À l'occasion d'une table ronde sur l'acoustique des éoliennes, organisée par le Bureau franco-allemand de coordination des énergies renouvelables, deux spécialistes du sujet ont présenté différentes pistes pour concilier l'implantation d'éoliennes et la réduction des nuisances sonores.
"Soyons honnêtes nous n'avons pas toujours été bons", concède Denis Grelier, directeur technique chez Vestas, qui reconnaît qu'à proximité des parcs éoliens "il y a du bruit" précisant cependant que ce bruit "reste faible." Un point de vue partagé par Roger Drobietz, responsable de la recherche en acoustique pour GE Wind Energy, qui fait part de son expérience personnelle : "je viens de l'aviation et franchement le bruit des éoliennes n'est pas comparable."
Reste qu'indépendamment de la réalité des nuisances, il est essentiel de tenir compte du vécu des riverains afin d'améliorer l'acceptabilité de parcs.
En l'état des connaissances, les impacts des infrasons sur la santé seraient anecdotiques. Malgré tout, Denis Grelier reconnaît que "le sujet monte fort parmi les préoccupations des riverains."
Reste que pour le représentant de GE Wind Energy, les infrasons générés par les éoliennes sont bien inférieurs aux infrasons urbains ou côtiers. "Je ne dis pas que ce n'est pas un problème, mais plutôt qu'il faut approfondir les études" conclue Rogier Drobietz.
Le bruit des éoliennes se décompose en deux catégories : les bruits mécaniques et aérodynamiques. S'agissant des bruits mécaniques, ils sont causés par l'ensemble des équipements embarqués dans la nacelle. Il s'agit d'un bruit globalement stable qui peut être atténué en améliorant les composants, en les confinant et en les isolant. Quant aux bruits aérodynamiques, il est lié à la rotation des pâles. Il est généré par l'interaction de la pointe et des bords d'attaque et de fuite des pâles avec les turbulences de l'air. Ces bruits croissent avec la vitesse de rotation des pâles.
Selon Roger Drobietz, il existe aujourd'hui "une contradiction" entre la volonté des législateurs européens de limiter les nuisances sonores et les travaux des constructeurs d'éoliennes visant à proposer des machines de plus en plus imposantes avec des vitesses de rotation des pâles croissantes pour produire plus d'électricité. Quant au cumul des éoliennes associé à la construction de parcs géants, Denis Grelier estime que "l'impact ne sera pas très différent de celui d'un petit parc" car les nuisances sonores suivent une échelle logarithmique.
Limiter l'émergence
Face à ces nuisances, la France a choisi une voie réglementaire originale. Plutôt que de limiter la nuisance sonore à un niveau fixe exprimé en décibels (dB), la question est traitée par la notion d'"émergence" de la nuisance. Il s'agit de considérer l'écart entre le bruit ambiant et le bruit d'un parc éolien, afin que la nuisance sonore d'un parc éolien ne dépasse pas le bruit ambiant de plus 5 dB en journée et de plus de 3 dB de nuit.
Avec une telle règle, "le mécanisme français est précurseur" estime Roger Drobietz qui juge que "la législation française fera des émules dans d'autre pays."
Concrètement, le bruit ambiant varie en fonction de la végétation alentour et de la météo, rendant chaque situation unique. Ainsi, plus le vent est fort et plus le bruit ambiant augmente, notamment du fait du bruissement de la végétation. Finalement, c'est lorsque le vent est faible qu'il est le plus difficile de limiter l'émergence liée au parc, car si le bruit des pâles est faible, le bruit ambiant ne masque pas les bruits mécaniques relativement stables des équipements de la nacelle.
Les avancées technologiques
Les réponses apportées par les industriels visent tout d'abord à améliorer les performances sonores des éoliennes. En matière de bruits mécaniques, la principale méthode de réduction des nuisances est l'application des "solutions classiques", explique Roger Drobietz. Il s'agit du recours à la ventilation naturelle, afin de limiter l'usage des ventilateurs, de la réduction des vibrations des pièces mécaniques, de l'amélioration des équipements et du confinement des équipements de la nacelle.
S'agissant des bruits aérodynamiques, réduire la vitesse des pâles, affiner leur profil et modifier les bords d'attaque et de fuite, permet de limiter les nuisances. De même, l'optimisation de la conception des pointes des pâles permet de réduire jusqu'à 5 dB le bruit sur certains prototypes, selon des tests effectués par GE Wind Energy. Finalement, les progrès en aérodynamique, conjugués à l'accroissement de la taille des pâles, permettent de produire des éoliennes plus puissantes sans augmenter les nuisances sonores, selon Roger Drobietz et Denis Grelier.
Limiter le fonctionnement des éoliennes
Reste que dans certaines circonstances, le bridage des machines reste la seule solution pour respecter la législation. Il s'agit en particulier de brider la vitesse de rotation des pâles, en pilotant leur inclinaison, à un niveau qui limite l'émergence des nuisances. Une solution qui peut aller jusqu'à l'arrêt complet des machines en cas extrême. Pour Denis Grelier, cette option est "une solution adaptée au marché français, en particulier à faible puissance de vent."
Concrètement, le bridage est piloté selon la vitesse du vent, sa direction et les critères horaires définis par la législation afin de limiter le bruit lorsque le vent souffle en direction des habitations. En premier lieu il s'agit de réaliser un zonage des habitations et de paramétrer des scénarios types en fonction de la vitesse et de la direction du vent.
Si le bridage est simple à réaliser, il coûte cher car sa mise en œuvre implique une réduction de la production électrique. "Il s'agit donc d'appliquer la bonne technique au bon endroit", estime Denis Grelier qui juge qu'actuellemeent aucune technologie ne peut répondre à toutes les situations.