Le poids de l'agriculture biologique est indéniable aujourd'hui en France. Il existe d'ailleurs pas moins de 2.300 distributeurs spécialisés dans le bio. En parallèle, la grande distribution développe aussi toujours plus ses rayons de produits verts.
Selon les derniers chiffres présentés par l'Agence Bio (1) , le marché des produits alimentaires issus de l'agriculture biologique a augmenté de 32 % en deux ans, de 2008 à 2010. Il a atteint 3,4 milliards d'euros en 2010.
Mais la production bio française ne suffisant pas pour répondre à la demande, le ministère a mis en place, il y a deux ans, le Plan Horizon 2012. Objectif du dispositif : atteindre la conversion de 6 % de la surface agricole utile (SAU) en agriculture biologique d'ici 2012, et 20 % en 2020. Aujourd'hui, 4 % seulement de la filière agricole s'est convertie au bio, et les objectifs du Grenelle semblent difficilement atteignables.
Alors comment contrer les importations européennes de produits bio tout en répondant à la demande croissante des Français ?
Les Chambres d'agriculture se sont penchées sur la question et viennent de publier une étude sur le développement de la filière.
L'enquête des Chambres d'agriculture
Les Chambres régionales d'agriculture ont mené des entretiens auprès des 240 entreprises françaises. Une enquête financée par le Compte d'affectation spécialisé du développement agricole et rural (CASdar) du ministère de l'Agriculture, dont il ressort quatre objectifs principaux : approfondir la connaissance de filières biologiques (par la mobilisation des informations existantes et par la réalisation d'études de cas), mieux cibler les besoins des filières et adapter les actions menées, identifier les enjeux du développement des débouchés dans chacune des régions, mobiliser et sensibiliser les agents de développement agricole aux besoins de l'aval et à la structuration économique des filières au niveau local.
L'enquête, menée auprès des entreprises amont, grossistes, transformateurs, distributeurs, devrait permettre d'identifier les perspectives de développement dans chacune des régions françaises. "L'instabilité des marchés en agriculture conventionnelle, associée à une conjoncture générale plutôt morose en 2009" a renforcé l'intérêt économique et l'attractivité des conversions en agriculture biologique (2) .
Les Chambres régionales d'agriculture ont ainsi identifié six filières (porc, fruits, légumes, lait, grandes cultures et viticulture) selon lesquelles une analyse nationale doit être réalisée afin de pouvoir décrire et proposer des perspectives d'évolution. Les enjeux d'un développement harmonieux et durable de la filière se déclinent ainsi sur trois échelles : des enjeux transversaux qui concernent la filière biologique dans son ensemble, toutes filières confondues et dont les réponses sont également transversales, des enjeux communs à toutes les productions biologiques mais dont les réponses sont spécifiques à chaque type de production, et des enjeux spécifiques à chaque production.
Renforcer la connaissance des pratiques françaises et européennes
Selon les Chambres d'agriculture, la filière française pourrait souffrir d'un manque de compétitivité. Car même si la tendance de fond actuelle est à la consommation plus axée sur le développement durable, "AB étant estimé comme le label le plus représentatif de cette tendance", seulement 7 % des Français ont consommé des produits bio "tous les jours" en 2010 d'après le baromètre CSA/Agence Bio, paru en début d'année . Les principales raisons invoquées par les consommateurs acheteurs sont la préservation de la santé (91 %), la qualité et le goût des produits (89 %) ou encore la sécurité (87 %) et l'environnement (86 %). Mais 79 % ne consomment pas de produits bio à cause de la "cherté" des produits, qui reste le principal frein à l'achat.
L'enjeu à relever pour les marchés français existants et émergents : proposer des produits au même coût que certains pays européens, qui eux, ont su se doter des atouts nécessaires pour conquérir les nouveaux marchés.
L'étude fait ressortir un manque d'information à la fois sur les modes de production et sur l'organisation des filières biologiques des pays voisins. Un manque de connaissance qui peut amener à mettre certains producteurs en situation d'échec.
Or, dans un secteur en croissance, "il est important que les données puissent être disponibles", préconise le rapport. L'optimisation du fonctionnement des exploitations (parc matériel, investissements) figure parmi les enjeux de développement de la filière, car la gestion de l'énergie et de l'eau peut être une source d'économies importantes. Aussi, l'accompagnement dans le secteur biologique doit être amélioré, autant dans le sens des conseillers vers les producteurs, que des producteurs vers les conseillers : "Dans un contexte concurrentiel accru, l'accompagnement et le conseil doivent intégrer la réflexion économique et permettre aux agriculteurs de construire une démarche commerciale pour valoriser au mieux leur production" et ainsi la positionner sur les marchés les plus adaptés, estiment les auteurs de l'étude.
Amplifier et continuer les efforts de recherche
L'amélioration des rendements en grande culture est primordiale. Il est ainsi important d'accentuer les efforts sur la recherche notamment de variétés résistantes et résilientes optimisées pour le bio et répondant aux critères des débouchés.
Un engagement plus conséquent des grandes plaines céréalières permettrait aussi d'augmenter les volumes produits et de passer à un niveau de développement supérieur. Pour l'équilibre agronomique et économique des exploitations, il semble nécessaire de parvenir à construire des rotations équilibrées concernant autant les cultures à destination humaine qu'animale.
Le travail des Chambres d'agriculture n'est pas terminé. Globalement, leur démarche souligne ainsi "l'importance de croiser les enjeux économiques et territoriaux pour répondre aux attentes des citoyens". Objectif fixé : accompagner la filière bio dans ce changement d'échelle.