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Bois illégal : les premiers procès pénaux s'ouvrent en France

À la suite de plaintes déposées par Greenpeace, deux sociétés françaises importatrices de bois brésilien sont jugées en France pour manquement au système de diligence raisonnée imposé par le règlement européen sur le bois.

Gouvernance  |    |  L. Radisson
Bois illégal : les premiers procès pénaux s'ouvrent en France

Selon Interpol, le commerce international de bois abattu illégalement représenterait entre 15 et 30 % du commerce de bois mondial. Mais ces activités illicites sont très difficiles à combattre car elles font appel à des techniques diverses qui rendent la traçabilité hasardeuse. Dans son dernier rapport sur l'état de la menace liée à la criminalité environnementale, l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp) cite notamment la falsification de permis d'exploitation, le piratage de sites internet gouvernementaux pour obtenir des permis de transport ou encore le mélange de bois illégal et de bois légal durant le transport.

Les deux audiences pénales qui se tiennent les 7 et 19 juin prochains, à Châteauroux (Indre) et à Rennes (Ille-et-Vilaine), et qui mettent en cause deux sociétés françaises importatrices de bois tropicaux, sont donc à marquer d'une croix blanche. Ces deux procès sont organisés à la suite des plaintes déposées en 2019 par Greenpeace France, rejointe par Canopée et France Nature Environnement (FNE) qui se sont constituées parties civiles. Elles ont été rendues possibles grâce à un travail d'enquête de Greenpeace Brésil sur l'exploitation illégale de bois dans l'état du Para. Les deux plaintes, dirigées contre les Établissements P. Robert et Cie et la société ISB France, ont donné lieu à des enquêtes préliminaires menées par les services de police de Rennes et la gendarmerie de La Châtre (Indre), avec l'assistance de l'Oclaesp et de l'Office français de la biodiversité (OFB).

Manquement au système de diligence raisonnée

Les deux entreprises sont jugées pour « délit de manquement au système de diligence raisonnée », explique Greenpeace. Le fondement en est la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014. Ce texte punit de deux ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende au maximum le fait de mettre du bois sur le marché sans avoir adopté un système de diligence raisonnée au sens du règlement du 20 octobre 2010 sur le bois de l'Union européenne (RBUE). Lorsque ce délit est commis en bande organisée, la peine peut atteindre sept ans d'emprisonnement et 500 000 euros d'amende.

Le RBUE, qui est applicable depuis le 3 mars 2013, « vise à écarter du marché communautaire le bois et les produits dérivés issus d'une récolte illégale », rappelle le ministère de l'Agriculture. Il fixe une obligation de résultat : la mise sur le marché de bois illégal est interdite. Et une obligation de moyens pour les opérateurs qui mettent la première fois le bois sur le marché : « Ils doivent prendre toutes les précautions possibles pour éviter de commercialiser du bois issu d'une récolte illégale ou un produit dérivé de ce bois grâce à l'utilisation d'un système de diligence raisonnée. » Ces opérateurs, explique le ministère sur son site, peuvent « être contrôlés, a posteriori, et devront être en capacité de présenter leurs procédures de diligence raisonnée, sous peine de sanctions pénales et administratives ».

“ Sur les 14 000 entreprises importatrices, seules 228 ont été contrôlées en sept ans ” FNE
Selon Greenpeace, l'application du RBUE par la France est lacunaire : le ministère de l'Agriculture n'aurait commencé ses contrôles qu'en 2016 et ceux-ci seraient défaillants sur plusieurs points : qualité très insuffisante, absence de mise en demeure et de sanctions administratives, rétention d'information sur les contrôles, etc. « Sur les 14 000 entreprises importatrices, seules 228 ont été contrôlées en sept ans, soit 1,6 % des opérateurs », avance France Nature Environnement. Concernant la communication des résultats de contrôle, Greenpeace a obtenu de la justice administrative la communication d'un rapport portant sur une société importatrice située en Nouvelle-Aquitaine. La requête avait été déposée après un nouveau refus opposé par le ministère malgré un avis favorable de la Commission d'accès aux documents administratifs (1) (Cada).

« Malgré ce précédent, le ministère de l'Agriculture refuse de nous communiquer les informations sur les contrôles », s'indigne l'ONG qui, avec FNE, a de nouveau saisi la justice administrative à ce sujet. Contacté par Actu-Environnement, le ministère de l'Agriculture a refusé de commenter cette mise en cause.

« Défaillance des audits »

Alors que les contrôles effectués par les services de l'Agriculture concluent à la conformité des importateurs français au RBUE, Greenpeace indique avoir constaté de nombreux chargements de bois illégaux en provenance principalement de la République démocratique du Congo et du Brésil. L'ONG reproche aux deux sociétés mises en cause d'avoir importé du bois depuis une zone très à risques sans avoir pris de précautions spécifiques telles que des recherches préalables sur certains fournisseurs, des vérifications de terrain ou la prise en compte des informations publiques sur le risque de fraude dans cette région.

« Nous appliquons de manière pointue le RBUE et nous n'avons pas importé de bois illégal », se défend Bertrand Robert, président des Ets Pierre Robert et Cie, auprès d'Actu-Environnement. Le dirigeant de cette entreprise familiale d'une quarantaine de salariés, qui annonce un chiffre d'affaires de 15 millions d'euros (M€), met en avant les audits effectués tous les deux ans par l'Institut technologique FCBA, un contrôle réalisé en 2017 par la direction régionale de l'agriculture et de la forêt (Draaf) qui n'avait fait ressortir aucune non-conformité, et le blanc-seing du ministère de l'Agriculture lui-même sur le lot de produits transformés à l'origine de la plainte.

Des arguments qui ne tiennent pas, selon Greenpeace, qui, outre les lacunes des contrôles administratifs, pointe les défaillances des audits réalisés par les organismes privés. L'association professionnelle Le Commerce du bois, agréée par la Commission européenne et qui réalise de tels audits, a longtemps été présidé par le directeur de la société ISB France, dénonce l'association. « Ces évaluations financées par les entreprises portent sur leur méthode générale d'évaluation des risques et ne portent que sur des échantillons de contrats (quelques exemples d'importations appréciées). Leur avis n'a évidemment aucune incidence sur la légalité ou pas du bois importé », ajoute Greenpeace.

De son côté, le groupe ISB, qui affiche une chiffre d'affaires de 289 M€ et emploie 400 collaborateurs, indique ne pas vouloir commenter une enquête en cours.

Élargissement de l'obligation de diligence raisonnée

« Ces dossiers sont importants car ils s'inscrivent dans un contexte juridique français et européen où la question de la gestion des risques par les entreprises offre à la justice une possibilité d'apprécier les comportements fautifs ou délictuels des entreprises », explique Greenpeace, qui rappelle la loi française sur le devoir de vigilance. « Ces procès (…) pourraient permettre d'envoyer un signal dans le secteur professionnel du commerce du bois en rappelant l'obligation d'appliquer le RBUE et, qu'à défaut, des sanctions judiciaires peuvent être prononcées », ajoute l'ONG.

Les décisions des juges seront d'autant plus scrutées que le RBUE va être absorbé par le règlement européen sur la déforestation importée qui a reçu le feu vert du Conseil européen, le 16 mai dernier. Or, celui-ci élargit l'obligation de « diligence raisonnée » à un large spectre de produits : huile de palme, bétail, cacao, caoutchouc, papier imprimé, café, soja.

1. Consulter la chronique La démocratie environnementale mise à mal par l'opacité de l'Administration
https://www.actu-environnement.com/blogs/laura-monnier-clara-gonzales/386/droit-acces-documents-administratifs-tribune-laura-monnier-clara-gonzales-greenpeace-france-598.html

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