
Responsable Développement durable construction à l'OTUA
JD : La DGE a souhaité évaluer le potentiel d'évolution de l'utilisation de l'acier dans la construction, ainsi que son impact en terme de développement durable. En effet, ce secteur industriel majeur représente 40 000 emplois en France, et environ 700 000 tonnes d'acier utilisées chaque année pour la construction de bâtiments et d'ouvrages d'art. En outre, dans un contexte économique global où le développement durable revêt une importance croissante, les acteurs se doivent d'intégrer des démarches environnementales efficaces dans leur système de production. Rappelons que ces démarches associent l'efficacité économique, l'équité sociale et la préservation de l'environnement, et que le management joue un rôle essentiel pour tenir ces trois objectifs ! C'est donc dans l'optique d'identifier les atouts de l'acier au regard du développement durable, d'évaluer les freins et les moteurs à son utilisation dans la construction, puis pour impulser un élan fédérateur et de dialogue entre les pouvoirs publics et l'ensemble des intervenants de la filière, qu'a été lancée cette étude prospective(2). Dans la foulée, sont dégagées des recommandations pour réduire ou supprimer les impacts négatifs du matériau dans la construction, améliorer ses caractéristiques et valoriser ses avantages.
AE : Justement, qu'en est-il des préoccupations environnementales lors de l'élaboration du matériau ?
JD : L'acier possède des vertus magnétiques qui permettent sa séparation et sa récupération parmi des déchets de toute nature. Il peut se recycler indéfiniment et à 100 %, sans altération de ses qualités. Actuellement, la part de production issue du recyclage de ferrailles avoisine les 40 % et c'est autant de minerai préservé, de consommation d'énergie et d'émissions de gaz à effet de serre évités ! En Europe, 6 % des émissions de C02 émanent de la sidérurgie. Ce taux équivaut à plus de 99 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur, soit une réduction d'environ 50 % au cours des trente dernières années. Tout comme d'ailleurs la consommation d'énergie ! Malgré des volumes de production plus importants, la sidérurgie a abaissé ses émissions de GES de 18 % en 15 ans, dépassant ainsi l'objectif de - 8 % fixé par l'Union européenne. Ces résultats ont été obtenus grâce à des dispositifs de filtration et de récupération des gaz et des poussières au cours de la fabrication. Le zinc contenu dans ces poussières peut être réutilisé comme matière première. Le recyclage des eaux usées permet de réduire, après épuration systématique, le prélèvement d'eau dans les réserves naturelles. De même, les co-produits générés (laitiers de Haut-Fourneau, scories) sont valorisés dans l'industrie cimentière, la construction de chaussées ou les ballasts. On ne parle pas encore d'usine sans déchets, mais la sidérurgie s'en approche !
AE : Comment construire durablement avec les aciers ?
JD : L'acier autorise des structures légères - donc des fondations réduites - et des transparences qui favorisent la lumière naturelle et la pénétration du soleil. Son image actuelle et dynamique s'inscrit dans le temps en respectant le patrimoine bâti. Pendant la réalisation du bâtiment, l'acier permet un déroulement efficace du chantier, des livraisons en temps voulu limitant les besoins de stockage, des travaux propres, sans déchets, secs et sans poussières, puisque la plupart des éléments sont fabriqués en atelier dans un environnement contrôlé. Cette rapidité d'exécution et de montage minimise la gêne pour le voisinage, notamment dans les centres villes. Elle permet aussi aux usagers de profiter plus tôt de leur bâtiment, de réduire les coûts d'investissement et d'amortir plus rapidement les frais financiers.
AE : Quels sont les avantages du matériau pendant la durée de vie du bâtiment ?
JD : L'acier facilite la mise en œuvre de solutions d'isolation par l'extérieur, très favorables aux économies d'énergie. Mais sa légèreté contribue aussi à réaliser des bâtiments à faible inertie thermique. En outre, il est possible de concevoir un immeuble de bureaux à occupation diurne, pratiquement sans système de chauffage. En faisant appel au principe masse-ressort-masse, on obtient également une isolation acoustique performante. Ainsi, la conjugaison d'une ou plusieurs plaques de plâtre fixées sur une ossature métallique légère permet d'isoler avec une grande efficacité des salles de cinéma ou des studios d'enregistrement ! S'agissant de durabilité et de solidité, il existe aujourd'hui de multiples manières de protéger l'acier contre la corrosion, par revêtement métallique, encoffrement ou peinture. En intérieur, le matériau n'a en effet pas besoin de protection. L'autre gros atout de l'acier, c'est l'évolutivité des constructions qui peuvent être agrandies, transformées ou adaptées facilement à de nouveaux besoins ou usages. Cette capacité permet de réaliser des adjonctions, des balcons en saillie et de nouvelles cages d'escalier, qui améliorent la qualité et l'attrait de l'habitat. La possibilité de démonter un bâtiment en acier sans le détruire, puis de le reconstruire ailleurs ou de réutiliser certains composants, constitue un avantage supplémentaire. Citons le déplacement des Halles de Baltard à Paris. Les coûts d'une telle solution s'avèrent en général inférieurs à ceux d'une nouvelle construction.
AE : Vous parlez de démonter pour reconstruire, mais que se passe-t-il en fin de vie ?
JD : Les constructions en acier autorisent une déconstruction sélective, favorisant une intégration optimale dans les processus de fabrication. De par les vertus magnétiques que l'on ne trouve chez aucun autre matériau, on a vu que la récupération était facilitée, tant dans les déchets que dans les ordures ménagères. Lors de la démolition d'un bâtiment, la masse de matériaux à évacuer et les frais de mise en décharge sont réduits. Ces atouts font de l'acier, le matériau le plus recyclé dans le monde ! En fait, l'analyse du cycle de vie d'un bâtiment de logements en acier montre une économie de 41 % de la consommation d'eau dans la phase de construction, par rapport à une construction en béton. La réalisation d'un tel bâtiment divise par deux le nombre habituel d'allées et venues de camions sur le chantier, et génère 57 % de déchets inertes en moins. Tout au long de sa vie, l'acier va donc contribuer à générer des économies d'énergie, des facilités de maintenance, d'évolution et de recyclage en fin de vie. Au total, les économies procurées - soit 92 % de l'énergie consommée lors de l'exploitation du bâtiment - font apparaître un bilan écologique très favorable pour ce matériau.
AE : En définitive, quelles sont les pistes de réflexion qui ressortent de l'étude ?
JD : L'étude a dégagé des recommandations sous forme d'actions, qui doivent prioritairement aider au décloisonnement de la filière. Les principales propositions portent sur la nécessité de mieux communiquer en termes d'impact environnemental de l'acier, d'incitation à construire dans une démarche de coût global (investissement plus exploitation), et sur l'appui de la formation et de la diffusion de la “culture acier” dans le secteur de la construction. Il faudrait aussi favoriser les travaux de recherche sur les filières de récupération et de recyclage des matériaux associés à l'acier. Et comme pour tout matériau, il conviendrait de revaloriser le coût des études, de définir un coût arbitraire des impacts environnementaux et sociaux pour donner une valeur durable à l'analyse en coût global, devenue notoirement insuffisante au regard des enjeux !
1/L'Office technique pour l'utilisation de l'acier.
2/Menée par Développement & Conseil pour le compte de la DGE, cette étude intitulée “L'Acier dans la Construction au regard du Développement Durable” s'est appuyée sur un Comité regroupant des industriels de l'acier et de la construction métallique, concepteurs, centres techniques et organismes institutionnels, ainsi que les ministères chargés du développement durable et du logement.