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Actu-Environnement

“Une 2e période d'engagement dans le protocole de Kyoto ne devrait pas effrayer l'Europe”

À quatre mois du Sommet de Cancún, Brice Lalonde, l'Ambassadeur français chargé des négociations internationales sur le changement climatique, revient pour Actu environnement sur les enjeux des principaux thèmes de négociation sur le climat.

Interview  |  Gouvernance  |    |  P. Collet
   
“Une 2e période d'engagement dans le protocole de Kyoto ne devrait pas effrayer l'Europe”
Brice Lalonde
Ambassadeur chargé des négociations internationales sur le climat
   
Actu environnement : Huit mois après Copenhague, quel regard portez-vous sur la conférence ?
Brice Lalonde :
Ce fut un moment extrêmement important de la géopolitique mondiale qui a été sous-estimé car on n'y a vu que l'échec relatif de la négociation sur le climat. En réalité, pour la première fois l'Europe et l'Amérique n'étaient plus seules en charge du gardiennage de la planète. On a vu arriver la Chine, l'Inde, l'Afrique du Sud, le Brésil et de nombreux autres pays qui passent du rôle de contestataire à celui de cogérants de la planète. On s'est heurté à l'écologie, au problème des ressources mondiales et de leur rareté. Cela soulève des questions que l'on ne sait pas traiter : Comment gérer l'espace carbone ? Faut-il des quotas, un marché, des interdictions ? Enfin, on a buté sur l'absence de gouvernance mondiale organisée. Le système de l'ONU a montré ses forces et ses faiblesses. Côté force, on peut noter que jamais autant de chefs d'États ne s'étaient investis pour le climat. Côté faiblesse, le système de l'unanimité s'est grippé. On se retrouve donc face à de grandes difficultés qui se traduisent par une stagnation des négociations.

AE : Comment jugez-vous l'Accord de Copenhague ?
BL :
C'est un accord partiel qui comporte deux éléments majeurs. Il y a tout d'abord ce que l'on nomme MRV, pour la mesurabilité, le reporting et la vérification des engagements des grands émetteurs. Les États-Unis ont insisté sur cette notion de transparence et ils se sont mis d'accord avec les pays émergents autour d'une proposition indienne. Ensuite il y a la promesse d'un transfert de 100 milliards de dollars vers les pays les plus vulnérables à partir de 2020. La France et la Grande Bretagne ont porté cette disposition. S'agissant de la substance, c'est-à-dire les réductions d'émissions de CO2, il n'y a qu'un bouquet d'engagements volontaires. Copenhague a donc été un moment plus important pour la géopolitique que pour la réussite des négociations climatiques.

AE : Certains pays, l'Inde en particulier, jugent que l'Accord n'est pas équitable. Qu'en pensez-vous ?
BL :
La notion d'équité est inscrite dans l'Accord si l'on considère l'engagement des pays développés en matière de financement. Plus généralement, la notion d'équité est centrale et elle renvoie à des choix de société. Doit-on tous vivre comme aux États-Unis ? C'est une des questions posées. Chacun a sa conception de l'équité. Lorsque la France présidait l'Union européenne, nous militions pour une vision à long terme basée sur la contraction et la convergence des émissions à 2 tonnes par habitant, ce qui implique une forte réduction des émissions des pays développés. L'équité c'est aussi le plan justice-climat de Borloo tourné vers l'Afrique, les petites iles et les pays les moins avancés. S'agissant de la responsabilité historique telle que présentée par la Chine et l'Inde, nous en acceptons le principe moral qui nous impose d'agir les premiers, mais nous récusons l'idée d'un chiffrage qui serait impossible à réaliser.

AE : Qu'attendez-vous pour la conférence de Cancún ?
BL :
Nous voudrions que l'Accord de Copenhague soit confirmé et qu'il y ait quelques décisions pratiques sur les finances, la coopération technique et la forêt.

AE : Avez-vous bon espoir de voir enfin aboutir les négociations sur les forêts ?
BL :
C'est difficile d'aboutir à un accord séparé sur une partie des négociations quand la plupart des Etats exigent un traité global. En revanche, un partenariat initié par la France et la Norvège permet d'expérimenter le mécanisme de soutien à la préservation des forêts tropicales. Actuellement, les négociations sont appuyées par deux approches complémentaires. D'une part les chefs d'États s'impliquent, avec par exemple le Groupe consultatif de l'ONU sur le financement des changements climatiques. D'autre part des programmes concrets qui épousent le cadre des négociations démarrent sur le terrain avec des financements précoces volontaires. La démarche franco-norvégienne est l'un de ces partenariats qui vise à démontrer ce qu'il est possible de faire. La France propose avec le Kenya une démarche analogue pour l'accès aux énergies renouvelables dans les pays le plus pauvres.

AE : Que vous inspire la négociation sur les sources de financement ?
BL :
Il est vraisemblable qu'il faille inventer de nouveaux mécanismes et que les sources nouvelles proviennent en partie d'une fiscalité internationale. Nicolas Sarkozy a proposé une taxe sur les transactions financières qui aurait aussi l'intérêt de ralentir les mouvements financiers déstabilisateurs. La question de l'affectation reste posée car il y a bien sûr le climat, mais aussi la santé, les Objectifs du millénaire et beaucoup d'autres besoins. Il faut aussi trouver des incitations pour favoriser les investissements privés. Les négociateurs climat ne peuvent discuter que d'une partie de la question, comme la taxation des carburants du transport maritime.

AE : Envisagez-vous une deuxième période d'engagement pour le protocole de Kyoto ?
BL :
L'Europe est engagée unilatéralement jusqu'en 2020 par sa législation du Paquet énergie climat et une deuxième période d'engagement dans le protocole de Kyoto ne devrait pas nous effrayer. Ce fut surement une erreur de communication de la part de l'Europe d'avoir laissé entendre que le protocole était obsolète. Nous aimerions surtout que l'intégrité écologique soit garantie, en particulier au sujet des puits de carbone et des quotas excédentaires. Cependant le Japon, l'Australie, le Canada et certains autres pays ne veulent pas s'engager sans un effort analogue des pays émergents.

AE : L'adoption rapide d'une législation sur le climat aux États-Unis semble peu probable. Cela influence-t-il les négociations ?
BL :
Cela a un impact très important car si le premier émetteur par habitant ne fait rien cela donne un argument facile aux autres pays, notamment la Chine. C'est aussi fâcheux pour la mise en œuvre d'un marché carbone global. Au fond, c'est aussi le risque pour les États-Unis de voir l'ensemble des pays se tourner vers la Chine ou le Brésil qui rêvent de devenir les leaders de l'économie bas carbone.

AE : Justement la Chine rencontre des difficultés à atteindre son objectif de réduction de l'intensité carbone de son économie.
BL :
Cela prouve que ce n'est pas si simple, mais a conduit à l'annonce de la fermeture de plus de 2000 sites gaspilleurs d'énergie. Par ailleurs, la Chine semble réfléchir à la création d'un marché carbone, même si elle a une position assez fermée dans les négociations. Elle a peur que ces actions puissent être utilisées contre elle. Elle fait donc tout de façon volontaire et refuse les contraintes extérieures. Par ailleurs, il est possible que des accords sectoriels sur la production d'acier, de ciment, d'aluminium ou la chimie, reviennent comme une solution pragmatique.

Réactions7 réactions à cet article

L'Etalon Changement Climatique

Merci à Monsieur l'Ambassadeur d'avoir bien voulu nous dresser un panorama complet de la question.
Le Monde en général est d'accord pour mettre en oeuvre une politique de développement durable. Il est très difficile d'être contre. Toutes les activités qui s'inscrivent dans cette perspective connaissent une croissance soutenue. C'est le sens de l'histoire.
L'Europe dispose d'une forte avance dans le domaine du Contrôle du Changement Climatique. Sa législation a vocation à devenir une législation étalon pour le Monde.
Elle s'est proposée d'apporter son aide aux pays tiers. C'est sur le transfert de son savoir-légiférer qu'elle doit porter tous ces efforts. Pour ce faire, l'Institut Européen de Transposition a développé des outils modernes dont l'efficacité a déjà été démontrée.

Alain Souloumiac | 02 septembre 2010 à 09h49 Signaler un contenu inapproprié
Contribution Climat Universelle

Merci pour ce résumé clair de l'état des négociations. Il nous semble qu'une Contribution Climat Universelle (pas facile à mettre en oeuvre) devrait etre étudiée de pres car elle apporte beaucoup de solutions:
*en mettant un prix sur le carbone, elle incite à réduire l'utilisation des carburants fossiles
*en redistribuant équitablement ces recettes, elle récompense ceux qui consomment peu de carbone (les pauvres) et font porter l'effort financier sur ceux qui consomment beaucoup (les riches).
OK, les principes sont faciles, la mise en pratique beaucoup plus délicate; mais on ne peut pas négocier avec les lois de la physique, il faut réduire nos émissions de gaz à effet de serre, donc négocions entre les pays, c'est notre seule voie. (et nous pays riches, commençons sans attendre à mettre ce prix sur le carbone, c'est à nous de reduire en premier )

JeandeBegles | 02 septembre 2010 à 12h23 Signaler un contenu inapproprié
Re:L'Etalon Changement Climatique

L'Europe n'est "en avance" sur ce sujet que parce qu'elle a entamé très tôt la destruction de son industrie, en un suicide industriel qu'elle va parachever en 2013-2014, soit un siècle après son suicide politique commencé en 1914.
Il faut ouvrir les yeux et considérer que ce qui n'est plus produit en UE l'est ailleurs, à des coûts économiques et environnementaux bien supérieurs sans parler du dumping social (regardez les "reclassements" proposés aux licenciés des secteurs industriels).
Malgré les communications triomphantes de Borloo ou autres fonctionnaires de la CE, l'Europe n'exerce aucun contrôle sur la croissance des émissions de son habitat, de ses transports, qui sont les seuls responsables de la croissance des émissions de GES à ce jour. Elle se contente, solution de facilité, de cibler les installations fixes sans vouloir se rendre compte du drame de sa désindustrialisation.
Bien à vous

Albatros triste | 09 septembre 2010 à 17h28 Signaler un contenu inapproprié
Re:Re:L'Etalon Changement Climatique

La remarque d’Albatros s’inscrit dans une vision longue de l’histoire. Si la faute de 1914 a été suivie de grands malheurs, l’Europe y a survécu. Conscient des erreurs qu’ils avaient commises, les gouvernement du continent ont décidé de construire une Europe Unie. Si de sérieuses menaces pèsent sur elle, l’Europe elle n’est pas morte. Tout au contraire, elle est devenue le grand artisan des régulations mondiales. C’est pour lutter contre ces menaces et diffuser ses régulations auprès des pays tiers que le Président de la République a nommé M. Brice Lalonde Ambassadeur du Changement Climatique.

L’Europe et les autres espaces économiques avancées du monde ont délocalisé leurs industries. Il ne s’agit pas d’une faute mais d’une décision économique liée au développement de la société d’information. 77% de la population active française est aujourd’hui employée dans le tertiaire. On approche du plancher industriel. C’est de la modernisation du tertiaire dont l’Europe se préoccupe aujourd’hui.

Les espaces délocalisant ont exporté leurs pollutions avec leurs industries. Les espaces émergents sont devenus d’autant plus polluants qu’une part de leurs populations est entrée dans la société de consommation. Avec le développement global, plus l’essor démographique qui l’accompagne, la pollution du monde a enregistré une croissance alarmante.

La planète et la vie sont en question. De nouvelles politiques sont nécessaires pour instaurer un développement régulé. Elles sont en cours d’implémentation. L’Europe occupe dans ce domaine une place prépondérante.

Le sommet de Kyoto, de Copenhague et ceux qui vont suivre s’inscrivent dans cette perspective. La remarque d’Albatros souligne la responsabilité de l’Europe dans cette affaire et l'importance vitale de la mise en oeuvre d’une politique du Contrôle Global du Changement Climatique. Cette politique demande des investissements, de la persévérance et de l’imagination.

Existe t’il une alternative ?

Alain Souloumiac | 10 septembre 2010 à 10h19 Signaler un contenu inapproprié
Re:Re:Re:L'Etalon Changement Climatique

La vision longue est nécessaire car le climat lui-même résulte d'interactions longues et surtout pas de calculs à la petite semaine pour la gloriole des grenelliens ou des Cassandres, touristes professionnels à la Hulot et consorts.
L'humanité a besoin d'énergie et a surtout besoin de sagesse dans ses usages et d'innovations pour la satisfaction des besoins de tous.
L'Europe se suicide, je le confirme pour le voir tous les jours, avec ses fonctionnaires bornés, ses politiques court-termistes, ses consommateurs écervelés. Je ne vois pas de quelles régulations mondiales est serait l'artisan, suiviste qu'elle est derrière les USA, incapable de construire une fédération (ne serait-ce que par la cohérence de ses politiques énergétiques, de défense, de commerce...). On fait un accord avec le Mercosur parce que la présidence est espagnole, un paquet climat énergie (inapplicable) parce que la France dispose du nucléaire, on a un président fantoche et une représentation anglaise issus du plus nul des compromis avec l'UK, Lalonde ambassadeur couronne assez bien l'édifice, homme de convictions (changeantes), etc. L'Europe est ridicule et croyez bien que je le regrette.
Merci de me donner un peu d'espoir, mais...

Albatros | 11 septembre 2010 à 23h11 Signaler un contenu inapproprié
Re:Re:Re:Re:L'Etalon Changement Climatique

La vision longue est nécessaire particulièrement en matière de changement climatique. Le droit qui traite des structures et des institutions est particulièrement adaptées à ces matières.
Qui n'a pas changé de point de vue ? Brice Lalonde sert une grande cause. Ce ne sont pas ses vues qu'il doit imposer mais l'art du possible avec une certaine hauteur. De Gaulle était "Algérie française". Lorsqu'il a prononcé le fameux "je vous ai compris", c'est tout simplement qu'il ne savait pas ce qu'il allait faire. Puis il a pris les décisions que l'on sait.
Aujourd'hui, l'Europe doit composer avec le monde. Elle ne peut imposer ses vues. Elle peut seulement faire la synthèse du possible. 70% de sa production est tertaire. Elle administre.
Dans ce cadre, elle débat de l'avenir avec la richesse qui est la sienne. Cela donne parfois une impression de désordre. Mais ce qui en sort dans le long terme est assez remarquable.
N'oublions pas que la guerre menace et que la paix se construit chaque jour.

Alain Souloumiac | 13 septembre 2010 à 15h02 Signaler un contenu inapproprié
etalon or ! le climat et les hommes.

les institutions mondiales internationales et nationales essaient à présent de nettoyer tous les déchêts qu'ils ont fabriqués sur la planète; il y a un grand coup de balai à donner !!! le ballet doit être joué par les acteurs du monde planète terre, en supprimant catégoriquement les enjeux financiers et les remplacer par des monnaies mérites, banque du temps et autres ,tel qu'au moyen âge, monnaie virtuel , propre et appropriée au 21 ème siècle d'aujourd'hui, il y a encore aussi la monnaie du sel dans bien des civilisations contemporaines, nous avons le choix, fusse celui-ci judicieux et intelligent pour les générations futures qui n'auront plus forçément le temps de réagir comme nous maintenant aux quatre coins de la planète !!!

lisa | 16 septembre 2010 à 03h07 Signaler un contenu inapproprié

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