Trois ans après la publication de sa Stratégie biodiversité 2030, la Commission européenne a présenté, ce 21 février, sa déclinaison consacrée aux écosystèmes marins. Ce plan d'action (1) tant attendu, qui tranche notamment la question épineuse de la pêche au chalut, ne semble ravir ni les défenseurs de la faune marine ni les professionnels de la pêche. Pour Swann Bommier, chargé du plaidoyer de l'ONG Bloom, il ne comprend « rien de contraignant mais (qu'une) série de recommandations et d'échéances lointaines ». Tandis qu'Ivan Lopez van der Veen, le président de l'Alliance européenne des pêcheries de fond (EBFA), appelle déjà le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne à « mettre un terme à ce non-sens ».
Miser sur une interdiction progressive
La Commission encourage en cela les États membres à donner la priorité à la suppression des engins de pêche de fond au sein des sites classés « Natura 2000 ». Par ailleurs, elle leur recommande d'accompagner, dans le cadre des fonds d'aide prévus par la Politique commune de pêche (PCP), l'utilisation de « pratiques et d'engins de pêche plus sélectifs », afin de réduire les captures accidentelles d'espèces jugées « sensibles ». Le plan d'action européen engage par exemple les nations européennes à améliorer la situation, dès cette année, du dauphin commun dans le golfe de Gascogne (Delphinus capensis), puis en 2024, du puffin des Baléares (Puffinus mauretanicus) ou encore du phoque moine de Méditerranée (Monachus monachus), avant de « mettre en place des mesures qui réduisent ou éliminent les captures accidentelles de toutes les espèces dont l'état de conservation est défavorable ou qui sont menacées d'extinction et protégées » dès 2030.
Sortir le chalutage des aires marines protégées
Une stratégie de décarbonation de la pêche
Le plan d'action dévoilé par la Commission européenne s'est accompagné de trois autres documents. L'un d'eux constitue une première ébauche de stratégie pour engager la transition énergétique du secteur de la pêche et le décarboner d'ici à 2050. Cette communication mise sur plusieurs actions, dont : le fléchage d'aide de remotorisation à travers le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture (Feampa), le lancement d'une étude sur les technologies susceptibles d'améliorer l'efficacité énergétique des équipements utilisés et, enfin, la mise en place d'un partenariat multiacteur. Ce dernier doit aboutir, début 2024, à une feuille de route organisant le passage des combustibles fossiles à des carburants « à émissions nulles ou faibles » comme l'électricité renouvelable, l'hydrogène, les biocarburants ou l'ammoniac.
Pour l'association Bloom, si l'interdiction de tous les engins de pêche de fond dans toutes les aires marines protégées d'Europe est une « avancée réelle », les mesures de ce plan d'action sont jugées « faibles et très éloignées des constats catastrophiques qu'elles sont supposées adresser ». L'association regrette ainsi que la Commission ait renoncé à formuler, à la place, une proposition législative de règlement plus contraignante. « Ce plan qu'on pourrait qualifier "d'inaction" pour l'océan échoue totalement à dessiner un cap visionnaire et à engager les transitions structurelles que nos sociétés doivent opérer pour inventer un rapport harmonieux et réellement "durable" à l'océan », signe même sa fondatrice, Claire Nouvian. Cette dernière mise désormais sur la « dernière opportunité » pour l'exécutif européen de rectifier le tir : la future loi pour la restauration de la nature, en cours d'élaboration au Parlement et au Conseil.