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100 millions d'euros des fonds démonstrateurs alloués au CSC
En complément des opérations industrielles déjà engagées (Sleipner, Snohvit en Norvège, In Salah en Algérie, …), et jusqu'à présent limitées à l'injection de CO2 issu du traitement du gaz naturel, les annonces de projets de démonstration de captage et stockage de CO2 issu de différents secteurs industriels se multiplient. La France, comme de nombreux pays, soutient les travaux de recherche sur cette technologie. Depuis 2001, l'ADEME a placé le captage et le stockage du CO2 parmi ses actions prioritaires. Dans le cadre de l'appel à manifestation d'intérêt CSC publié à l'automne 2008, l'ADEME a expertisé et instruit 5 projets qui devraient bénéficier de 100 millions d'euros au total. Ils concernent soit le captage, soit le stockage et devraient démarrer fin 2009 et s'étaler sur cinq à sept ans. Objectif : ''avoir des technologies déployables d'ici 2025'', explique Régis Le Bars, chef de projet du Programme Fonds Démonstrateur de Recherche de l'ADEME. Le projet Pil Ansu, présenté par Alstom, EdF, GdF-Suez et Armines, a pour objectif la réalisation d'un démonstrateur de captage du CO2 par antisublimation (givrage puis dégivrage des gaz) sur les fumées d'une centrale à charbon. Ce démonstrateur sera expérimenté sur une centrale de production d'électricité à charbon. Alstom et EDF ont présenté un projet de captage en post-combustion avec des solvants avancés. En partenariat avec Geogreen, Veolia a soumis un projet de captage et stockage du CO2 dans un incinérateur à Claye-Souilly (Seine-et-Marne). Le CO2 sera injecté dans un aquifère salin situé à plus de 1.500 mètres de profondeur. Arcelor Mittal, en partenariat avec Paul Wurth et Geogreen, souhaite expérimenter à Florange-en-Moselle le captage et le stockage de carbone émis par un haut-fourneau. Enfin, Total souhaite expérimenter le stockage et le potentiel des aquifères salins du bassin parisien. ''Nous avons décidé de soutenir, à travers le fonds démonstrateur, les techniques de post-combustion et d'oxycombustion, commente Régis Le Bars. Ces deux méthodes sont moins coûteuses que la post-combustion et nécessitent encore de nombreux ajustements. Concernant le stockage, nous avons choisi d'axer les travaux sur les aquifères salins profonds (des cavités souterraines remplies d'eau salée), disponibles à grande échelle dans le monde'', précise Régis Le Bars.
Une technologie qui reste controversée
Selon l'ADEME, le CSC présente plusieurs atouts : un impact écologique fort, un grand potentiel de croissance du marché au niveau mondial et un fort potentiel industriel pour la France. Citant une étude de l'AIE, l'agence rappelle que ces techniques pourraient contribuer à hauteur de ''20 à 30%'' à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l'industrie d'ici à 2050. Le GIEC estime quant à lui que d'ici à 2100, 15 à 55% des émissions anthropiques de CO2, pourraient être captées et stockées géologiquement. Ceci en fonction du rythme de déploiement et de l'acceptabilité de cette technologie à l'échelle mondiale, de la croissance du nombre d'installations centralisées d'émissions de CO2, des performances des systèmes de captage et de stockage du CO2 et de la réduction de l'incertitude sur la taille des zones de stockage sans risque sanitaires et environnementaux.
Mais pour les associations environnementales, le CSC a de nombreux défauts et notamment celui d'être peu fiable à long et très long terme. Selon France Nature Environnement (FNE), les forages et la gestion des puits, au-delà de 100 ans, posent des problèmes de sécurité. Si ''l'objectif des recherches que nous soutenons est d'analyser le comportement du carbone injecté à faible dose (…) d'étudier la diffusion de la bulle de CO2, les risques en cas de faille, la profondeur idéale de stockage et le type de roches à privilégier'', explique Régis Le Bars, pour France Nature Environnement, cette technologie détourne les financements des autres alternatives. Dans une récente prise de position, la fédération affirme que cette technologie ne doit être utilisée qu'en dernier ressort et ne doit pas détourner les efforts pour développer les 3 solutions réellement durables : sobriété, efficacité énergétique et énergies renouvelables.
Une technologie au cœur des moyens de lutte contre le réchauffement
C'est dans ce contexte que pendant deux jours, environ 500 participants (chercheurs, industriels, économistes, financiers et décideurs des services publics et privés) venus de quelque 25 pays se réuniront pour échanger sur les moyens d'accélérer le déploiement du CSC au niveau industriel. ''Il y'a quatre ans, quand on a commencé le premier colloque, la technologie était connue que par un petit nombre de spécialistes, mais de l'eau a coulé sur les ponts, estime le président de l'IFP Olivier Appert. Aujourd'hui, il est au cœur du débat sur le changement climatique''. La technologie CCS a bénéficié d'avancées règlementaires au cours de ces dernières années. La convention de Londres sur l'interdiction d'immersion des déchets a en effet été amendée afin d'autoriser sous certaines conditions l'injection de CO2 sous le fond des mers et une réglementation globale a été instaurée au niveau européen. Parmi les six textes formant le « Paquet climat et énergie » figure une directive établissant un cadre juridique destiné à garantir ''l'utilisation sûre et écologique des technologies du piégeage et du stockage géologique du carbone''. Une deuxième directive traite de l'articulation entre le CSC et l'ETS.
Mais pour déployer cette technologie à grande échelle, il est nécessaire de ''réduire les coûts'', notamment celui du stockage (environ 70% du coût total), consent Olivier Appert. L'objectif est de réduire les coûts d'un facteur trois d'ici 2020. ''Le coût des CSC pourrait alors ressortir au même coût que le CO2 sur le marché des émissions, a-t-il estimé. Il faut aussi assurer la pérennité des stockages de façon à répondre aux inquiétudes de l'opinion publique'''', poursuit Olivier Appert.
À l'heure actuelle, l'IFP a répertorié 140 projets de captage et stockage du CO2 dans le monde. Sur ces projets, 55 ont débuté. ''On s'engage donc dans la démonstration, commente Olivier Appert. Quand on aura tiré l'enseignement sur ces divers projets de démonstrations et de la R&D en cours sur les technologies de deuxième génération, on pourra à échéance de 2025 s'engager résolument dans le déploiement. L'enjeu : créer à échéance de 2050, plusieurs milliers d'opérations de type Sleipner''. Cette expérience à grande échelle de stockage dans un aquifère salin a été engagée en mer du Nord où, depuis 1996, le pétrolier norvégien Statoil injecte du CO2 dans un aquifère salin situé sous le fond de la Mer du Nord. Il a été encouragé par la taxe norvégienne sur le dioxyde de carbone, nettement plus élevée que le coût du stockage d'une tonne de CO2…