« Les risques causés par le réchauffement climatique ne dépendent pas seulement de l'augmentation de la température mais également des réponses sociétales et de la fragilité de ces sociétés, ce que la plupart des recherches actuelles ne prennent que rarement en compte », atteste Luke Kemp, membre du Centre pour l'étude des risques existentiels (CSER) de l'université de Cambridge, et co-auteur d'une étude (1) publiée le 1er août dans Proceedings of the National Academy of Science.
Penser le pire pour s'y préparer au mieux
« L'intérêt d'étudier les risques de catastrophes climatiques n'est pas d'être dans l'alarmisme ou le voyeurisme apocalyptique mais simplement de comprendre comment et si les risques plus extrêmes peuvent advenir, puis de s'y préparer voire de les empêcher », souligne le chercheur britannique. Ce dernier appelle, par conséquent, les scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) à réaliser un rapport spécifique en la matière, à l'instar des anciens travaux sur les possibilités d'un hiver nucléaire.
Ne pas sous-estimer les effets du réchauffement climatique
Que les chercheurs du CSER tiennent ce discours n'est évidemment pas anodin. Selon eux, si la plupart des études portant sur le réchauffement climatique ne vont pas assez loin dans leurs prospectives catastrophiques, ce n'est pas seulement du fait de la complexité qu'impliquent ce type de modélisations. « L'Accord de Paris a, depuis 2015, focalisé l'attention politique et scientifique seulement vers les augmentations de +1,5°C et +2°C [de température mondiale d'ici à 2100, par rapport à l'ère préindustrielle ; NDLR], favorisant en retour une culture de l'auto-censure pour tout ce qui serait perçu comme alarmiste », déclare Luke Kemp (3) .
Pourtant, deux scénarios prospectifs des rapports du Giec considèrent déjà le pire comme plausible. Si une majorité de pays signataires de l'Accord de Paris maintiennent leurs politiques actuelles, l'augmentation de la température mondiale pourrait atteindre +2,8°C à +3,2°C. Cela reviendrait à faire vivre environ deux milliards d'êtres humains dans des régions dont la température moyenne annuelle s'élèverait au-dessus des 29°C en 2070 (contre 30 millions dans ce cas, hors épisodes d'extrêmes « dômes de chaleur »). En considérant le risque catastrophique dans son ensemble, cette augmentation extrême de la température pourrait venir déstabiliser ces régions, potentiellement fragiles politiquement, comportant deux puissances nucléaires et présentant sept laboratoires biologiques de classe 4 (renfermant des pathogènes particulièrement dangereux). En considérant toutes les dimensions de risques possibles (climat, santé, conflit politique, instabilité économique, etc), « le potentiel d'incidents désastreux en réactions en chaîne est évident. »