Nouveau rebondissement dans l'affaire des dauphins du golfe de Gascogne. Durant une audience au Conseil d'État le 24 février dernier, la rapporteure publique s'est positionnée en faveur des demandes des associations France Nature Environnement (FNE), Sea Shepherd et de défense des milieux aquatiques (DMA). Ces dernières demandaient qu'il soit enjoint à l'État de prendre des mesures destinées à réduire les captures accidentelles causant la mort de milliers de dauphins communs chaque année, en instaurant notamment des fermetures spatio-temporelles.
Cette audience fait suite à une longue bataille juridique au cours de laquelle de nombreuses associations se sont engagées pour que l'Administration réagisse. Ces dernières avaient, à plusieurs reprises, sollicité le ministère de la Mer. Elles s'appuyaient notamment sur les rapports scientifiques de l'observatoire Pelagis et du Conseil international pour l'exploration de la mer (Ciem), qui alertaient sur l'état des populations de dauphins communs du fait des captures accidentelles. Toutefois, les mesures prises par l'Administration visaient davantage à améliorer l'état des connaissances sur le sujet qu'à réduire ces incidents. Les associations avaient également saisi la Commission européenne, qui a engagé une procédure d'infraction à l'encontre de la France, lui adressant un avis motivé en juillet 2022.
Des rapports scientifiques alarmants
Les derniers rapports de l'observatoire Pelagis (févr. 2022) et du Ciem (janv. 2023) faisaient état d'une situation « catastrophique », explique Romain Ecorchard, coordinateur des actions de protection de l'environnement chez FNE. Le rapport Pelagis estime qu'en l'état actuel des choses, les dauphins communs dans le golfe de Gascogne disparaîtraient d'ici une cinquantaine d'années : « La survie cumulée de la population a diminué entre 2002 et 2019, ce qui est cohérent avec une intensification des pressions sur le dauphin commun dans le golfe de Gascogne. Moins d'individus atteignent les âges avancés. »
Le Ciem, quant à lui, a fourni différents scénarios de mesures visant à réduire les prises accessoires. Certains d'entre eux impliquent des fermetures spatio-temporelles de pêche et permettraient, selon le rapport, de réduire de 88 % ces captures.
Vers des fermetures temporaires de pêche ?
La rapporteure publique va dans le sens des demandes des associations, selon Romain Ecorchard. Ces dernières souhaitaient que soient prises deux séries de mesures, l'une sur un volet « connaissances », l'autre sur un volet « conservation ».
Dans ses conclusions, la rapporteure publique conclut à ce que le Gouvernement prenne des mesures complémentaires pour améliorer le système de contrôle qui, à l'heure actuelle, présente des faiblesses, du fait du manque de fiabilité des données. Cette carence a été relevée dans le dernier rapport du Ciem, qui estime que cette lacune sur l'état des connaissances est préoccupante. Il s'agirait, selon Romain Ecorchard, de mieux identifier où se déroulent les captures accidentelles et quels sont les navires et types de pêche concernés. Aujourd'hui, « nous avons une connaissance globale de ces captures, mais elles ne sont pas assez précises ».
Concernant le volet « conservation », la rapporteure publique préconise que des mesures soient prises pour réduire les captures, en ajoutant à l'utilisation des pingers (dispositifs de dissuasion acoustiques) des fermetures spatio-temporelles. Ces mesures devraient être prises dans les six prochains mois, si le juge tranche dans le sens de ces conclusions. La décision du Conseil d'État est attendue d'ici deux à trois semaines.
La bataille, aussi bien juridique que politique, semble ainsi porter ses fruits pour les associations. Le président de la République, dans une interview diffusée par le média Vakita, s'est prononcé à ce sujet à l'occasion de l'ouverture du Salon de l'agriculture : « (…) On s'est toujours engagés (…) pour préserver toutes les populations de cétacés dans le golfe de Gascogne et ailleurs. (…) Nous allons continuer de moderniser nos dispositifs, et d'investir, et cela va être de l'argent très largement public (…) pour pouvoir arrêter les pratiques qui sont dangereuses et, en tout cas, mieux prévenir celles-ci. C'est un problème que je prends très au sérieux, je suis, comme vous, choqué. »