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Actu-Environnement

Biodiversité : les préfets vont pouvoir protéger les habitats naturels en tant que tels

Un projet de décret donne aux préfets la possibilité de protéger des habitats naturels sans qu'ils abritent nécessairement des espèces protégées. Le gouvernement répond avec ce texte à une injonction de la justice administrative.

Biodiversité  |    |  L. Radisson

Le gouvernement a-t-il décidé d'accélérer la mise en œuvre du plan biodiversité présenté par Nicolas Hulot le 4 juillet dernier ? Il soumet en effet à la consultation du public (1) un projet de décret (2) qui donne aux préfets la compétence pour prendre des arrêtés de protection des habitats naturels en tant que tels, mais aussi pour protéger des biotopes artificiels. Derrière ce volontarisme apparent se cache en fait une explication plus prosaïque : en mai dernier, le Premier ministre a été mis en demeure par le Conseil d'Etat de prendre une mesure d'application de la loi Grenelle 2 restée en souffrance depuis 2010.

L'article 124 de cette loi prévoyait en effet qu'un décret détermine les conditions dans lesquelles est fixée la liste limitative des habitats naturels protégés. Or, les dispositions relatives à la protection des habitats naturels prévues à l'article L. 411-2 du code de l'environnement (3) ne pouvaient recevoir application sans que ce décret soit publié. Et si Nathalie Kosciusko-Morizet avait préparé un projet de texte en 2011, il n'avait jamais été signé par le Premier ministre de l'époque. Suivant les arguments de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), à l'origine du recours, le Conseil d'Etat a jugé que le délai raisonnable au cours duquel le chef du gouvernement aurait dû prendre le décret était dépassé. Il l'a donc mis en demeure de prendre le texte avant le 9 novembre 2018 sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

"Intervention préfectorale mise en place de manière subsidiaire"

Le Premier ministre tente de répondre à cette injonction par un projet de décret relatif à la protection des biotopes et des habitats naturels. Son principal objet est de donner la compétence aux préfets pour prendre des arrêtés visant à protéger des habitats naturels, tels que des récifs coralliens, des tourbières ou des prairies, sans pour autant que ces espaces abritent des espèces protégées. Ces compétences s'ajouteraient à celles dont ils disposent déjà pour prendre des arrêtés de protection des biotopes (APB) et des arrêtés de protection de sites d'intérêt géologique (APG).

Le projet de décret renvoie à des arrêtés la définition de la liste des habitats naturels pouvant faire l'objet de mesures de protection, en opérant une distinction entre la métropole et les outre-mer. "L'ensemble de ces listes sera publié avant la fin de l'année 2018", assure le ministère de la Transition écologique. Les arrêtés pourront être pris de façon temporaire ou permanente par les préfets de département sur les espaces terrestres et par les préfets maritimes en mer. Ces arrêtés de protection "obéissent aux principes de nécessité et de proportionnalité. L'intervention réglementaire préfectorale sera donc fondée scientifiquement et sera mise en place de manière subsidiaire", tient toutefois à préciser le gouvernement. Le décret prévoit en outre la possibilité de dérogations aux mesures de protection instaurées. La procédure en sera précisée par arrêté ministériel.

"La protection de la nature et de la biodiversité s'appuie sur une diversité de dispositifs, offrant plusieurs moyens d'intervention", se félicite le gouvernement. Moyens d'intervention qui vont du parc national et de la réserve naturelle, qui offrent "une protection réglementaire stricte dans un périmètre limité", jusqu'au dispositif Natura 2000 qui passe par "une approche contractuelle et volontaire". Et auxquels s'ajoutent les arrêtés de protection de biotopes, les arrêtés de protection des géotopes et, désormais, les arrêtés de protection des habitats naturels.

Protéger les biotopes artificiels

Avec ce décret, le gouvernement propose en outre d'élargir le champ d'intervention des arrêtés de protection des biotopes à des habitats d'origine artificielle : bâtiments, ouvrages, mines et carrières en fin d'exploitation, ou tout autre site bâti ou artificiel, à l'exception toutefois des habitations et des bâtiments à usage professionnel. "Cette extension est nécessaire dans la mesure où, notamment, de nombreux chiroptères (chauves-souris) trouvent refuge dans des combles d'églises, des carrières ou encore des mines", explique le ministère. Le texte prévoit par ailleurs de transférer du ministre chargé de la pêche au préfet la compétence pour prendre les arrêtés portant sur le domaine public maritime. Cela devrait permettre "de simplifier et d'accélérer la décision", estime l'exécutif.

Cette réforme répond-elle aux attentes des associations de protection de la nature ? "Nous sommes à moitié satisfaits de la proposition du gouvernement, à cause des latitudes laissées aux préfets et du risque d'approche à géométrie variable", réagit Yves Vérilhac. "Nous avons des difficultés avec les préfets qui, globalement, ont peu d'appétence pour la chose", explique en effet le directeur général de la LPO.

Certains spécialistes se montrent par ailleurs critiques sur l'idée d'établir des listes. "Cette notion de liste limitative peut se révéler contre-productive, en risquant, dans le contexte actuel de régression, d'amoindrir la protection des espaces qui n'y figurent pas", pointe ainsi Gabriel Ullmann, docteur en droit de l'environnement et expert auprès des tribunaux.

1. Accéder à la consultation du public
http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projet-de-decret-relatif-a-la-protection-des-a1871.html
2. Télécharger le projet de décret
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-31887-projet-decret-protection-espaces-nat.pdf
3. Consulter l'article L. 411-2 du code de l'environnement
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=E5B084A49069B58AB2ED94A07BE844D7.tplgfr36s_3?idArticle=LEGIARTI000033034252&cidTexte=LEGITEXT000006074220&dateTexte=20180824

Réactions6 réactions à cet article

Alors, on pourrait imaginer qu'un territoire, précisément défini, comme un bassin versant, dans le périmètre d'un Parc National, hébergeant grenouille rousse, cincle plongeur, tétras lyre, plus de 40 espèces d'invertébrés aquatiques dont certaines très rares, labellisé AFNOR "Site Rivière Sauvage", que le Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel préconise de préserver entièrement en tant qu'enclave relique, reçoive un arrêté de protection.
Il est temps de mettre en musique les paroles du Ministre lui-même : "priorité à la biodiversité !"

Butimage | 25 août 2018 à 10h35 Signaler un contenu inapproprié

Décret ou pas décret, je suis hélas prêt à parier que les préfets, dans leur grande majorité, auront bien d'autres priorités à gérer. Business as usual !
Au risque de me répéter, je reste convaincu que tant qu'une loi n'indexera pas la progression de carrière des hauts fonctionnaires sur leurs performances concrètes en matière de protection de l'environnement, rien ne bougera vraiment.
Nicolas HULOT l'a constaté : l'administration française est bien trop soumise aux lobbies qui défendent des intérêts catégoriels (FNSEA, FNC, MEDEF, FRAMATOME/AREVA/ORANO, etc.) pour pouvoir appliquer convenablement l'arsenal législatif français et européen en matière de protection de l'environnement.

Pégase | 28 août 2018 à 19h11 Signaler un contenu inapproprié

Le problème restera le même: en l'absence de sensibilité écologique particulière des individus préfets (inexistante, en réalité)ce sera aux associations de défense de l'environnement de signaler les abus, projets de construction, etc... à ces mêmes préfets… qui feront ce qu'ils voudront, car toujours trop soumis aux pressions de toutes sortes. Mais c'est qd même un pas en avant qui donnera plus de poids aux revendications des associations, à conditions qu'elles restent très vigilantes.

gaia94 | 29 août 2018 à 17h03 Signaler un contenu inapproprié

@ gaia94 : vous avez raison de rester optimiste, il y a quand même une petite porte par laquelle il sera possible de faire passer ça et là quelques projets.
Cela dit, les réserves régionales ne font-elles pas déjà le job ? Et je fais confiance aux fédé de chasse, FDSEA, chambres d'agriculture, CRPF, élus locaux rétrogrades et autre syndicat de propriétaires fonciers pour mettre autant de bâtons dans les roues que nécessaire pour faire capoter le plus de projets possible.
Mais que ce décret pèsera-t-il face à un projet de nième rocade, d'extension de supermarché (j'ai en tête celle du Super U de Saint-Jean-de-Monts, en Vendée, prise sur une zone de marais, avec abandon de l'ancien bâtiment et, summum du green washing, il a été donné à des zones de parkings des noms d'espèces de faune et de flore de zones humides !!!), de création de zone d'activités ou encore d'usine de x milliers de vaches ?

Pégase | 29 août 2018 à 20h51 Signaler un contenu inapproprié

Oui Pégase, ça se passe bien comme ça! De mon côté je lutte contre un projet d'implantation de 48 hectares de serres hors sol, en pleine zone Natura 2000 en bordure de forêt domaniale d'Orléans, avec parkings, constructions de bâtiments de conditionnement, élargissement des routes pour faire circuler 80 camions /jour -nuit, unités de chauffe,destruction de l'ancienne ferme en pierre de pays (qui abrite moult hirondelles et des chauves souris) etc...les fédés de chasse sont vent debout contre ce projet mais les élus font le mort. J'ai sensibilisé le Préfet et j'attends la suite. Ce sera toujours à nous, citoyens, de pousser les préfets à protéger le territoire de la rapacité des investisseurs.

gaia94 | 30 août 2018 à 14h21 Signaler un contenu inapproprié

gaia94, il faut vous associer aux fédés de chasse contre ce projet. Continuerez-vous de les traiter de malades quand ils seront d'accord avec vous ?
Est-on forcément malade quand on n'est pas d'accord avec gaia94 et sain d'esprit quand on est d'accord avec gaia94?
Excellente soirée (je ne suis pas chasseur et je suis souvent en désaccord avec gaia94 - donc malade - et parfois en accord - donc sain d'esprit mais plus rarement)

Albatros | 03 septembre 2018 à 16h37 Signaler un contenu inapproprié

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