Le ministère de l'Agriculture a décidé de repousser l'entrée en vigueur du dispositif des certificats d'économie des produits phytosanitaires (CEPP). Prévu initialement en janvier 2016, il sera finalement lancé le 1er juillet 2016 pour une durée de cinq ans selon l'ordonnance publiée le 8 octobre au Journal officiel.
De la même manière que pour le dispositif du certificat d'économie d'énergie, les vendeurs de pesticides pour des utilisations professionnelles en métropole - les "obligés" - vont devoir mettre en place des actions pour encourager la non-utilisation de produits. Chaque obligé se verra notifier les obligations de réalisation d'actions qui lui incomberont compte tenu des quantités de produits qu'il a déclarées dans le cadre de la redevance pour pollution diffuse. La liste des actions qui donneront droit à des CEEP sera fixé par décret.
Les acteurs qui apportent des conseils aux agriculteurs pour limiter leur consommation de pesticides seront "éligibles" et pourront de ce fait obtenir des CEEP, valorisables auprès des obligés. Un registre national permettra d'enregistrer les certificats, de suivre les échanges entre éligibles et obligés et de vérifier l'atteinte des objectifs.
Pour François Veillerette, porte-parole de l'association Générations Futures, ce dispositif n'est pas à la hauteur des enjeux puisqu'il n'impose pas "une obligation de réduction de vente de pesticides mais simplement une obligation d'action. Nous sommes dans un schéma d'obligations de moyens et non de résultats contrairement à ce qui avait été prévu".
Polémique sur les indicateurs utilisés
Le ministère de l'Agriculture avait prévu d'utiliser l'indicateur Nodu comme le recommandait une mission de préfiguration, mais l'ordonnance actuelle n'en fait plus mention. Elle évoque des "obligations proportionnelles aux quantités de chaque substance active contenues dans ces produits phytopharmaceutiques, pondérées, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, par des coefficients liés soit aux caractéristiques d'emploi de ces produits, soit aux dangers des substances actives qu'ils contiennent."
Une tournure qui a alerté la fédération France Nature Environnement (FNE). "Le plan Ecophyto avait depuis son démarrage pour principal indicateur le Nodu, fondé sur le nombre de doses vendues. Même imparfait, cet indicateur traduit bien l'usage des produits, et leur impact sur l'environnement. Sous l'impulsion d'une partie de la profession agricole, l'ordonnance adoptée hier s'appuie elle sur la quantité de pesticides, pondéré par la dangerosité des produits", analyse FNE. "En utilisant un indicateur de risque, le gouvernement permet la substitution d'un produit par un autre et il contourne l'objectif de réduction qui est l'essence même du plan écophyto", détaille Claudine Joly en charge du dossier pesticides à FNE.
"Nous demandions un objectif de réduction des ventes de produits, nous en sommes loin, c'est décevant", constate François Veillerette.
Plusieurs textes encore attendus
Plusieurs points clefs du dispositif doivent encore être précisés par voie réglementaire. Les objectifs de réduction et leur partage entre les vendeurs mais aussi les catégories de personnes éligibles à l'expérimentation, les conditions de délivrance des certificats, les méthodes de contrôle, les produits phytopharmaceutiques concernés car tous ne le seront pas, mais aussi les actions permettant de bénéficier de certificats.