"Le niveau actuel de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) appliquée aux déchets ménagers et assimilés en France semble encore trop faible pour détourner de façon significative les flux de déchets de l'élimination". Telle est la conclusion d'un rapport sur le bilan 2009-2012 de la TGAP et des soutiens de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) en matière de gestion des déchets, publié le 27 mai par le Commissariat général au développement durable (CGDD).
Le rapport suggère donc de renforcer le signal-prix donné par la TGAP pour détourner les déchets de l'enfouissement et de l'incinération, conformément aux objectifs de la réforme de 2009. Pour cela, il convient, d'une part, "de continuer à augmenter son taux", et, d'autre part, "de s'assurer que cette augmentation se reflète dans les coûts de l'élimination en supprimant ou en atténuant l'effet de modulations dont la justification s'est amoindrie, voire a disparu".
De l'enfouissement vers l'incinération
La réforme de la TGAP, qui devait faire évoluer la gestion des déchets vers des modes plus respectueux de l'environnement, a certes renchéri le coût de l'élimination par rapport aux autres modes de gestion mais n'a pas réellement atteint son objectif de réduction des volumes de déchets incinérés et stockés. "Entre 2008 et 2010, la quantité totale de déchets incinérés et stockés s'est réduite de 1,7 million de tonnes (Mt)", sur un total de 34 Mt, indique le document, précisant cependant qu'"il est difficile de déterminer la contribution exacte de la réforme de la TGAP dans cette évolution [compte tenu de] la récession de 2009 et [de] l'atonie de la consommation finale des ménages [qui] ont certainement constitué des facteurs de baisse du gisement de déchets non dangereux".
D'autre part, des évolutions inverses ont été constatées selon les modes d'élimination. "Les quantités de déchets stockés sont passées de 22 à 19,5 Mt soit une réduction de 12 %, tandis que les quantités de déchets incinérés ont augmenté de 7 %, passant de 12,7 à 13,5 Mt", avance le rapport. Ce transfert de l'enfouissement vers l'incinération constitue "une nouveauté concordant avec la réforme de la TGAP" puisque selon l'Ademe, la part de l'enfouissement était en augmentation entre 2004 et 2006.
Les réductions de TGAP en question
La cause de cet échec ? "Les multiples réfactions accordées ont contribué à atténuer de façon significative le montant effectif de la TGAP et donc le signal prix voulu à l'origine", explique le CGDD, précisant qu'"aujourd'hui, environ 90% des tonnages stockés et 97% des tonnages incinérés bénéficient d'une modulation à la baisse du taux de TGAP, ce qui conduit à des taux effectifs moyens de perception très inférieurs aux taux de référence". En 2010, le taux effectif moyen pour le stockage est de 14,6 euros/tonnes (€/t) pour un taux plein de 20 €/t, et pour l'incinération de 2,9 €/t pour un taux plein de 7 €/t.
Les auteurs jugent cependant que ces réductions ont "exercé un réel effet incitatif sur l'amélioration de la performance énergétique et environnementale des installations". Par contre, "après cette phase d'amélioration des performances des installations, il y a sans doute lieu de remettre en avant l'objectif initial (créer un signal prix en faveur de la prévention et du recyclage)", préviennent-ils. Les axes prioritaires sont l'abandon des modulations n'ayant pas vocation à soutenir la valorisation énergétique et la réduction de l'écart entre la TGAP stockage et la TGAP incinération "qui ne donne pas un signal cohérent avec la hiérarchie de la politique « déchets », laquelle privilégie la valorisation énergétique à l'élimination".
Augmenter la TGAP effectivement payée
L'abandon des réductions du taux de TGAP semble d'autant plus urgent que "l'examen de l'efficacité des instruments mis en place dans les pays voisins montre qu'une augmentation sensible de la taxe sur le stockage a pour effet de diminuer le recours à celui-ci", indique le rapport, confirmant que "c'est bien dans les pays où le niveau de taxe sur le stockage est le plus élevé que la part des déchets mis en décharge est la plus faible". Actuellement, 18 Etats membres taxent la mise en décharge des déchets municipaux non dangereux à des niveaux allant de 3 €/t en Belgique à 107,49 €/t aux Pays-Bas.
La conclusion des services de l'Etat est sans appel : il faut augmenter la TGAP déchets, comme prévu par le législateur, et il faut abandonner les modulations de taxe, surtout lorsqu'elles ne sont pas justifiées. De même, "il y a lieu de réfléchir à l'introduction de mesures réglementaires en complément de cette adaptation de la TGAP, comme par exemple le durcissement des conditions d'admission en centre de stockage pour certains déchets valorisables", estiment les experts du ministère de l'Ecologie.
Améliorer l'équilibre financier
Le rapport rappelle aussi que la réforme de 2009 visait également à réaffecter à la politique de gestion des déchets la totalité des recettes fiscales nouvelles générées par l'augmentation de la TGAP déchets. La recherche de cet équilibre "est en très bonne voie puisque, sur 2009-2011, l'augmentation de la TGAP représente environ 340 millions d'euros et les interventions de l'Ademe effectivement engagées représentent 514 millions d'euros, dont 343 millions d'euros de montants supplémentaires au regard des budgets existant avant 2009".
Ce plan de soutien bénéficie avant tout aux collectivités locales puisque 71% des interventions portent sur les déchets municipaux dont elles ont la charge. De plus, "les priorités politiques sont bien respectées puisque les opérations relatives à la prévention, au recyclage et à la valorisation organique représentent la part la plus importante des soutiens avec une montée en puissance sensible de ceux dédiés aux investissements de recyclage et de valorisation organique entre 2009 et 2011", constate le CGDD.
"En revanche, le rythme actuel des investissements dans les installations de recyclage et de valorisation organique est encore insuffisant au regard des objectifs à atteindre", indique le rapport précisant qu'environ 1,5 Mt de capacités supplémentaires de recyclage et valorisation organique des déchets des ménages et des entreprises ont été ouvertes sur la période. Reste que, pour répondre aux objectifs nationaux et européens, il faudra ouvrir d'ici 2015 encore 6 Mt de capacité de recyclage er de valorisation organique, pour un coût évalué à environ 3,4 milliards d'euros. Parmi les raisons expliquant ce retard, figurent en particulier les incertitudes sur l'évolution de la TGAP qui impactent l'équilibre économique des projets alternatifs au stockage et à l'incinération.
Sur la période 2013-2015, les besoins de soutiens à la prévention et au recyclage sont estimés entre 0,9 et 1 milliard d'euros, un montant à comparer au produit de la TGAP complémentaire liée à la réforme de 2009 estimé entre 460 et 720 millions d'euros sur la même période. "Les montants attendus de la TGAP nouvelle, estimés selon des scénarios conservant les modalités actuelles de la TGAP, s'avèrent donc plutôt inférieurs à l'évaluation des besoins de soutiens", constatent les auteurs.