Insuffisamment ciblés, les certificats d'économie d'énergie (CEE) seraient moins efficaces qu'attendu, estime un rapport (1) , publié le 21 novembre par le CGEDD (2) , le CGEIET (3) et l'IGF (4) .
Mandatée en février dernier par les ministres de l'Ecologie et de l'Economie, cette mission dresse un constat sévère. Alors que la France mise à 90% sur les CEE pour atteindre ses objectifs d'économie d'énergie (1,5% par an), la mission alerte sur le décalage entre les économies attendues et les gains effectifs.
Elle préconise donc une meilleure évaluation des économies réalisées grâce aux CEE, via la mise en place d'indicateurs et d'un observatoire des travaux d'économie d'énergie. Un meilleur ciblage des actions est également nécessaire afin de faire "évoluer de façon significative [ce dispositif] pour la quatrième période débutant en 2018". Il s'agirait de limiter les CEE aux travaux permettant de réelles économies. Deux nouveaux types de CEE devraient, selon elle, être testés au cours de la troisième période (2015-2017), afin de cibler les bâtiments se dotant d'un passeport énergétique et ceux présentant un fort potentiel d'économies d'énergie. "Si l'expérimentation est concluante, la généralisation du ciblage à tout le territoire devra être intégrée pour la quatrième période" (2018-2020), conclut le rapport.
Mieux hiérarchiser les opérations éligibles aux CEE
Depuis 2006, la majorité des actions d'économies d'énergie entreprises par les obligés (les fournisseurs d'énergie) ont ciblé le parc résidentiel (70%). "En théorie, ce dispositif original permet ainsi de laisser les obligés s'orienter vers les économies d'énergies les plus faciles à obtenir à moindre coût". Mais de la théorie à la pratique, il y a souvent un pas… "La très grande palette d'opérations éligibles peut conduire les énergéticiens à privilégier des actions au moindre coût d'incitation, mais à fort effet d'aubaine et guère pertinentes en termes énergétiques", regrette la mission.
Résultat : les CEE ont eu un effet très inférieur à l'impact attendu. Les raisons ? Une surévaluation des économies annoncées par certaines fiches standardisées (5) , un effet rebond mais aussi un effet d'aubaine : "Certains travaux donnant lieu à la délivrance de CEE auraient été réalisés même en l'absence du dispositif".
Alors que la troisième période des CEE va s'ouvrir au 1er janvier 2015, la mission préconise donc une évaluation complète de l'efficacité de ce dispositif. Ces données devraient être disponibles au plus tard fin 2016 afin de pouvoir être intégrées lors de la phase de préparation de la quatrième période en 2017.
Supprimer les dispositifs les moins efficaces ?
Avec le crédit d'impôt (CIDD), l'éco-PTZ et la TVA à taux réduit, les certificats d'économie constituent "l'un des principaux outils de la politique d'efficacité énergétique ", analyse le rapport. Pourtant, au regard du coût que ces outils représentent pour la collectivité (plus de 7 Mds € cumulés), les gains ne sont pas toujours au rendez-vous. La mission recommande donc d'évaluer précisément les économies d'énergie engendrées par ces dispositifs. Fin 2013, la Cour des comptes dressait le même constat.
L'IGF et le CGIET vont même plus loin en proposant de supprimer ou de restreindre le champ du CIDD et de la TVA à taux réduit s'ils s'avèrent peu efficaces.
Enfin, pour éviter les écueils, elle estime que les particuliers devraient être mieux informés de la pertinence des opérations d'efficacité énergétique et de leur rendement financier.
Une expérimentation dès 2015 ?
Le rapport préconise également d'expérimenter, dès la troisième période, à l'échelle d'une ou plusieurs régions, deux nouveaux types de CEE, permettant un meilleur ciblage des opérations réalisées. Il s'agirait d'abord de "mettre en œuvre un « passeport énergétique », financé à travers un programme CEE, afin d'inscrire les décisions de rénovation de chaque logement dans une succession organisée de travaux visant la performance énergétique".
La mission préconise de réserver, sur les économies attendues pour la troisième période, 1 TWhc sur cet outil : "Sous l'hypothèse de 4 € / MWhc et d'une aide de 200 € par passeport, cela représenterait 20.000 passeports financés par ce biais". Pour rappel, le projet de loi de transition énergétique prévoit de rendre obligatoire ce passeport en 2017 pour toute construction neuve et en 2025 pour tous les logements faisant l'objet d'une mutation.
La mission recommande également de tester, sur un périmètre donné, un ciblage des CEE sur les bâtiments les moins performants énergétiquement, identifiés par l'Ademe dans le cadre de l'observatoire sur les DPE (6) ou par l'Anah (7) ou les collectivités, dans le cadre de la lutte contre la précarité énergétique.