"Nous cherchions une solution pour évacuer nos boues de station d'épuration, indique Daniel Maire, vice-président chargé de la gestion et prévention de déchets et de l'assainissement d'Epernay Agglo Champagne (Marne). Dans le cadre de la mise aux normes de notre station d'épuration, nous nous sommes penchés sur la filière d'oxydation par voie humide (OVH)".
Ce procédé passe par une oxydation des matières organiques : les boues sont chauffées à haute température sous pression en présence d'oxygène pur. Au final, il en ressort des boues liquides qui peuvent être envoyées en tête de station pour être recyclées, des gaz résiduaires et un produit valorisable, le Technosable.
En juin dernier, la Communauté d'agglomération a pu utiliser ce dernier comme remblai dans le cadre du renouvellement de ses réseaux d'eau et d'assainissement sur l'une de ses avenues. Si ce procédé permet désormais à la station d'épuration d'éviter la production d'environ 4.600 tonnes brutes de boues par an, la mise en oeuvre de la valorisation des 800 tonnes par an de technosable a été longue. "Nous avons mis presque 10 ans pour obtenir les autorisations, l'Etat était frileux par rapport à cette utilisation, explique Daniel Maire. Différents tests ont été réalisés. Nous avons également réalisé un prototype sur une première rue d'Epernay pour contrôler les risques de lixiviation".
Le principe de l'OVH peut concentrer les métaux lourds. Un seuil a donc été déterminé pour éviter la pollution des sols. Le Technosable est mélangé avec de la chaux et des matériaux de construction routière : il n'est présent qu'à hauteur de 35 % maximum. A l'issue de différents tests, l'Etat a finalement autorisé le 11 décembre 2015 l'utilisation des technosables en remblais par arrêté préfectoral.
Des prescriptions à respecter pour un usage en remblai
Un certain nombre de prescriptions ont été fixées pour sa mise en oeuvre. Son usage est notamment interdit dans les zones inondables ou dans les périmètres de protection des captages d'eau potable. Des restrictions sont imposées à proximité des eaux superficielles.
"Par principe de précaution, nous devons également utiliser du polyéthylène extrudé tri-couche pour les conduites d'eau pour éviter tout risque de perméation vers le réseau d'eau", ajoute Halim Krebbaza, responsable études et travaux à la direction eau et assainissement de la communauté d'agglomération d'Epernay.
Les opérateurs du chantier doivent également prendre en compte l'augmentation du pH lié au mélange du Technosable avec de la chaux. "Certaines canalisations et notamment la fonte tolèrent une plage de pose jusqu'à un pH 9, rappelle Halim Krebbaza. Avec le mélange technosable, chaux et grave non traitée, nous pouvons atteindre cette limite, nous enrobons donc le tuyau avec de la grave non traitée et ensuite le remblaiement supérieur peut se faire avec le mélange technosable".
Autre contrainte : le maintien d'une teneur en eau du technosable stable. "Nous sommes à la limite de l'argile, comme c'est un sable très fin, les variations avec l'eau sont importantes : nous le bâchons systématiquement avant traitement pour éviter qu'il n'y ait trop d'eau, explique Halim Krebbaza. Pour la pose de nos réseaux, nous devons respecter un type de compacité, Q3 ou Q4 sur les remblais de tranchée".
La Communauté d'agglomération résorbe désormais le stock de technosable accumulé jusqu'à l'autorisation. L'ensemble de la production sera ensuite destinée aux travaux des 47 communes de l'agglomération. "Nous avons fait des essais concluant pour une utilisation pour la fabrication de céramique. Le problème, c'est que nous n'avons pas une quantité suffisante, pour une production de masse", souligne Daniel Maire.
L'investissement pour mettre en oeuvre une filière d'oxydation par voie humide n'est pas négligeable. Selon la Communauté d'agglomération, le surcoût du traitement OVH, par rapport à une filière classique, a été estimé à 3 millions d'euros en 2003, date de construction de la nouvelle station d'épuration.
L'observatoire de l'eau de l'agence de l'eau Méditerranée Corse estimait quant à elle en 2010, l'investissement nécessaire à entre 800 K€ et 1 million € / tonne de matière sèche pour le traitement de boues de stations d'épuration urbaines.