Lundi 22 octobre 2012, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est revenue sur le motif justifiant son rejet du dossier de demande d'autorisation présenté par EDF pour le démantèlement complet de la centrale nucléaire de Brennilis (Finistère). Le stockage des déchets radioactifs de la centrale mise en service en 1965 et arrêtée en 1985 constitue le point noir du dossier. Actuellement, EDF dispose d'une autorisation de démantèlement partiel concernant notamment les échangeurs de chaleur et les structures de la station de traitement des effluents.
Dossier incomplet
L'ASN, sollicitée par le Gouvernement pour se prononcer sur la recevabilité du dossier avant qu'il ne soit soumis à enquête publique, juge que "ce nouveau dossier ne permet pas d'appréhender tous les enjeux liés au projet de démantèlement : la construction de l'Installation de conditionnement et d'entreposage des déchets activés (Iceda), bien que largement engagée à Bugey dans l'Ain, est en effet désormais à l'arrêt".
Certes, "EDF a justifié la stratégie de démantèlement retenue", considère l'ASN, néanmoins elle "recommande au Gouvernement que ce dossier soit complété avant d'être à nouveau soumis à une enquête publique, afin qu'il prenne pleinement en compte l'avis de la commission d'enquête publique du 15 mars 2010".
Au chapitre déchets radioactifs, l'avis de la commission d'enquête pointe tout particulièrement que "la quasi-totalité des opposants au projet de démantèlement ont souligné l'absence de lieu d'entreposage et de stockage pour les déchets de faible et moyenne activité (FMA) à vie longue". Or, "la Commission locale d'information (CLI) exclut l'entreposage sur le site", indique l'avis, ajoutant que la CLI "sollicite des précisions sur la solution qui serait envisagée si « l'installation Iceda n'était pas opérationnelle à la date indiquée »". Sans grande surprise, "ceux qui souhaitent la reprise des opérations de démantèlement ne font pas état des problèmes de stockage, ni d'entreposage des déchets radioactifs", rapporte la commission d'enquête.
Pour sa part, la commission tranche et formule un avis particulièrement critique sur ce point. Rappelant que "démanteler consiste à déplacer la radioactivité sans la réduire", elle juge que "sans la certitude de mise en service opérationnelle de l'Iceda pour l'entreposage, il n'est pas envisageable d'entreprendre les opérations de démantèlement du bloc réacteur". Et de conclure : "Par conséquent, la commission d'enquête émet un avis défavorable à la production de déchets radioactifs classés FMA à vie longue et à vie courte à envoi différé et à leur entreposage sur le site".
L'entreposage des déchets au point mort
Le démantèlement du réacteur de Brennilis devrait générer quelque 40 tonnes de déchets de moyenne activité à vie longue, issus du bloc réacteur, et environ 35 tonnes de déchet de faible et moyenne activité à vie courte à envoi différé. Autant de déchets qu'EDF escompte entreposer au Bugey en attendant que l'
Or, comme le rappelle l'ASN, le projet Iceda est arrêté depuis "l'annulation de son permis de construire, confirmée par la cour administrative de Lyon le 19 juin 2012". Un horticulteur riverain de la centrale avait attaqué le permis de construire soutenant que le site du Bugey n'avait pas vocation à recevoir les déchets du démantèlement en cours de différents réacteurs français. Il s'agit là d'un changement total du projet initial, a plaidé l'avocat du plaignant qui a trouvé une faille dans le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Saint-Vulbas (où est implanté le site) pour obtenir l'annulation du permis de construire. Le tribunal administratif de Lyon l'a suivi et a jugé le permis de construire non conforme au PLU qui interdit les occupations du sol "non liées" et "nécessaires" au fonctionnement de la centrale.
Un simple contretemps ?
Contacté par Actu-environnement, EDF indique que la demande de complément d'information de l'ASN procède des discussions habituelles entre l'entreprise et l'autorité de régulation lors de l'instruction de tels dossiers. Un porte-parole indique qu'EDF attend de recevoir la demande d'information complémentaire, précisant qu'"EDF ne sait pas quelles pièces complémentaires devront être produites".
Quant au retard pris dans la construction de l'Iceda, ce même porte-parole explique que la commune a entrepris une modification du PLU afin de le rendre compatible avec la présence du site d'entreposage. Une fois le PLU modifié, l'entreprise entend déposer une nouvelle demande de permis de construire pour l'Iceda. Le PLU devrait être modifié d'ici la fin de l'année, espère EDF qui compte obtenir le nouveau permis courant 2013 pour que l'Iceda soit opérationnelle en 2015. Il ne s'agirait donc que d'un contretemps qui ferait perdre environ un an à l'entreprise.
Pour l'instant, tout au moins, car, comme le rappelle le porte-parole d'EDF ce calendrier tient "sans compter d'éventuels recours". Là est le problème, puisqu'en juillet, l'exécutif du canton de Genève a déposé un recours auprès du Conseil d'Etat français contre l'Iceda situé à 70 km de Genève. Si peu de détails sur les motifs du recours ont filtré, la Tribune de Genève révélait néanmoins que l'argument principal fait état d'un danger potentiel pour Genève et que le canton a particulièrement ciblé des failles administratives dans le dossier.