Les chasses traditionnelles en France survivront-elles à la justice administrative ? Par plusieurs décisions rendues le 6 août à la demande de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et de l'association One Voice, le Conseil d'État a annulé les arrêtés ministériels qui autorisaient ces chasses pour les saisons 2018 à 2020. Ces chasses concernaient les vanneaux huppés, pluviers dorés, grives et merles noirs à l'aide de tenderies (filets à terre ou nœuds coulants) dans le département des Ardennes. De même que les alouettes des champs par l'utilisation de pantes (filets horizontaux) et de matoles (cages) dans les départements de Gironde, des Landes, du Lot-et-Garonne et des Pyrénées -Atlantiques.
Ces annulations ne ressusciteront pas les oiseaux tués lors des saisons de chasse concernées par le contentieux. « Dans le Sud-Ouest, plus d'une centaine de milliers d'oiseaux périssent chaque année de cette manière », explique One Voice. « Dans les Ardennes, 5 800 grives et merles étaient capturés tous les ans par pendaison », ajoute l'association. Mais ces décisions, qui font suite à celle relative à la chasse à la glu en juin dernier, rendent en revanche très difficiles la signature de nouveaux arrêtés par la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili.
Techniques de captures non sélectives
La Haute juridiction administrative a considéré que les autorisations ne remplissaient pas les conditions posées par la directive « oiseaux » pour déroger à l'interdiction de techniques de captures non sélectives. D'une part, ces autorisations n'étaient pas motivées. D'autre part, la ministre de la Transition écologique n'a pu établir que ces méthodes de chasse étaient les seules à permettre la capture des espèces en cause. Or, comme l'a affirmé la Cour de justice de l'UE via une décision du 17 mars dernier, le caractère traditionnel d'une méthode de capture d'oiseaux ne suffit pas à établir qu'il n'existe pas de solutions de substitution. En effet, ces espèces peuvent aussi être chassées au fusil.
« Si l'on pouvait concevoir l'usage des chasses traditionnelles en période de disette ou de guerre, il ne s'agit plus aujourd'hui que d'un simple loisir, relève Allain Bougrain Dubourg, président de la LPO. Alors que la biodiversité s'effondre et, avec elle, les populations d'oiseaux, il aura fallu que la France soit mise au pied du mur par la menace d'une condamnation exemplaire devant la Cour de justice de l'Union européenne pour qu'elle cesse enfin d'autoriser ces pratiques de chasse cruelles et non sélectives, alors que la directive européenne de protection des oiseaux date de 1979 ! ».
L'association voit mal comment Barbara Pompili pourrait signer les projets d'arrêtés similaires qui ont été soumis à la consultation du public en juin dernier en vue de la prochaine saison de chasse. Ces textes, qui prévoient d'autoriser la capture de 106 000 alouettes, 5 800 grives et merles, 1 200 vanneaux et 30 pluviers dorés, visent des espèces en mauvais état de conservation ou en déclin, rappelle la LPO. Le vanneau est ainsi classé vulnérable en Europe et quasi-menacé en France. Le ministère de la Transition écologique semble aller dans le sens de la demande des associations. Il a en effet annoncé à l'AFP le retrait des arrêtés en question. Les projets de textes sont toutefois toujours présents sur le site des consultations du ministère.
« Reconquérir nos valeurs rurales »
Mais la Fédération nationale des chasseurs ne souhaite pas en rester là. Elle dénonce une décision « particulièrement inique (…) en contradiction avec la propre jurisprudence annuelle du Conseil d'État depuis ces trente dernières années ». La fédération se dit décidée à examiner tous les recours possibles pour défendre ces traditions.
« Pour nous, les chasses traditionnelles sont l'essence même de la passion de la chasse et seront toujours au cœur de la défense de nos pratiques cynégétiques, assure son président Willy Schraen. Malgré cet échec, il va falloir redoubler de détermination pour se battre tous ensemble pour une véritable reconquête de nos valeurs rurales et de nos traditions ».