Le Gouvernement continue de miser sur les engagements volontaires des entreprises pour mettre fin, d'ici à 2030, à la déforestation causée par les importations françaises de produits forestiers ou agricoles « non durables ». Mercredi 18 novembre, Bérangère Abba a réuni le comité de suivi de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI), lancée en novembre 2018, et a dressé un bilan d'étape. La secrétaire d'État à la Biodiversité a présenté deux nouveaux outils « très attendus » par les acteurs, a-t-elle indiqué lors d'un point presse.
Une plateforme de données et un guide des achats publics responsables
Bérangère Abba a annoncé la mise en ligne d'une plateforme qui permet d'agréger les données douanières et de les croiser avec les données satellitaires des importateurs de soja ou de cacao volontaires. Le ministère de la Transition écologique pourra avoir accès, en les anonymisant, à des données douanières. Cette plateforme « va nous permettre d'avoir une vraie transparence et de mettre en place un mécanisme d'alerte pour les entreprises qui le souhaiteraient sur leur filière d'approvisionnement », se félicite Mme Abba. Cette plateforme vise aussi à « valoriser » les engagements des entreprises et à « faire de la pédagogie ». Elle sera mise en ligne courant décembre et sera accessible au grand public.
L'État s'est aussi engagé à se doter d'une politique d'achats publics « zéro déforestation » à l'horizon 2022. Un guide des achats publics responsables va être diffusé à plus de 130 000 acheteurs publics, a aussi précisé la secrétaire d'État. Ce guide « va permettre à tout acheteur et donneur d'ordre auprès d'acteurs économiques de vérifier ses approvisionnements responsables avec des focus sur la restauration collective et l'alimentation hors restauration, la mobilité, le bâtiment, le mobilier et les fournitures diverses », a ajouté Mme Abba. Elle en sera « l'ambassadrice » durant l'année qui vient, pour le présenter aux élus ou aux responsables des collectivités pour qu'ils se « saisissent du guide ». 2021 sera aussi l'année de la révision de la stratégie nationale de la biodiversité qui sera « territorialisée ».
Bérangère Abba a aussi rappelé les 100 millions d'euros du plan de relance du Gouvernement qui seront consacrés au plan protéines végétales qui doit permettre de réduire la dépendance de l'élevage à l'importation de protéines. Le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie a présenté son plan protéines « qui doit être précisé dans les jours à venir mais dont on sait déjà qu'il est une réponse forte à cette question de la déforestation importée, notamment sur les questions de soja », a indiqué Mme Abba.
Les ONG regrettent « l'échec » de la stratégie
La SNDI « ne doit pas reposer uniquement sur l'addition d'engagements volontaires des entreprises qui, pour la majorité, ne sont pas mis en œuvre », critiquent toutefois plusieurs ONG (Canopée, WWF, Greenpeace, France Nature Environnement, Les Amis de la Terre, etc.), dans une tribune publiée mercredi sur Ouest France. Les associations regrettent « l'échec » de la stratégie nationale tandis que « la France continue d'importer des produits liés à la déforestation ». Cet été, Greenpeace avait dénoncé la « complicité » de la France pour ses importations massives de soja, où cette culture contribue à la déforestation de l'Amazonie qui était en proie à des incendies. « La France importe par exemple plus de 3 millions de tonnes de soja chaque année, notamment en provenance du Brésil et sans aucune garantie d'absence de conversion des écosystèmes », fustigent les associations. Elles demandent aussi que l'État fasse appliquer la loi sur le devoir de vigilance de 2017, en s'assurant que chaque entreprise qui y est soumise « développe un plan d'action spécifique contre la déforestation importée ».
Pour Bérangère Abba, « il faut avoir un œil attentif sur le devoir de vigilance évidemment ». La ministre estime que « l'engagement contraignant n'a de sens qu'à l'échelle a minima européenne, pour ne pas créer de distorsion de concurrence entre les entreprises. Nous sommes dans cette optique ». La Commission européenne s'est engagée à proposer une nouvelle législation pour lutter contre la déforestation en 2021. « Le gouvernement français doit se mobiliser pour obtenir une législation ambitieuse et contraignante qui s'appuie sur un renforcement de la transparence et des obligations de vigilance des entreprises », plaident les ONG.
Bérangère Abba a salué la mobilisation des ONG « depuis le début » de la SNDI « qui sont dans leur rôle d'aiguillon pour dynamiser, challenger l'action publique ».
La grande distribution s'engage à mettre fin à l'utilisation de soja issu de la déforestation
Selon l'association Canopée, sept enseignes de la grande distribution française viennent d'annoncer qu'elles allaient intégrer des clauses de non-déforestation liée au soja dans les cahiers des charges de leurs fournisseurs.Il s'agit de Carrefour, de Casino, d'Auchan, de Lidl, de Système U, des Mousquetaires et de Leclerc. Les distributeurs s'engagent à demander à leur fournisseur « d'exclure le soja issu de la déforestation au Cerrado, la principale zone d'extension de cette culture au Brésil », précise Canopée dans un communiqué. L'association salue l'annonce des distributeurs qui « est une étape importante » mais « non suffisante », si les pouvoirs publics « n'accompagnent pas la mise en œuvre de ces engagements ».
Pour Klervi Le Guenic, chargée de campagne à Canopée, « cette démarche volontaire doit rapidement se traduire par la mise en place de plans d'actions conséquents. Pour Lidl, Système U et Auchan c'est déjà chose faite. Les autres enseignes doivent maintenant suivre la dynamique positive enclenchée ». L'association exhorte aussi « tous les négociants de soja, et toutes les entreprises utilisatrices de soja dans les secteurs de l'alimentation animale, la viande, les produits laitiers, et la restauration, à s'engager. »
En septembre dernier, Canopée a remis un rapport au Gouvernement pour mettre fin aux importations de soja à risque.