La chasse reste une question très clivante, surtout à l'approche d'une élection présidentielle. Le ministère de la Transition écologique a mis en consultation, mercredi 15 septembre, plusieurs projets d'arrêtés qui visent à autoriser les chasses traditionnelles pour la saison 2021-2022.
Ces textes portent sur la chasse des alouettes, des grives, des merles, des vanneaux huppés et des pluviers dorés avec des modes de chasses traditionnelles (pantes, matoles, tenderies) dans plusieurs départements du Sud-Ouest et dans les Ardennes. Ils prévoient d'autoriser des quotas pour 106 000 alouettes, 5 800 grives et merles, 1 200 vanneaux huppés et 30 pluviers dorés. « Les alouettes ont perdu 35 % de leurs effectifs reproducteurs en quinze ans en France », rappelle la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Quant au vanneau huppé, l'espèce est quasi-menacée, ajoute l'association.
Décisions de justice défavorables
La volonté du gouvernement d'autoriser ces chasses pose question alors que plusieurs décisions de justice défavorables ont été rendues récemment. Le 6 août dernier, le Conseil d'État a en effet annulé des arrêtés identiques qui autorisaient ces chasses pour les trois saisons précédentes. Le juge administratif a considéré que ces textes ne remplissaient pas les conditions posées par la directive Oiseaux pour déroger à l'interdiction des techniques de capture non sélectives. La Haute Juridiction avait pointé leur défaut de motivation et l'existence de solutions de substitution. La ministre de la Transition écologique avait, dans un premier temps, tiré les conclusions de cette décision en retirant les projets d'arrêtés qui avaient été soumis à la consultation, en juin dernier, en vue de la nouvelle saison de chasse.
Mais le gouvernement vient de faire volte-face en mettant de nouveau en consultation ces textes. « Afin de remédier aux lacunes de motivation soulignées par le Conseil d'État », les projets d'arrêtés ont été complétés, explique le ministère de la Transition écologique. « Ainsi, la nouvelle version du projet de texte comporte désormais des considérants portant sur les conditions requises en droit européen pour autoriser cette chasse traditionnelle », justifie ce dernier, qui étaye ces considérants par des annexes détaillées. Les projets d'arrêtés doivent être examinés par le Conseil national de la chasse et de la faune sauvage (CNCFS) le 23 septembre.
Légalité douteuse
La légalité de ces textes, s'ils venaient à être signés, paraît pour le moins douteuse compte tenu de cet arrêt du Conseil d'État, mais aussi de celui qui a précédé sur la chasse à la glu, qui s'appuyait sur une décision préjudicielle de la Cour de justice de l'UE. Selon les propos du ministère, relayés par l'AFP, il s'agit de « sortir par le haut du débat sur les chasses traditionnelles en permettant au juge de se prononcer définitivement sur leur conformité au cadre légal européen sur la préservation des oiseaux ». « En d'autres termes, on va prendre une décision illégale pour permettre au juge de vérifier qu'elle est bien illégale », ironise le professeur de droit Arnaud Gossement sur Twitter.
L'association annonce la saisine immédiate de la justice administrative pour suspendre ces arrêtés s'ils venaient à être signés. « Je suis scandalisé par le cynisme et le clientélisme du président de la République qui interrogent sur ses réelles convictions. Tandis que la communauté scientifique mondiale nous alerte sur le risque d'extinction massive des espèces sauvages, notre gouvernement réduit la biodiversité à une monnaie d'échange électoraliste », s'étrangle Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO.
Du côté de la Fédération nationale des chasseurs (FNC), pas de réaction officielle, son président préférant communiquer sur la hausse du nombre de candidats au permis de chasser cette année. En août dernier, après la décision du Conseil d'État, la FNC avait, « dans cette dernière ligne droite du quinquennat », appelé à « mettre fin à la vision étriquée et dogmatique de la ministre de la Transition écologique et de sa secrétaire d'État à la Biodiversité appuyée aujourd'hui par un Conseil d'État versatile sur tous les sujets écologiques ».
Le message a, semble-t-il, été bien reçu par l'Élysée.