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Valorisation : les biodéchets ont de l'avenir dans la chimie verte

Le projet Biorare développe une technologie d'électrosynthèse microbienne, afin de produire des molécules d'intérêt à partir des biodéchets. Cette innovation de la chimie verte pourrait voir une application industrielle d'ici dix ans.

Déchets  |    |  E. Gomez
Valorisation : les biodéchets ont de l'avenir dans la chimie verte
Environnement & Technique N°371
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°371
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Et si nos déchets organiques se reconvertissaient dans la chimie verte ? Produire des molécules d'intérêt à partir des déchets organiques est en effet l'objectif du projet Biorare, porté en partenariat par l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea), l'Institut national de recherche agronomique (Inra), le Centre national de recherche scientifique (CNRS), l'Agence nationale de la recherche (ANR) et Suez. Un concept particulièrement intéressant étant donnée la masse de déchets organiques produits chaque année en France. Selon l'Ademe, elle s'élève à 45 millions de tonnes, sans compter les déchets agricoles.

La filière de valorisation des biodéchets tend donc à se développer, d'autant que leur collecte séparée deviendra obligatoire à l'horizon 2025, comme le prévoit la loi de transition énergétique. Aux procédés déjà connus de compostage et de méthanisation, vient s'ajouter une technologie de rupture prometteuse, utilisée dans le projet Biorare : l'électrosynthèse microbienne.

A mi-chemin entre bioraffinerie environnementale et industrielle

Le potentiel de l'électrosynthèse microbienne a été découvert en 2010 dans un laboratoire américain. Cette technologie permet de produire de l'électricité grâce à l'activité microbienne, puis d'utiliser cette électricité pour la production de molécules organiques.

C'est le point de départ du projet Biorare, qui a profité de l'appel à projets ''Biotechnologies et bioressources'' du programme des Investissements d'avenir, pour se lancer dès 2011 dans la recherche d'une nouvelle sorte de bioraffinerie, sur la base de l'électrosynthèse microbienne. Les bioraffineries industrielles produisent des molécules d'intérêt à partir de bactéries souche choisies. Les bioraffineries environnementales quant à elles, ne choisissent pas les bactéries présentes et les molécules produites. ''C'est le cas des stations d'épuration par exemple qui valorisent toutes sortes de déchets, ou des unités de méthanisation qui permettent la production de biogaz riche en méthane'', souligne Théodore Bouchez, chef d'équipe biotechnologies microbiennes à l'Irstea. Mais Biorare développe ''un hybride entre bioraffinerie environnementale – dans le sens où on ne choisit pas les molécules traités – et bioraffinerie industrielle – car on choisit les molécules d'intérêt produites'', explique le chercheur.

Concrètement, la fraction liquide des biodéchets (hydrolisat) est injectée dans une bioanode. Son oxydation libère des électrons, qui transitent vers une biocathode. Ensuite, des microbes électrotrophes, capables d'accepter directement les électrons provenant d'une cathode, consomment les électrons produits. Avec une injection de CO2 dans la cathode, ce procédé permet de synthétiser des molécules organiques. Ce processus permet donc in fine de produire des molécules plateformes (ou molécules d'intérêt). ''Au-delà du méthane, le but de notre technologie est de parvenir à produire de l'hydrogène, des acides carboxyliques [acétate, propinate, butyrate, formirate], des acides gras, des alcools tels que l'éthanol et le butanol'', explique Théodore Bouchez.

Une technologie économe en énergie

Au stade 4 (sur 9) de sa maturité technologique, le pilote expérimental ne permet pas encore de choisir la molécule produite. ''Pour l'instant, on arrive à obtenir un mélange d'acide formique et d'acétate'', détaille le chercheur toutefois optimiste pour la poursuite des recherches qui permettront de ''cibler les molécules''.

La technologie Biorare présente un certain nombre d'avantages selon Théodore Bouchez. ''Une membrane est située entre l'anode et la cathode pour séparer l'environnement « sale » de traitement des biodéchets, et l'environnement « propre » de production de molécules d'intérêt'', détaille-t-il. Ainsi, il n'y a aucun contact physique entre les déchets et les molécules produites. Par ailleurs, le système électrique permet une régulation de l'activité métabolique des microbes, et ainsi, le contrôle de la production. Enfin, le potentiel de rendement de la production de molécules est très élevé, tout en consommant très peu d'énergie : ''le concept permet de gagner un facteur de 2,5 sur l'énergie consommée par molécule formée, grâce à l'énergie chimique contenue et libérée par les déchets''. Théodore Bouchez explique qu'une fois appliquée aux filières de traitement de déchets existantes, cette technologie pourrait, dans le scénario fictif d'une usine traitant 50.000 tonnes de biodéchets, ''produire 80% des besoins français en acides succiniques, soit 1.400 tonnes''. L'acide succinique permet notamment la fabrication de résines, de solvants, ou de thermoplastiques.

Les biodéchets quant à eux, sont partiellement dépollués par le procédé Biorare. Une étape classique de méthanisation reste donc nécessaire, afin de produire un digestat.

Une application industrielle dans une dizaine d'années ?

La prochaine étape sera d'installer un pilote expérimental à l'échelle de la cantine du centre de l'Irstea à Antony (Hauts-de-Seine), qui produit environ 100 litres de déchets organiques par jour. Après ce pilote d'une durée de trois à cinq ans, cinq autres années de démonstration industrielle seront nécessaires pour enfin arriver au stade final de maturité technologique.

Néanmoins, le financement du programme Investissements d'avenir d'une valeur de 2,2 millions d'euros touche bientôt à sa fin. Pour la dizaine d'années de recherche et d'expérimentation restantes, l'objectif à court terme est ''de mobiliser temporairement des ressources internes à l'Irstea, le temps de voir aboutir une étude d'évaluation de la technologie lancée auprès d'une société d'accélération du transfert de technologies (Satt) qui pourrait ensuite investir en direct'', selon Théodore Bouchez. Il ajoute que ''l'achat de pilotes expérimentaux pourra également être soutenu par la délégation régionale à la recherche et à la technologie (DRRT) d'Ile de France, dans le cadre du programme CPER-Biovaldec'', dont l'Irstea est titulaire.

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