Dans une étude publiée le 8 janvier dans la revue "American Journal of Epidemiology (1) ", les chercheurs de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) démontrent un impact de l'exposition maternelle au pesticide chlordécone, utilisé aux Antilles jusqu'en 1993, sur la durée de la grossesse et le risque de prématurité (accouchement avant la 37ème semaine d'aménorrhée).
Perturbateur endocrinien, neurotoxique et classé cancérogène possible pour l'homme par l'OMS, cet insecticide organochloré était utilisé pour lutter contre le charençon dans les bananeraies. Très persistant, ce pesticide reste aujourd'hui très présent dans les milieux (eau, denrées animales et végétales, chaîne alimentaire...), vingt ans après l'arrêt de son utilisation.
Pour évaluer l'impact de l'exposition au chlordécone, l'équipe de chercheurs dirigée par Sylvaine Cordier à Rennes et Luc Multigner à Pointe à Pitre a examiné 818 femmes enceintes vivant en Guadeloupe, pendant leur troisième trimestre de grossesse, entre 2004 et 2007.
L'exposition au chlordécone a été estimée par son dosage dans le sang maternel prélevé lors de l'accouchement. Ont été pris en compte l'âge, la parité, l'indice de masse corporelle avant le début de la grossesse, le lieu d'inclusion, le lieu de naissance des mamans, le statut marital, le niveau de scolarité, l'hypertension gestationnelle, le diabète gestationnel et d'autres polluants comme les PCB.
L'exposition maternelle au chlordécone a été retrouvée "associée de manière significative à une durée raccourcie de grossesse ainsi qu'à un risque augmenté de prématurité, quel que soit le mode d'entrée au travail d'accouchement, spontané ou induit. Ces associations pourraient être expliquées par les propriétés hormonales, oestrogéniques et progestagéniques du chlordécone", concluent les scientifiques.
L'alimentation, source principale d'exposition
La consommation d'aliments contaminés constitue "la source principale" d'exposition au chlordécone de la population antillaise : manioc, melons, concombres, viandes locales, fruits de mer, poissons d'estuaire… Si on connait "avec une certaine précision" les types d'aliments contributeurs à l'exposition, les chercheurs estiment que "les sources d'approvisionnement, production, distribution et vente hors circuits réglementés et jardins familiaux sur sols pollués conditionnent de nos jours l'intensité de l'exposition".
Les chercheurs appellent les autorités à informer les femmes enceintes sur les types d'aliments et les modes d'approvisionnement à éviter pendant leur grossesse : "toute mesure adaptée et permettant la réduction des expositions des femmes au cours de leurs grossesses est souhaitable".
Dans une étude parue en septembre 2012, les scientifiques de l'Inserm avaient déjà montré que le chlordécone pouvait avoir "des effets négatifs sur le développement cognitif et moteur des nourrissons".