"Il n'existe pas à l'heure actuelle de preuves concrètes que le changement climatique ait influé sur les dommages causés par les catastrophes naturelles [en France] au cours des dernières décennies. [… Mais] les travaux prospectifs engagés par les scientifiques dans le domaine des sciences de la nature permettent de considérer que les évolutions à venir du climat ne seront pas sans effet sur un certain nombre d'aléas naturels". Telle est la principale conclusion d'une étude du Commissariat général au développement durable (CGDD) du ministère de l'Ecologie publiée le 23 mai. Ce travail, qui ne présente pas de chiffrage précis, a principalement une portée méthodologique et vise à "stimuler le débat et [à] appeler des commentaires et des critiques".
Le document, intitulé "Les déterminants du coût des catastrophes naturelles : le rôle du changement climatique en France (1) ", établit un bref état de l'art de l'économie des risques naturels et du changement climatique, pour donner des clés de lecture des événements passés et de comprendre les points critiques des prochaines décennies, explique le ministère de l'Ecologie.
De forts soupçons, mais pas de certitude
Sans grande surprise, le rapport confirme qu'"au cours des décennies passées, les pertes économiques associées aux événements catastrophiques naturels (climatiques ou non) ont connu une augmentation considérable". Même s'il pointe les difficultés du dénombrement des catastrophes, le document se base sur les données avancées par les réassureurs Munich Re et Swiss Re pour établir ce constat.
Néanmoins, "il existe de nombreux facteurs sociaux ou économiques qui modifient les conséquences des catastrophes naturelles. Il n'est donc pas certain qu'une augmentation du nombre de catastrophes naturelles dépassant un certain seuil de dommages soit significative d'une augmentation de la fréquence de ces événements naturels", avertit le CGDD. Parmi ces facteurs figurent, notamment, l'augmentation de la population exposée, la meilleure couverture des biens et des personnes par les assurances qui accroit les dommages indemnisés, le remplacement progressif de biens non vulnérables par des biens vulnérables ou encore la modification de l'environnement du fait des activités humaines.
Face à ces facteurs multiples, le CGDD estime qu'il n'est pas possible, à l'heure actuelle, de rattacher avec certitude la hausse constatée des dommages causés par les catastrophes naturelles aux changements climatiques.
Un exercice trop difficile
S'il est difficile d'évaluer les impacts passés des changements climatiques sur les catastrophes naturelles, le CGDD estime néanmoins que "les évolutions à venir du climat ne seront pas sans effet sur un certain nombre d'aléas naturels". "Dans l'ensemble, expliquent les auteurs, l'évolution générale devrait se situer entre la stagnation des régimes actuels et l'aggravation des aléas, en fréquence ou en intensité". Si le CGDD est si prudent, c'est surtout du fait de la sensibilité statistique des données étudiées aux catastrophes les plus importantes.
S'appuyant notamment sur les travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), les services du ministère de l'Ecologie jugent qu'"il reste difficile d'anticiper concrètement la dynamique réelle des changements potentiels d'ici la fin du XXIe siècle". Malgré tout, "il est (…) très probable que le coût total annuel des événements naturels poursuive son augmentation dans les années à venir, voire même que cette augmentation s'accélère", explique le rapport.
Quant à évaluer l'augmentation attendue du coût des catastrophes naturelles, le rapport reste tout aussi prudent. Ce "n'est pas un exercice aisé", justifie le CGDD, expliquant que cette évaluation "requiert de comprendre d'abord les conséquences quantitatives de certains paramètres sur ce coût, et ensuite d'être en mesure d'évaluer les évolutions futures des paramètres identifiés, qu'ils soient socio-économiques ou physiques".
Feux de forêts et trait de côte
Le document alerte tout de même sur certains points particulièrement sensibles. C'est le cas des retraits-gonflements des argiles qui représentent une part importante des coûts des risques naturels indemnisés tous les ans en France et qui vont probablement augmenter sous l'effet conjugué de l'urbanisation et des conditions météorologiques futures. Le constat est similaire pour les risques littoraux : selon une étude évaluant l'impact d'une hausse d'un mètre du niveau moyen des océans, 735.500 hectares se trouveraient sous le niveau d'une submersion centennal, contre 590.000 aujourd'hui.
Quant à l'évaluation des coûts futurs, le rapport se garde d'avancer un quelconque chiffrage et se limite à la présentation des tendances futures. "Deux (…) aléas au moins peuvent se révéler préoccupants sur le plan économique", estime le document, citant les feux de forêts et le recul du trait de côte.
S'agissant des feux de forêts, le rapport note que les dépenses de prévention, de l'ordre de 500 millions d'euros par an, permettent de limiter leur impact. Mais, "une extension de l'aire de répartition des feux de forêts engendrera (…) mécaniquement une augmentation des coûts de gestion de cet aléa", prévient le document, précisant que ce coût sera à la charge des propriétaires fonciers, des collectivités et de l'Etat. Le recul du trait de côte pourrait "se [produire] sur une surface extrêmement grande, et d'autre part paraît difficile à prévenir", alerte le rapport soulignant l'importance des paramètres socio-économiques qui détermineront la vulnérabilité du territoire français à la montée des eaux.