Les volumes de bois seront-ils au rendez-vous ? Telle est la question à laquelle ont tenté de répondre les participants de la table ronde organisée le 30 juin 2011 par le Syndicat des énergies renouvelables (SER) lors de la première édition du Colloque national biomasse.
Croissance du stock sur pied
"Il y a une accumulation du bois dans les forêts", constate Antoine Colin, ingénieur bois énergie carbone pour l'Inventaire forestier national (IFN), qui précise que le stock sur pied a progressé de 625 millions de m3 entre 1981 et 2007, soit une hausse annuelle moyenne d'environ 25 millions de m3. Au total, les forêts françaises stockent 2,4 milliards de m3 de bois, dont 1,54 milliard m3 de feuillus et 0,86 milliard de m3 de résineux.
S'agissant des perspectives à l'horizon 2020, une étude réalisée par les pouvoirs publics estime à 12 millions de m3 par an la disponibilité supplémentaire en bois d'industrie et bois énergie (BIBE). À cela s'ajoute la disponibilité supplémentaire de 7,2 millions de m3 par an pour les menus bois. Ces disponibilités supplémentaires sont feuillues (85 % du total), en forêt privées (77 %) et situées le long d'un axe allant de Midi-Pyrénées à la Lorraine en passant par la région Centre.
Reste que selon Ludovic Guinard, responsable de l'unité économie, énergie, prospective de Forêt, cellulose, bois-construction et ameublement (FCBA), "dire 'il y a une ressource' n'est pas suffisant, si on laisse de côté la question de sa qualité et les problèmes liés à son exploitation." Un point de vue partagé par Jacques Ferling, délégué général le Kronofrance, qui constate qu'"on entend des chiffres de disponibilité depuis des années, mais maintenant il faut faire sortir le bois!"
Un lien direct avec le bois d'œuvre
"Il est possible d'accroître la production de bois énergie", rassure Pascal Viné, directeur général de l'Office national des forêts (ONF). Pour les experts, divers facteurs détermineront les volumes qui seront réellement exploités : la préservation d'un bon état environnemental des forêts, la volonté des propriétaires, la structure foncière, l'accessibilité du bois en forêt ou encore le prix du bois.
"On est obligé de s'y intéresser, surtout si l'on veut densifier l'approvisionnement en prévision des agrocarburants de deuxième génération", estime Pierre Ducray. Cependant, Ludovic Guinard prévient : "ce ne sera qu'un complément, car on est à mi-chemin entre l'agriculture et la sylviculture, ce qui augmente les coûts et introduit une compétition avec l'usage agricole des terres.
Un bémol néanmoins : "le bois énergie est parti sur une logique de recyclage des déchets", déplore Pierre Ducray, directeur de l'Union de la coopération forestière française (UCFF), qui juge que "nous n'en sommes plus là, il faut développer une vraie filière qui s'inscrive dans une démarche sylvicole."
Conflit d'usage ou saine compétion ?
"Le bois énergie s'inscrit dans une filière, il faut le souligner", synthétise Jacques Ferling, concluant qu'"il faut donc écarter la notion de conflit d'usage, il y a une saine compétition entre acteurs économiques." Pour fournir 100.000 tonnes de bois énergie, il faut trouver des débouchés pour 200.000 à 300.000 tonnes de bois dans les autres segments de la filière, explique Pierre Ducray, qui confirme que "parler de compétition est effectivement plus intelligent que de parler de conflit."
Dans ce contexte, l'ONF préconise de renforcer le dialogue et la cohésion entre les acteurs. Sur ce point, "il n'est pas normal que le bois construction n'utilise que des résineux", regrette le directeur de l'Office, d'autant plus que la ressource disponible est avant tout constituée de feuillus.
Une démarche locale
Un autre point est incontournable, selon les experts : le marché du bois est avant tout local. "Le principal problème rencontré par un opérateur de chaufferie biomasse est la difficulté d'assurer un approvisionnement local sur 10 à 15 ans", estime Pascal Viné. Un point de vue partagé par Pierre Ducray qui juge cependant que "les contrats d'approvisionnement à long terme permettent aux propriétaires d'investir pour produire durablement du bois." Certes, mais "les grandes installations ne doivent pas mettre en péril les équilibres locaux", prévient Jacques Ferling.
Si l'aspect local est mis en avant, la dynamique du marché européen fait peser une menace sur le développement du bois énergie en France : l'Allemagne est maintenant déficitaire en bois et la Belgique, l'Espagne et l'Italie le sont depuis plusieurs années déjà. Un risque d'autant plus fort que le bois se vend deux fois plus cher en Allemagne, indique Pascal Viné…
Finalement, arriverons-nous à atteindre les objectifs français assignés au bois énergie ? Pascal Viné est sceptique : "avec les appels d'offres de la Commission de régulation de l'énergie, on a atteint les limites maximales d'approvisionnement et si on n'investit pas l'objectif ne sera pas atteint." Dans un tel contexte, la "saine compétition entre acteurs économiques" pourrait virer au conflit ouvert.