Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a finalement cédé une participation majoritaire (près de 60%) dans la centrale géothermique de Bouillante (Guadeloupe), à une entreprise nord-américaine spécialisée dans la géothermie, Ormat Technologies. La Caisse des Dépôts et Consignations a apporté son soutien et également acquit près de 20% de la société. Le BRGM conserve quand à lui également près de 20%.
Constituée d'une première unité mise en service en 1986, puis d'une seconde qui a commencé à produire en 2009, la centrale et l'entreprise exploitante "Géothermie Bouillante" était jusqu'alors historiquement détenue par le BRGM et EDF. L'électricien s'était toutefois progressivement désengagé de la société pour atteindre une participation de 2,2% en 2011, le BRGM détenant le reste.
Ce transfert de la propriété et de la gestion à un industriel privé était l'une des préconisations de la Cour des comptes. En avril 2015, l'instance avait en effet pointé du doigt les problèmes de trésorerie et de financement de Géothermie Bouillante. Des difficultés techniques mais aussi sociales avaient notamment fait chuter sa production. Autre obstacle relevé par les sages : l'entreprise n'était pas rentable. "Entre 1996 et 2013, le prix de rachat de l'électricité a toujours été inférieur aux coûts réels de production de l'usine Bouillante", avait alors noté la Cour des Comptes. Une électricité rachetée exclusivement par EDF. Outre le transfert au privé, pour relever la barre, la Cour préconisait également l'apport d'un soutien public à l'investissement (sans que les crédits publics ne soient majoritaires) et/ou une revalorisation des tarifs d'achat.
22 millions d'euros pour relancer Géothermie Bouillante
C'est donc désormais chose faite : Ormat et la Caisse des Dépôts ont injecté 22 millions d'euros de par leur participation dans la société. Le protocole d'investissement a été signé mardi 5 juillet en présence de Ségolène Royal, ministre de l'Environnement. "L'État réalisera, en liaison avec les collectivités locales, un suivi régulier de l'activité et des développements de la centrale, de façon à s'assurer de la bonne exploitation de la ressource géothermale et du respect des engagements du nouvel exploitant", a assuré le ministère. Il est en effet prévu que les deux partenaires investissent dans les deux prochaines années dix millions d'euros en augmentation de capital pour le développement de la centrale. Dans un communiqué publié en décembre dernier, la société américaine avait annoncé avoir signé un protocole d'entente pour acquérir progressivement 85% de Géothermie Bouillante.
Ormat a ainsi tablé sur une optimisation des ressources et des installations existantes pour passer d'une puissance de 10 MW actuellement à 14,75 MW d'ici mi-2017, puis 24,25 mégawatt d'ici 2020 avant d'atteindre atteindre 45 MW en 2021. Selon le communiqué du BRGM, Ormat et la CDC verseront en contrepartie à la filiale du BRGM Sageo, propriétaire de Géothermie Bouillante, un montant supplémentaire de 16 millions d'euros si les seuils de production ainsi que la capacité de production convenus sont atteints dans la période de temps donnée. Parmi les investissements en ligne de mire figure la construction d'une troisième unité B3.
L'enjeu pour l'île est important : la géothermie profonde a en effet été identifiée comme étant une source primordiale de production électrique pour l'autonomie du territoire à l'horizon 2030. "Ma préoccupation est qu'il y ait un site à Bouillante qui se développe au profit de la Guadeloupe, a assuré Didier Gauthier qui reste à son poste de directeur Général de Géothermie Bouillante. Aujourd'hui, nous approvisionnons environ 5% des besoins de l'île, j'espère que nous arriverons à passer à 10% et à terme en 2023 à 20%".
Un tarif d'achat renégocié
Concernant l'achat de l'électricité, un nouveau tarif a été négocié entre le BRGM et EDF. Le contrat prévu pour une durée de 15 ans a débuté en janvier dernier. "Le tarif d'achat sera de l'ordre de 170 €/MWh, cela dépend des incidents de fonctionnement, des pénalités, etc., précise Didier Gauthier. Il devrait nous permettre de faire face au coût de fonctionnement et dégager le cash flow pour nous développer".
D'après le rapport de la Cour des comptes, selon les organismes, l'évaluation de ce coût de fonctionnement varie entre 165€/MWh et 170,3€/MWh (Cour des comptes) à entre 60 et 100 €/MWh (Ademe).
Certains acteurs comme le Collectif de défense du patrimoine géothermique de la Guadeloupe déplore cette privatisation. "L'unité la plus ancienne de Bouillante a été entièrement rénovée il y a deux ans avec des fonds publics, pointait dans une lettre ouverte aux parlementaires de la Guadeloupe, son porte-parole Alain Plaisir. La région Guadeloupe y a largement contribué, en accordant des exonérations d'octroi de mer depuis 30 ans sur la livraison et l'importation de tous les biens d'équipements et les pièces détachées. C'est donc, à notre avis, un cadeau extraordinaire qui est fait à cette entreprise américaine avec l'argent public, notamment avec celui des Guadeloupéens".
Un soutien de l'Etat en cas d'échec des forages
Ces dernières années, l'Etat semble vouloir soutenir le développement de la filière géothermique. En 2014, des professionnels de la géothermie ont lancé le cluster Géodeep pour encourager le développement de centrale et proposé à l'Etat la création d'un fonds assurantiel de 100 millions d'euros pour développer la géothermie haute énergie en France et à l'international. En mars 2015, le ministère de l'Environnement a annoncé la création d'un fonds de garantie Geodeep. Doté de 50 millions d'euros (25 millions apportés par l'Ademe, 15 millions par des opérateurs privés et 10 millions par la Caisse des dépôts), il indemnise le porteur de projet en cas d'échec des forages d'exploration ou d'exploitation.