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La méthanisation dans l'ère de l'optimisation (1/4) : entre maturité technologique et fragilité économique

La production de biométhane constitue un vrai levier d'indépendance pour l'Europe. Pour en produire plus, les exploitants ont appris à en produire mieux. Les freins pour passer à l'étape supérieure semblent plus économiques que technologiques.

TECHNIQUE  |  Energie  |    |  F. Gouty
La méthanisation dans l'ère de l'optimisation (1/4) : entre maturité technologique et fragilité économique
Environnement & Technique N°389
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°389
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Trente-cinq milliards de mètres cubes ou 350 térawattheures (TWh) : c'est la quantité de biométhane que l'Union européenne s'est donné pour but de produire d'ici à 2030 dans le cadre de son plan RePowerEU en 2022. Or, à l'heure actuelle, la capacité européenne se limite à 40 TWh, dont 9,5 TWh produits en France.

Comment la filière peut-elle atteindre l'objectif fixé ? Aujourd'hui considérée comme mature technologiquement, la méthanisation n'a plus grand-chose à inventer. Le potentiel pour gravir de nouveaux échelons réside plutôt dans la mise en œuvre de bonnes pratiques et de briques complémentaires.

Les bonnes pratiques d'exploitation

En premier lieu, « avec aujourd'hui plus de 1 500 unités en injection ou en cogénération, la filière dégage un sentiment grandissant de professionnalisation », affirme Cécile Frédéricq, déléguée générale du syndicat France Gaz renouvelables. Bien exploiter une unité de méthanisation, c'est chercher à optimiser chaque aspect du processus, notamment à la préparation des intrants (lire encadré).

Soigner la préparation des intrants

Le groupe Evergaz gère aujourd'hui 26 unités de méthanisation en France, en Allemagne et en Belgique : il les a toutes équipées de pièges à cailloux, pour filtrer les petites pierres ou les éclats métalliques qui peuvent être contenus dans le fumier. Issus par exemple du frottement des chaînes du bétail avec les infrastructures d'élevage, « ces éléments peuvent avoir un effet destructif sur les lobes en caoutchouc des pompes de nos digesteurs », explique ainsi Frédéric Flipo, cofondateur d'Evergaz. Chaque lisier est en outre décanté pour en retirer le moindre grain de sable. Les produits fibreux sont systématiquement broyés pour améliorer la surface d'échange entre la paille et les bactéries présentes dans le digesteur. « Et nous faisons régulièrement appel à des biologistes pour analyser les combinaisons de biomasses entrantes afin d'éviter celles qui entraîneraient la formation de mousses dommageables aux gazomètres [où est stocké le biogaz avant d'être épuré, NDLR], ajoute Frédéric Flipo. Les viticulteurs ne font pas appel à des œnologues pour rien ! »
L'exploitation doit également être réfléchie à la racine du projet. « Je dis toujours qu'un agriculteur ne doit pas monter une unité de méthanisation si son exploitation agricole va mal », confie Grégory Lannou, à la tête de l'association Biogaz Vallée. « Il faut toujours dimensionner son installation en fonction du gisement disponible et accessible localement, complète Mathieu Larroque, éleveur de bovins et exploitant d'une unité en cogénération de 500 kilowatts dans le Tarn-et-Garonne. Autrement, acheter des gisements peut vite coûter très cher et remettre l'activité en question. »

Valoriser le dioxyde de carbone

De nouvelles pistes technologiques offrent également des perspectives d'optimisation à la filière. « L'intérêt envers la valorisation du dioxyde de carbone (CO2) biogénique a été assez impressionnant lors de notre dernière convention d'affaires, en novembre dernier », relate par exemple Grégory Lannou. La méthanisation produit généralement un biogaz comprenant environ 60 % de méthane (CH4) et 40 % de CO2. Ce dernier est généralement séparé et rejeté au moment de l'épuration – opération qui vise à faire monter la teneur à 99 % de CH4 au minimum. Les exploitants s'intéressent de plus en plus à la valorisation économique de ce coproduit, le CO2, qui peut être capté puis revendu pour servir à la gazéification de boissons ou à l'enrichissement des serres agroalimentaires. C'est ce que fait l'unité MéthaTreil près de Nantes, qui en produit annuellement 1 500 tonnes pour un serriste local.

D'autres préfèrent valoriser ce CO2 biogénique dans la production d'énergie supplémentaire. La société CH4Process, par exemple, propose de récupérer ce « gaz pauvre » pour alimenter un moteur à gaz, le convertissant en électricité. « Non seulement cela représente un avantage technique qui limite le nombre d'étages membranaires à ajouter à un épurateur, mais cela évite les rejets, souligne Grégory Lannou. Cela montre l'ère d'optimisation dans laquelle la filière s'inscrit progressivement. Aucune nouvelle technologie n'est nécessaire, il suffit d'imbriquer les techniques intelligemment. » D'autant que la valorisation de ce CO2 biogénique représente un marché de plusieurs millions de tonnes. Cependant, sa récupération n'est pas anodine financièrement. « Capter le CO2, le liquéfier, puis le transporter demandent un autre niveau d'industrialisation, pointe Hugo Kech, chargé d'études biogaz au sein de l'Association des initiatives locales pour l'énergie et l'environnement (Aile). Cela nécessite d'atteindre des normes de pureté vérifiables par des analyseurs en continu, très onéreux. »

“ L'intérêt envers la valorisation du dioxyde de carbone biogénique a été assez impressionnant lors de notre dernière convention d'affaires, en novembre dernier ” Grégory Lannou, à la tête de Biogaz Vallée
Évoquée depuis quelques années, l'autre voie de valorisation du CO2 biogénique est la méthanation, catalytique ou biologique. Celle-ci consiste à combiner ce CO2 avec du dihydrogène (H2), idéalement produit par un électrolyseur alimenté en électricité renouvelable, pour fabriquer du méthane de synthèse (et de l'eau), et augmenter encore davantage la capacité d'injection. « Il existe des démonstrateurs, mais la technologie ne sera pas mature avant au moins une dizaine d'années, d'autant que l'hydrogène rajoute un risque supplémentaire, remarque Grégory Lannou. Qui plus est, elle dépend de l'avenir de notre mix énergétique : pourra-t-on par exemple compter sur des hydrogénoducs ? »

Une filière embourbée

À en croire les exploitants sur le terrain, ces réflexions restent encore loin de pouvoir trouver une expression concrète. « Je n'ai aucune envie de me rajouter une quelconque complexité », témoigne Mathieu Larroque. La raison ? Le modèle économique actuel de la filière n'est pas exactement en grande forme. « La révision du tarif de vente du biométhane injecté en 2020 et l'absence d'indexation sur l'inflation font peser un véritable risque sur toute la filière, y compris pour les entreprises de maintenance et les bureaux d'études sur lesquels s'appuient les porteurs de projet, s'inquiète Cécile Frédéricq, de France Gaz renouvelables. Avec seulement 70 projets mis en service sur un millier encore en attente en 2022, la filière reste complètement atone. »

Malgré l'ouverture de dispositifs de soutien comme les appels d'offres ou les certificats de production de biogaz, la hausse des prix de l'énergie a drastiquement augmenté les factures des exploitants. « L'épuration, par exemple, constitue une phase de compression très consommatrice d'électricité, qui a parfois entraîné une multiplication par dix de ces factures, confie Grégory Lannou, de Biogaz Vallée. Les conditions économiques ont tellement changé que pour beaucoup de porteurs de projet, le développement d'une activité censée être complémentaire pourrait mettre en péril leur activité principale. »

Une situation qui menace des développements que l'on attendrait assez naturellement dans de nouvelles améliorations des process et dans la méthanation.

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