
Ce composé chimique utilisé notamment dans les plastiques alimentaires (polycarbonate et polyépoxy) est soupçonné d'être un perturbateur endocrinien, pouvant entraîner des troubles hormonaux et favoriser le développement de maladies cardio-vasculaires et de cancers du sein ou de la prostate. Outre les biberons en polycarbonate, le Bisphenol A est également présent dans les canettes, boîtes de conserve, bouteilles réutilisables, ciments dentaires, ou les appareils ménagers comme les bouilloires.
Suite à la parution courant 2009 de nouveaux articles scientifiques démontrant les effets sur la santé du BPA, l'Afssa s'est autosaisie en octobre dernier sur ce sujet, à la demande de la secrétaire d'Etat à l'écologie et du Réseau Environnement Santé (RES).
Des risques après une exposition in utero et postnatale
Dans son nouvel avis d'expertise, l'Afssa a examiné les résultats d'une cinquantaine d'articles et rapports publiés ces deux dernières années. Elle relève les ''effets subtils'' du BPA sur de jeunes rats, ''observés en particulier sur le comportement après une exposition in utero et pendant les premiers mois de vie'' des mammifères. Des effets chez l'animal qui interviennent à des doses d'exposition inférieures à la dose journalière tolérable (DJT) fixée à 50 µg/kg/j par l'EFSA.
Des ''effets subtils'' qui incitent l'agence à poursuivre son travail d'expertise pour comprendre ces ''signaux d'alertes'' chez les rats. Mais l'Afssa reste prudente sur les risques sur la santé humaine mis en évidence dans les études récentes : elle conclut que la méthodologie de ces études ne permet pas ''d'interprétation formelle des données qui remettrait en cause les précédentes évaluations du risque sanitaire''. ''Les conséquences pour la santé humaine de ces signaux d'alerte ne sont pas clairement établies'' dans les études récentes, selon l'Agence.
Elle rappelle également que les études de toxicité menées selon les normes internationales ''n'ont jusqu'à ce jour pas objectivé de risque pour la santé aux doses auxquelles le consommateur est exposé. Quel que soit le mode d'alimentation, l'exposition des nourrissons est très inférieure à la DJT fondée sur ces études''.
Définition d'une méthodologie adaptée aux perturbateurs endocriniens
Dans ce contexte, l'Agence estime nécessaire de ''poursuivre son travail d'expertise'' afin de ''comprendre la signification en terme de santé humaine de ces signaux d'alerte''. Elle préconise pour la première fois ''de définir rapidement une méthodologie adaptée à la détection d'une toxicité potentielle, chez l'homme et à basse dose, du BPA mais aussi des produits de substitution et plus largement des perturbateurs endocriniens''. Elle recommande d'acquérir des données françaises sur la présence de BPA dans le lait maternel, chez le nourrisson et dans les laits maternisés et d'étudier d'autres sources d'exposition que les matériaux au contact des aliments (eau, poussières).
En attendant ces nouvelles recherches scientifiques, elle rappelle surtout aux consommateurs ''d'éviter de chauffer à très forte température l'aliment (eau, lait, soupes…), s'ils utilisent des biberons ou des récipients en polycarbonate''.
Vers une interdiction du Bisphenol A ?
Rappelons que le Bisphénol A a été interdit en octobre 2008 dans les biberons au Canada et par plusieurs Etats aux USA. Après que les six principaux fabricants américains aient décidé en mars dernier de le supprimer de leur production, l'agence américaine La Food and Drug Administration (FDA) vient de revenir sur son avis de 2008 déclarant le BPA sans danger. La FDA a en effet rendu le 15 janvier, un nouvel avis dans lequel elle fait état d'une ''préoccupation'' sur ''les effets potentiels sur le cerveau et sur la prostate des bébés et des foetus'', sur la base d'études plus récentes. La FDA prévoit notamment de revoir les concentrations autorisées en BPA, d'aider au développement de substances alternatives.
En France, plusieurs communes à l'instar de Toulouse, Nantes, Besançon ou encore Paris ont déjà procédé au retrait des biberons au BPA dans toutes les crèches de la ville ''par mesure de précaution''. Ainsi depuis le début du mois de janvier, ''l'intégralité des biberons utilisés dans les crèches et haltes-garderies'' de la capitale est en cours de remplacement par des biberons en verre ou en plastique certifiés sans BPA.
Suite à la parution de l'avis de l'Afssa, l'association européenne des producteurs de matières plastiques PlasticsEurope, et le syndicat professionnel des emballages plastiques et des emballages souples Elipso, espèrent que ''les efforts (de l'agence) pour la définition d'une méthodologie adaptée aux perturbateurs endocriniens et reconnue par tous permettront de faire cesser les rumeurs et donc de répondre aux interrogations des consommateurs'', ont-ils indiqué le 5 février dans un communiqué commun.
De son côté, le porte-parole du Réseau Environnement Santé (RES) André Cicolella, a regretté que ''l'Afssa veuille bien reconnaître un problème mais n'en tire pas les conséquences''. Estimant qu'''il est urgent d'agir'', sans attendre comme le propose l'Afssa ''les résultats d'autres études à venir'', le RES a réitéré sa demande auprès de la Ministre de la Santé Roselyne Bachelot, d'interdire le BPA dans les plastiques alimentaires.
''Il y a urgence, car le problème principal est la contamination du fœtus par sa mère et cette contamination est principalement d'origine alimentaire : boîtes de conserve, canettes de boisson, films alimentaires, récipients, bouteilles d'eau et matériel électroménager en polycarbonate.....'', a de nouveau alerté le RES.
L'Autorité européenne de sécurité des aliments doit à son tour publier en mai un nouveau rapport sur le BPA.