"La collecte séparée des biodéchets en France reste peu développée. En effet, alors que de nombreux pays de l'Union européenne l'ont adoptée depuis parfois plus de quinze ans, le nombre de collectivités françaises ayant mis en place ce type de gestion des déchets organiques reste extrêmement faible", note l'Ademe, en préambule de son étude sur l'état de l'art de la collecte séparée et de la gestion de proximité des biodéchets. Un retard qui se lit dans les chiffres : dans les pays où cette filière a été organisée depuis longtemps (Allemagne, Autriche, Belgique – Wallonie), les taux de valorisation atteignent jusqu'à 70%, contre 37% pour la France. De ce fait, le ratio d'ordures ménagères résiduelles (OMR) se situe dans ces pays entre 150 et 168 kg/hab/an contre 298 kg/hab/an en France. L'Ademe s'est donc penchée sur les conditions de réussite de la filière organique dans dix pays (six pays de l'UE et le Canada, les Etats-Unis, l'Australie et la Suisse), afin d'en tirer les leçons pour rattraper le retard français.
Une volonté politique traduite dans la réglementation
Dans ces pays, la gestion des biodéchets a été définie comme une priorité de la politique des déchets et a donc été inscrite dans la réglementation.
Certains pays ont opté pour une interdiction totale (Suisse), ou partielle -limitée à la matière organique non prétraitée- (Allemagne, Autriche, Italie et Belgique) de l' enfouissement.
Le Royaume-Uni a opté pour des quotas d'enfouissement d'OMR pour chaque collectivité, la Belgique a établi un objectif de ratio maximum en kg/hab/an d'OMR par collectivité.
Enfin, d'autres régions ont également mis en place des objectifs de valorisation de la matière organique (Pays de Galles pour les déchets alimentaires, Espagne, Catalogne, Québec), ou de collecte séparée (Italie). La France a juste fixé un objectif général de valorisation des déchets.
"En comparant les résultats actuels avec les exigences réglementaires, on constate que dans la plupart des pays observés, les performances d'aujourd'hui se rapprochent des objectifs fixés, sauf pour l'Italie, l'Espagne, la Catalogne et le Québec qui ne tiennent déjà pas ou ne tiendront vraisemblablement pas les exigences de leur législation", observe l'Ademe.
La réglementation seule ne suffit pas à impulser une dynamique. De nombreux pays ont mis en place, avec succès, des mesures incitatives, que ce soit des taxes à l'enfouissement ou à l'incinération, des subventions aux collectivités ou une tarification incitative.
La collecte séparée gagne du terrain
"La moitié des pays étudiés a soutenu le compostage domestique dans le passé, en appliquant souvent le schéma type des priorités plaçant la prévention avant la valorisation des déchets", analyse l'Ademe. Avec des résultats positifs : en Autriche, près de 80% de la population pratiquerait le compostage. Mais aujourd'hui, "avec la concentration de la population dans les villes, la pratique du compostage domestique devrait logiquement céder du terrain, les foyers préférant prendre un bac de collecte séparée des biodéchets".
De même, malgré un coût plus élevé de la collecte séparée, les pays ayant mis en place un compostage de proximité, à l'échelle d'un quartier ou d'un immeuble, semblent l'abandonner peu à peu.
En Catalogne, seule région européenne à avoir mis en place une obligation de collecte séparée des biodéchets, 74% des communes sont desservies. D'autres pays affichent de bonnes performances : la Belgique - Flandre (67% de la population desservie), la Suisse (70 à 80%), l'Autriche (70 à 80%) et l'Allemagne (55 à 60%). Cette dernière a prévu, dans la loi sur l'économie circulaire et les déchets, de généraliser la collecte séparée en 2015.
Les conditions de réussite de la collecte séparée
Mais comment mettre en place la collecte séparée ? "Un inconvénient souvent évoqué en France concernant la collecte des biodéchets est le risque de nuisances olfactives, surtout en été", indique l'Ademe, ajoutant : "Les expériences italiennes et catalanes, avec l'utilisation de sacs biodégradables en papier ou en bioplastique avec des bio-seaux ajourés pour la pré-collecte des déchets alimentaires dans les cuisines, en complément des bacs, prouvent que ce frein peut être débloqué".
Concernant la collecte, si la Belgique, la France et le Québec ont opté pour des bennes compartimentées OMR / biodéchets, de nombreux pays ont préféré organiser une collecte spécifique, étant donné que les biodéchets nécessitent d'être collectés plus fréquemment.
"Dans tous les pays observés, hors la Belgique (Flandre et Bruxelles-Capitale), le choix de la fréquence de la collecte des OMR est laissé à l'appréciation des collectivités, sans obligation de fréquence minimum", précise l'Ademe.