Or le bruit, ou plus précisément l'excès de bruit, constitue un préjudice à la qualité de vie et à la santé des personnes. Il est avéré que celui-ci a non seulement des effets sur les organes de l'audition, mais aussi sur l'organisme en général, et notamment avec des troubles du sommeil ou du comportement*. L'établissement d'un lien entre exposition et symptômes reste cependant difficile à quantifier de façon précise en raison des difficultés rencontrées pour décrire l'exposition au bruit. Enfin, de nombreux facteurs de confusion interviennent dans la relation qui relie l'exposition au bruit à ses effets sanitaires.
C'est dans ce cadre que le 26 septembre dernier, la région Ile-de-France a rendu publique une étude s'intéressant au bruit urbain et à la santé. Son objectif : détecter l'existence de liens statistiques entre bruit, gêne sonore et santé en Ile-de-France de façon à établir leur caractère significatif ou non significatif et à identifier les indicateurs pertinents qu'il serait nécessaire de recueillir en continu dans la perspective d'un suivi dans la durée des liens entre bruit et santé en Ile-de-France.
Menée en 2005 par 80 médecins généralistes auprès de quelques 4.400 patients répartis sur 30 communes franciliennes sélectionnées en fonction de leur niveau d'exposition au bruit, l'étude a mis en évidence que l'exposition au bruit urbain, routier, ferroviaire et aérien s'accompagnait d'hypertension artérielle chez les hommes, de troubles du sommeil, d'hospitalisations et arrêts de travail ainsi que des états anxieux et une augmentation de consommation de médicaments pour les 2 sexes. Cette recherche a tenu compte des effets des nombreux autres agents stresseurs (horaires ou conditions de travail pénibles, difficultés sociales, professionnelles ou familiales, etc.).
Ainsi, chez les hommes de 40 à 69 ans, la prise de médicaments destinés à faire baisser la tension artérielle est 5,6 fois plus fréquente quand leur domicile est survolé par des avions passant à moins de 1.000 mètres. Chez les hommes de 15 à 39 ans, les troubles objectifs du sommeil sont 12 fois plus fréquents chez ceux qui font plus de 2 heures par jour de trajet en 2 roues à moteur. Chez les femmes de 40 à 69 ans les hospitalisations sont 4 fois plus fréquentes quand le domicile est soumis à un bruit routier diurne supérieur à 65dB(A) et la prise d'anxiolytiques ou d'antidépresseurs est 10 fois plus fréquente en cas de résidence à proximité d'un point noir ferroviaire. Une corrélation entre les troubles de l'appétit et le bruit routier diurne a également été observée.
C'est la première fois qu'on utilise sur une grande échelle une méthode d'enquête reposant sur des médecins généralistes pour étudier les effets du bruit, a souligné Michel Vampouille, vice-président chargé de l'environnement tout en précisant que des recherches complémentaires seront nécessaires car l'étude a ses limites. Elle n'a par exemple pas pris en compte le passé des patients. D'autre part, les observations ont été faites sur un échantillon non représentatif de Franciliens.
Mais pour le vice-président chargé de l'environnement, s'ils confirment les craintes initiales, les résultats renforcent surtout sa détermination à faire du bruit un enjeu majeur du Grenelle de l'environnement. La Région Ile-de-France demande d'arrêter un calendrier de réalisations en matière de lutte contre les bruits ferrés sous la maîtrise d'ouvrage de Réseau ferré de France, afin d'assurer la mise en œuvre du plan de prévention du bruit dans l'environnement (en application de la directive européenne de 2002 qui fait notamment obligation aux gestionnaires d'infrastructures d'établir ces plans d'ici à juillet 2008) et d'instaurer un couvre-feu sur l'aéroport de Roissy, comme cela est déjà en place à Orly.
Toutefois, cette proposition n'a pas fait l'objet de consensus entre les différents collèges du Groupe 3 du Grenelle, même s'ils considèrent tous que la résorption des « points noirs » de bruit liés aux infrastructures de transports terrestres et aériennes est une priorité sanitaire et devra être obtenue dans les 5 ans à venir. Ils recommandent de résorber en 5 ou 7 ans les points « noirs » identifiés et liés principalement aux transports aériens et terrestres (de l'ordre de 400 000 logements), de renforcer la concertation et dans le cadre d'observatoires du bruit, de généraliser et finaliser les cartographies de bruit dans les régions ou grandes agglomérations… domaine dans lequel la France est très en retard sur les impératifs réglementaires communautaires…Or, ces cartes sont nécessaires pour améliorer la détermination de l'exposition au bruit des domiciles.
*Berglund B, Maschke C. Bruit et santé. Genève : Organisation Mondiale de la Santé, 2000 ; 30p.
**Cette étude ''Bruit et Santé rapport final 15 juillet 2007'' a été confiée au cabinet Open Rome.