Le Club Biogaz de l'Association Technique Energie Environnement (Atee) vient de publier un rapport qui dresse un état des lieux des installations françaises de méthanisation en fonctionnement ou en construction en 2011 ''tous secteurs confondus'' (industriel, agricole, stations d'épuration et ordures ménagères), exceptées les décharges ou les ISDND (Installations de Stockage de Déchets Non Dangereux) qui n'ont pas été incluses dans l'étude. En France, la méthanisation est orientée sur la production du compost et du biogaz à partir de déchets organiques ou effluents d'élevage. Le biogaz produit est ''valorisable en énergie, électrique et/ou thermique'' (cogénération) et peut également être converti en biométhane, afin d'être injecté dans le réseau de gaz naturel ou utilisé comme carburant, rappelle l'Atee.
Près de 200 installations en service, une quarantaine en construction
197 installations de méthanisation ont été recensées au premier semestre 2011 par l'association, dont 80 dans le secteur industriel, principalement agro-alimentaire (industries de transformation de lait ou de fruits et légumes, exploitations vinicoles…).
S'agissant des installations de traitement d'effluents agricoles, 41 installations à la ferme et 7 installations centralisées/territoriales exploitées par des sociétés traitant les déchets de plusieurs structures agricoles sont également répertoriées. La France compte aussi désormais 60 stations d'épurations (STEP) valorisant du biogaz issu en grande majorité des effluents urbains. La capacité totale installée des STEP est de 17.000.000 EH (Equivalents Habitants), soit 368.000 tonnes de matière sèche de boues traitées par an.
Enfin, 9 centres de méthanisation des ordures ménagères sont en service mi-2011. 8 d'entre eux valorisent le biogaz produit par cogénération tandis que le centre de Lille qui le valorise en biométhane carburant pour alimenter des véhicules roulant au GNV (Gaz Naturel Véhicule). Au total, la production théorique totale de biogaz est de 282 millions de Nm3 (Normaux mètre cube) par an. L'énergie thermique produite s'élève quant à elle à 126 MW (mégawatts). La puissance électrique totale installée est de 36,9 MW, dont plus de la moitié provient des installations de méthanisation d'ordures ménagères.
La filière méthanisation tirée par le secteur agricole
46 installations sont par ailleurs en cours de construction, essentiellement dans le secteur agricole (33 projets). La méthanisation des effluents agricoles, ''quasi inexistante jusqu'en 2003 connaît depuis 2007 un développement exponentiel (sic)'' en France, analyse l'association. Cet engouement est impulsé par le cadre réglementaire visant à réduire les consommations d'énergie et soutenu depuis 2006 par les premiers tarifs d'achat de l'électricité produite à partir de biogaz. Ces tarifs ont été révisés en mai 2011 et ont été augmentés de 20% en moyenne (primes d'efficacité énergétique et d'effluents d'élevage comprises), privilégiant les plus petites installations agricoles. Celles-ci bénéficient depuis d'un tarif maximal de près de 20 centimes d'euros par kilowattheure produit (c€/kWh) contre 15,2 c€/kWh auparavant. Avec le nouveau tarif, Caroline Marchais, déléguée générale du Club Biogaz table sur une augmentation de 40 unités agricoles par an. Même si le temps de réalisation des projets est ''plus long et complexe que dans les pays voisins''. ''Il faut compter actuellement 4 ans entre le début des démarches et la mise en route d'un projet. Ces délais sont principalement la conséquence de la lenteur des démarches administratives'', déplore l'association, ''et du temps de raccordement des installations au réseau ErDF'' d'un an contre 4 à 5 mois par exemple en Allemagne. En outre, l'électricité produite sur les 6.000 installations de méthanisation à la ferme que compte l'Outre Rhin est valorisée à un prix 30 % plus élevé qu'en France où les sites restent ''peu rentables''…
De son côté, la production de biogaz a très peu évolué depuis 2001 dans le secteur industriel. Même constat depuis 1985 dans le secteur des stations d'épuration, ''pour lequel un grand nombre d'installations vétustes de petite taille ferment, laissant place à un nombre plus réduit de stations d'épuration de tailles plus conséquentes'', explique l'association. ''Les installations de méthanisation d'effluents industriels et d'effluents urbains gaspillent une grande partie d'énergie, car leur but premier est de traiter les effluents et non de produire de l'énergie'', ajoute-t-elle. La méthanisation des ordures ménagères ''commence'', elle, ''à se développer'' : ''après la première installation mise en service en 1988, il fallut attendre 2002, puis 2005, avant que de nouvelles voient le jour. Depuis 2008, de nouveaux projets aboutissent'', selon l'Atee. Deux sites de méthanisation des ordures ménagères sont notamment en construction.
Injection de biométhane dans le réseau : entre inconvénient et opportunité
''Nous avons réalisé cet état des lieux à un moment charnière pour le biogaz en France, au moment où les nouveaux tarifs d'achat de l'électricité sont mis en place, et où l'injection et la valorisation biométhane deviennent possibles'', souligne l'association. Un site pilote à Lille a déjà commencé à injecter du biogaz (biométhane) au réseau de gaz naturel depuis juillet 2011, selon Mme Marchais. Date à laquelle était attendu le décret autorisant ce mode d'injection en France avant d'être repoussé à septembre puis octobre. Le texte devrait être publié dans les prochains jours. Un arrêté doit également fixer les tarifs d'achats qui pourraient se situer entre 5 et 10,3 c€/kWh, selon le débit d'injection livré sur les réseaux de distribution de gaz. D'après les opérateurs de réseau, environ 200 projets en 2011 envisageraient une injection dans le réseau de gaz, si ''celle-ci est techniquement et financièrement possible''. 150 projets d'injection ont été soumis à GrDF, le restant à GRTgaz.
''Mais l'essentiel de ces projets ne sont pas gros et donc ne pourront pas se faire. Ces petits projets vont se lancer plutôt dans la cogénération'', prévient Mme Marchais. Autres ''inconvénients'' de la technique : en plus des coûts d'investissement, l'injection ''nécessite une demande suffisante en gaz naturel dans la zone desservie par le réseau. La consommation baissant en été, un torchage du biogaz excédentaire peut être nécessaire, à moins d'investir dans des équipements de valorisation complémentaires (cogénération, séchage de fourrage…)'', note l'étude.
''Les nouveaux modes de valorisation que sont l'injection du biométhane au réseau ou sa valorisation en carburant pourraient donner une nouvelle impulsion à la filière, même si ceux- ci nécessitent de lourds investissements''. A l'avenir, l'Atee table sur un développement de l'injection sur le réseau ''dans le secteur des ordures ménagères, des effluents agricoles, puis des stations d'épuration lorsque l'avis de l'ANSES sera paru", ajoute l'association. De son côté, GrDF évalue entre 2,8 TWh et 8,7 TWh le biométhane qui pourrait être injecté annuellement dans le réseau à l'horizon 2020, via 280 à 700 sites.