Les fermiers ont tout intérêt à respecter l'engagement de cultiver en bio contenu dans leur bail. La Cour de cassation vient de le rappeler à travers une décision du 6 février 2020, par laquelle elle rejette le pourvoi d'un couple d'agriculteurs normands qui contestait la résiliation du bail et son expulsion des parcelles qu'il louait.
Préjudice financier
L'affaire est la suivante. Le bail, signé en 2001, prévoyait que les terres devaient être cultivées « dans le cadre des contraintes agro-environnementales et selon des méthodes agrobiologiques ». Le propriétaire avait en effet engagé l'intégralité de la superficie de son exploitation en agriculture bio et obtenu une attestation d'engagement dans le bio, établie par l'organisme de contrôle Ecocert.
Or, le preneur n'avait pas respecté cet engagement et avait toujours exploité les parcelles de manière conventionnelle. Le propriétaire en avait subi un préjudice financier, puisqu'il avait dû restituer 4 378 euros d'aides du fait du non-respect de son contrat de conversion. Après une mise en demeure non satisfaite, ce dernier a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux pour faire résilier le bail et expulser ses fermiers.
La cour d'appel de Caen, statuant de nouveau sur l'affaire, a prononcé la résiliation et ordonné l'expulsion des fermiers des parcelles louées dans un délai de deux mois et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé ce délai.
Les clauses environnementales parfaitement légales
Ces derniers se sont alors pourvus en cassation en invoquant plusieurs moyens. Ils ont notamment fait valoir que la liberté du preneur dans le choix du mode d'exploitation primait en matière de baux ruraux et que le propriétaire ne pouvait imposer des clauses environnementales à la date où le bail avait été conclu.
La Cour de cassation rejette ce moyen. Il résulte de l'article L. 411-27 du code rural, dans sa rédaction applicable en 2001, que le bail peut être résilié si le fermier « emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée ». « Une clause prévoyant des méthodes de culture respectueuses de l'environnement n'est pas contraire à l'ordre public statutaire », juge la Cour. Or, en exploitant délibérément les terres de façon conventionnelle en méconnaissance de leur nature dédiée aux pratiques agrobiologiques, les fermiers ont manqué à leurs obligations, confirme l'arrêt.
Exploitation compromise et préjudice du bailleur
Les fermiers ont également fait valoir que le bailleur ne pouvait résilier le bail que s'il justifiait de l'un des motifs inscrits à l'article L. 411-31 du code rural. Selon eux, les juges d'appel auraient donc dû rechercher si le fait de pratiquer une agriculture conventionnelle « insusceptible de compromettre la bonne exploitation du fond » n'était pas exclue des cas de résiliation autorisés.
La Haute juridiction juge le moyen infondé, la cour d'appel ayant effectivement procédé à cette recherche pour souverainement en déduire que la résiliation devait être prononcée. Celle-ci avait en effet constaté que « le fonds était affecté à la production biologique, retenu que sa bonne exploitation était compromise par l'application de méthodes polluantes, contraires au classement des terres, et caractérisé le préjudice subi par le bailleur du fait des sanctions administratives engendrées par la non-conformité de ses parcelles à l'opération de conversion à l'agriculture biologique dans laquelle elles avaient été déclarées en totalité ».
Le respect des clauses environnementales d'un bail rural n'est donc pas une option. Une bonne nouvelle pour l'environnement, mais aussi pour les propriétaires bailleurs qui ont subi un préjudice du fait d'une violation du bail par leur fermier.