ministres...
Parmi tous les autres "Zéro", cet objectif ne serait pas moins scientifique.

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Albatros

Le 15/01/2018 à 18h45

Les Bourguignons, ces gens qui ne trouvent rien à redire à l'intoxication chronique au cuivre des sols des vignes ?

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Sagecol

Le 16/01/2018 à 11h37

C'est lisible où ?

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