La Cour des comptes européenne pointe "les faiblesses" du système de certification des biocarburants durables qui "pourraient porter atteinte" à l'objectif de 10% d'énergie renouvelable (EnR) dans les transports pour 2020 dans l'UE, fixé par la directive sur les EnR de 2009. "Il n'existe concrètement qu'un moyen d'atteindre cet objectif de 10 % : utiliser de grandes quantités de biocarburants", a souligné la Cour des comptes européenne, dans un rapport paru le 21 juillet.
"Les objectifs pour 2020 en matière d'énergie durable dans le secteur des transports sont importants pour l'environnement de l'UE et pour tous les usagers des transports. Cependant, le suivi de la réalisation des objectifs doit reposer sur des données rigoureuses et un système de certification fiable. C'est précisément ce que nous avons voulu vérifier lors de notre audit", a déclaré Bettina Jakobsen, membre de la Cour, auteure du rapport. Les auditeurs se sont rendus en Allemagne, en France, en Pologne et au Royaume- Uni, les quatre Etats membres principaux producteurs et/ou consommateurs de biocarburants dans l'UE.
Quid de l'origine des matières premières ?
La majeure partie des biocarburants mis sur le marché dans l'UE sont certifiés par l'intermédiaire de régimes volontaires reconnus par la Commission européenne. Or, ces régimes sont "dépourvus de procédures" pour garantir la production des biocarburants à partir de déchets et la conformité des matières premières destinées à leur production aux dispositions en matière environnementale, ont observé les auditeurs.
La Commission "n'a pas exigé des régimes qu'ils vérifient que la production des biocarburants ne s'accompagnait pas de risques comme des litiges fonciers, le travail forcé ou le travail des enfants, de mauvaises conditions de travail pour les agriculteurs ou des dangers pour la santé et la sécurité". Les évaluations des régimes ne concernaient pas les effets des changements indirects dans l'affectation des sols sur la viabilité des biocarburants, ajoute le rapport. "Les auditeurs sont conscients que l'évaluation de ces changements présente des difficultés techniques, mais sans cette information, la pertinence du système de certification n'est pas optimale".
Statistiques des Etats membres biaisées
"La Commission ne supervise pas le fonctionnement des régimes volontaires et n'est en conséquence pas certaine qu'ils satisfont effectivement aux normes sur la base desquelles ils ont été certifés ou qu'ils permettent de détecter les infractions aux règles", concluent les auditeurs. Conséquences : des Etats membres ont pu déclarer comme biocarburants durables des carburants dont la durabilité "n'avait pas été vérifiée".
Les auditeurs recommandent à la Commission de s'assurer, lors des opérations de certification, que les normes "sont bien respectées et que, pour chaque régime, un système de réclamation transparent soit mis en place". Ils appellent également la Commission "à recueillir des éléments probants auprès des Etats membres attestant la fiabilité des statistiques relatives à leurs biocarburants "et "veiller à l'harmonisation de la définition des déchets".
Le taux d'incorporation des biocarburants de première génération (biodiesel et bioéthanol) est fixé à 7% dans la consommation énergétique finale des transports en 2020, selon la directive de septembre 2015 visant à réduire le changement indirect d'affectation des sols. Cette directive fixe un seuil minimum d'incorporation, d'au moins 0,5% en 2020, pour les biocarburants dits de "seconde génération", produits à partir de déchets et de résidus agricoles et forestiers (paille, bois etc.), qui n'entrent donc pas en concurrence avec l'alimentation.
La Commission européenne présentera en avril 2017 un rapport sur le fonctionnement des régimes volontaires et leurs exigences en matière d'audit.