Trente-cinq milliards de mètres cubes ou 350 térawattheures (TWh) : c'est la quantité de biométhane que l'Union européenne s'est donné pour but de produire d'ici à 2030 dans le cadre de son plan RePowerEU en 2022. Or, à l'heure actuelle, la capacité européenne se limite à 40 TWh, dont 9,5 TWh produits en France.
Comment la filière peut-elle atteindre l'objectif fixé ? Aujourd'hui considérée comme mature technologiquement, la méthanisation n'a plus grand-chose à inventer. Le potentiel pour gravir de nouveaux échelons réside plutôt dans la mise en œuvre de bonnes pratiques et de briques complémentaires.
Les bonnes pratiques d'exploitation
En premier lieu, « avec aujourd'hui plus de 1 500 unités en injection ou en cogénération, la filière dégage un sentiment grandissant de professionnalisation », affirme Cécile Frédéricq, déléguée générale du syndicat France Gaz renouvelables. Bien exploiter une unité de méthanisation, c'est chercher à optimiser chaque aspect du processus, notamment à la préparation des intrants (lire encadré).
Soigner la préparation des intrants
Le groupe Evergaz gère aujourd'hui 26 unités de méthanisation en France, en Allemagne et en Belgique : il les a toutes équipées de pièges à cailloux, pour filtrer les petites pierres ou les éclats métalliques qui peuvent être contenus dans le fumier. Issus par exemple du frottement des chaînes du bétail avec les infrastructures d'élevage, « ces éléments peuvent avoir un effet destructif sur les lobes en caoutchouc des pompes de nos digesteurs », explique ainsi Frédéric Flipo, cofondateur d'Evergaz. Chaque lisier est en outre décanté pour en retirer le moindre grain de sable. Les produits fibreux sont systématiquement broyés pour améliorer la surface d'échange entre la paille et les bactéries présentes dans le digesteur. « Et nous faisons régulièrement appel à des biologistes pour analyser les combinaisons de biomasses entrantes afin d'éviter celles qui entraîneraient la formation de mousses dommageables aux gazomètres [où est stocké le biogaz avant d'être épuré, NDLR], ajoute Frédéric Flipo. Les viticulteurs ne font pas appel à des œnologues pour rien ! »
Valoriser le dioxyde de carbone
De nouvelles pistes technologiques offrent également des perspectives d'optimisation à la filière. « L'intérêt envers la valorisation du dioxyde de carbone (CO2) biogénique a été assez impressionnant lors de notre dernière convention d'affaires, en novembre dernier », relate par exemple Grégory Lannou. La méthanisation produit généralement un biogaz comprenant environ 60 % de méthane (CH4) et 40 % de CO2. Ce dernier est généralement séparé et rejeté au moment de l'épuration – opération qui vise à faire monter la teneur à 99 % de CH4 au minimum. Les exploitants s'intéressent de plus en plus à la valorisation économique de ce coproduit, le CO2, qui peut être capté puis revendu pour servir à la gazéification de boissons ou à l'enrichissement des serres agroalimentaires. C'est ce que fait l'unité MéthaTreil près de Nantes, qui en produit annuellement 1 500 tonnes pour un serriste local.
D'autres préfèrent valoriser ce
Une filière embourbée
À en croire les exploitants sur le terrain, ces réflexions restent encore loin de pouvoir trouver une expression concrète. « Je n'ai aucune envie de me rajouter une quelconque complexité », témoigne Mathieu Larroque. La raison ? Le modèle économique actuel de la filière n'est pas exactement en grande forme. « La révision du tarif de vente du biométhane injecté en 2020 et l'absence d'indexation sur l'inflation font peser un véritable risque sur toute la filière, y compris pour les entreprises de maintenance et les bureaux d'études sur lesquels s'appuient les porteurs de projet, s'inquiète Cécile Frédéricq, de France Gaz renouvelables. Avec seulement 70 projets mis en service sur un millier encore en attente en 2022, la filière reste complètement atone. »
Malgré l'ouverture de dispositifs de soutien comme les appels d'offres ou les certificats de production de biogaz, la hausse des prix de l'énergie a drastiquement augmenté les factures des exploitants. « L'épuration, par exemple, constitue une phase de compression très consommatrice d'électricité, qui a parfois entraîné une multiplication par dix de ces factures, confie Grégory Lannou, de Biogaz Vallée. Les conditions économiques ont tellement changé que pour beaucoup de porteurs de projet, le développement d'une activité censée être complémentaire pourrait mettre en péril leur activité principale. »
Une situation qui menace des développements que l'on attendrait assez naturellement dans de nouvelles améliorations des process et dans la méthanation.