Le Conseil économique, social et environnemental dresse un bilan sévère, deux ans après l'adoption de la loi de transition énergétique. Les moyens financiers, humains et organisationnels doivent être renforcés pour prendre enfin le virage.
"On n'est pas du tout sur la bonne trajectoire pour diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre de la France en 2050 comme c'est prévu par la loi [de transition énergétique]", analyse Guillaume Duval, membre de la section environnement du conseil économique, social et environnemental (Cese) et rapporteur d'un avis sur la transition énergétique, adopté le 28 février. Sur la lutte contre le changement climatique, "on est très en retard, les émissions ont au contraire augmenté en 2015 et 2016. Pour les transports, elles n'ont jamais baissé, elles ont même augmenté ces dernières années. Elles sont très supérieures à ce qu'elles étaient dans les années 1990. On est très en retard sur la rénovation des bâtiments qui devait être un gros morceau de cette loi (…). Enfin, la France est le deuxième pays le plus en retard en Europe pour tenir ses objectifs de déploiement des énergies renouvelables".
Le bilan est sévère. Dans son avis, le Cese alerte sur la faiblesse du pilotage de la transition énergétique alors que les objectifs fixés par la loi sont ambitieux, et nécessaires. "Tout ce qui n'est pas fait aujourd'hui met la marche un peu plus haut pour ce qui est à faire demain", estime Madeleine Charru, co-rapporteur de l'avis.
Fixer (enfin) une trajectoire de réduction du nucléaire
Alors que le gouvernement prépare la future programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), "qui va fixer la feuille de route pour les dix prochaines années pour l'ensemble des énergies", les conseillers ont dressé les priorités d'action. Ils déplorent l'absence de choix éclairés dans la précédente PPE, notamment sur le nucléaire, qui freine de fait le développement et la structuration des filières renouvelables. La loi fixe pourtant un objectif de réduction de la part du nucléaire à 50% en 2025, objectif jugé inatteignable récemment par le ministre d'Etat Nicolas Hulot. "Il faut lever d'urgence cette ambiguïté et se doter d'un plan d'action permettant d'atteindre l'objectif de 50% d'électricité d'origine nucléaire à une date à fixer entre 2025 et 2035", soulignent les deux rapporteurs.
Ne pas se focaliser sur la mobilité électrique
Les grands choix d'infrastructures de transport [devraient être] pris dès maintenant en cohérence avec l'objectif visé de neutralité carbone en 2050.
En matière de transports,
"nous nous interrogeons sur le choix fait sur l'unique mobilité électrique. Le Cese demande qu'une étude soit faite sur l'ensemble des vecteurs énergétiques, dont le vecteur gaz - et à terme biogaz -, qui pourrait prendre une place importante dans la mobilité du futur", souligne Madeleine Charru. Les alternatives au transport routier individuel doivent également être privilégiées : transports en commun, covoiturage, ferroutage, télétravail… Le Cese souhaite également que
"les grands choix d'infrastructures de transport soient pris dès maintenant en cohérence avec l'objectif visé de neutralité carbone en 2050".
Les objectifs en matière de rénovation sont ambitieux, mais loin d'être atteints. "Il est urgent de déployer un Service public de la performance énergétique de l'habitat (SPPEH) sur tout le territoire et de le doter d'un financement pérenne à hauteur de 3 € par ménage et par an, analysent les rapporteurs. L'accélération de la rénovation énergétique passe par un meilleur accompagnement des artisan.ne.s, par la généralisation d'offres uniques de financement ainsi que par une incitation plus forte à des rénovations performantes et globales, en accordant une priorité absolue aux 5,5 millions de ménages vivant en situation de précarité énergétique".
Enfin, l'agriculture et l'alimentation sont encore trop laissées de côté, malgré leur fort impact en termes d'émission et les potentiels de réduction.
Doubler les moyens financiers
Pour que les moyens mis en œuvre soient en adéquation avec les objectifs à atteindre, l'Etat doit augmenter son effort financier, notent les deux rapporteurs, estimant que les 20 milliards d'euros annoncés pour la transition énergétique dans le cadre du Grand plan d'investissements ne sont pas suffisants. L'effort devrait être porté à 35 milliards, selon eux. Le Cese estime que la politique énergétique et climatique devrait être dotée d'une loi de programmation des investissements, comme c'est le cas pour le budget de la défense.
Les rapporteurs s'inquiètent également du manque de moyen des collectivités territoriales alors qu'elles sont des acteurs clés de la transition énergétique, que ce soit dans la rénovation, les transports ou encore le développement des énergies renouvelables. "L'effort des collectivités locales doit être soutenu dans la durée par l'attribution d'une part de la contribution climat énergie (CCE)". Demande forte des collectivités depuis deux ans, cette solution est cependant écartée lors de chaque débat sur la loi de finances. Les revenus de cette contribution sont déjà fléchés sur d'autres politiques, pas forcément environnementales. Les collectivités doivent également avoir les moyens d'orienter la transition énergétique dans les territoires, et notamment d'orienter le développement des réseaux énergétiques.
Enfin, les moyens mis en œuvre doivent également être humains, souligne le Cese : "Facteur clé de réussite de la transition, il faut établir d'urgence, au niveau national mais aussi au niveau des principales branches et des régions, les Plans de programmation de l'emploi et des compétences (PPEC) prévus par la LTECV".
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