Des ventes en hausse de 14 % en 2019. Une croissance à deux chiffres qui devrait se poursuivre, au moins jusqu'en 2022… Le marché du bio en France connaît un essor depuis plusieurs années, qui n'est pas sans conséquences : guerre des prix, industrialisation… La bio se retrouve victime de son succès, et la France importe aujourd'hui 30 % de ses besoins.
« Désengagement de l'État dans les aides »
La France dispose-t-elle d'une politique qui permette de redresser la barre et de devenir « le leader européen au niveau de l'agriculture biologique », comme l'annonçait le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, en avril 2019 ? Non catégorique, selon un rapport de la commission des finances du Sénat publié fin janvier 2020 par les sénateurs Yannick Boutrel (PS, Côtes-d'Armor) et Alain Houpert (LR, Côte-d'Or). Leur rapport éreinte la politique française de développement de l'agriculture biologique alors que le projet « Ambition bio 2022 » a pour objectif de faire progresser l'empreinte du bio à 15 % de la surface agricole utile (SAU) en 2022. Un objectif « illusoire » en l'état actuel des choses d'après les deux sénateurs.
En premier lieu, ils constatent une « politique en faveur de l'agriculture biologique qui souffre d'un excès de communication », avec « un désengagement de l'État dans les aides ». Outre ce recul des appuis financiers, les auteurs pointent aussi le besoin de contrôles renforcés par la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF), notamment sur les importations, ou des procédures d'agrément pas assez précises.
Lors du Salon de l'Agriculture 2020, Guillaume Riou, président de la Fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB), s'est également ému du manque d'aides financières pour atteindre l'objectif des 15 % en 2022. « Pour la bio, le "en même temps" et le saupoudrage ne suffiront pas, tempête-t-il. Pour opérer cette mutation générale, il faudra faire des choix politiques forts ».
Mettre tous les acteurs autour de la table
Alors que pour beaucoup, l'État ne se donne pas les moyens de ses ambitions, comment les territoires peuvent-ils impulser des dynamiques locales ? En reprenant la main pour aider l'agriculture à se transformer, et en mettant tous les acteurs autour de la table.
C'est ce que tente de faire l'agglomération du Douaisis, 35 communes pour 150 000 habitants. « Depuis 2007, nous avons la volonté d'accompagner les agriculteurs du territoire à baisser les intrants, explique Jean-Luc Hallé, vice-président de Douaisis Agglo en charge des affaires agricoles. Cela a débuté par le développement d'exploitations à Haute valeur environnementale (HVE) pour passer ensuite le cap du bio ». De 54 hectares bio en 2007 (0,44 % de la SAU), l'agglomération est aujourd'hui passée à 400 hectares (3,5 %). « C'est encore loin d'être exemplaire, admet Jean-Luc Hallé, mais c'est le double de la moyenne régionale. » Dans les Hauts-de-France, 1,8 % de la SAU est en agriculture biologique.
300 exemples de collectivités pour en inspirer d'autres
Des initiatives comme celles-ci, il en existe d'autres, disséminées sur le territoire français. Le réseau FNAB accompagne notamment plus de 300 collectivités locales dans leurs projets de transition vers la bio. Sur le nouveau site Internet « www.territoiresbio.fr » lancé le 25 février 2020, la FNAB présente une trentaine de territoires pilotes engagés dans des démarches de conversion, qui peuvent servir d'exemple. Pour les collectivités intéressées, le site compile également une série d'outils pour réaliser un diagnostic, identifier les freins et les leviers d'action à la conversion en bio, et bâtir un projet cohérent. Douze filières bio et locales dans huit régions de France sont aussi détaillées en guise d'exemple.
En plus de l'ambition de 15 % de cultures bio en France en 2022, c'est un autre objectif, fixé par la loi Egalim, qui pourrait passer à la trappe si État et collectivités ne s'impliquent pas plus dans les filières bio : celui de 50 % de produits locaux, et de 20 % de bio d'ici 2022 dans les cantines scolaires. Elles plafonnent aujourd'hui à 3 % pour leurs achats alimentaires issus de filières biologiques.
Il y aura fort à faire pour satisfaire cet objectif : trouver des produits bio disponibles à prix abordables, dénicher des producteurs locaux, et assurer des volumes de commandes suffisants qui respectent le code des marchés publics. Des défis pour les collectivités, mais rien n'est insurmontable. Plusieurs communes comme Courtonne dans le Calvados ou Mouans-Sartoux dans les Alpes-Maritimes proposent déjà des repas 100 % bio à leurs écoliers.