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Chlordécone : un non-lieu qui soulève l'indignation

MAJ le 07/01/2023

Deux juges d'instruction ont prononcé, le 2 janvier, un non-lieu dans le scandale sanitaire de l'insecticide organochloré qui a empoisonné les Antilles. Vent debout, les victimes annoncent poursuivre leur combat judiciaire.

Risques  |    |  L. Radisson
Chlordécone : un non-lieu qui soulève l'indignation
Droit de l'Environnement N°318
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°318
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Un scandale sanitaire, mais un non-lieu. Deux juges d'instruction du pôle santé publique et environnement du tribunal judiciaire de Paris ont signé, lundi 2 janvier, une ordonnance de non-lieu dans l'affaire du chlordécone, cet insecticide organochaloré qui empoisonne les Antilles françaises depuis 1972. Ce pesticide cancérogène n'a été interdit qu'en 1993 alors que sa toxicité et sa persistance sont connues depuis 1969, d'après le rapport de la commission d'enquête sénatoriale de novembre 2019.

Cette issue judiciaire à la plainte pour empoisonnement, mise en danger de la vie d'autrui et administration de substances nuisibles déposée en 2006 par des associations antillaises était malheureusement prévisible. La justice avait en effet adressé à plusieurs reprises des signaux en ce sens. En janvier 2021, les juges d'instruction avaient expliqué aux associations que la plainte pourrait déboucher sur un non-lieu en raison de la prescription des faits, suscitant déjà des manifestations. En mars 2022, les deux magistrates avaient annoncé mettre fin aux investigations sans avoir procédé à des mises en examen, avant que le parquet de Paris ne requière un non-lieu, le 24 novembre dernier.

“ L'ensemble des avocats a l'intention de continuer les procédures, c'est-à-dire de contester cette décision ” Philippe Pierre-Charles, collectif Lyannaj pou Depolyé Matinik
De manière rarissime, rapporte l'AFP, les deux juges concluent leur ordonnance de 300 pages par une explication de cinq pages sur les raisons de ce non-lieu. Reconnaissant un scandale sanitaire, elles justifient le non-lieu par plusieurs obstacles juridiques : la difficulté de rapporter la preuve pénale des faits dénoncés, commis dix, quinze ou trente ans avant le dépôt des plaintes ; ou encore l'état des connaissances techniques au début des années 1990 qui ne permettait pas d'établir le lien de causalité entre le pesticide et les atteintes à la santé.

« Non-lieu de la honte »

Sans surprise non plus, cette décision soulève l'indignation des victimes et des associations qui les défendent. « Le non-lieu de la honte », réagit la Confédération paysanne. « Seize années de procédure pour un scandale sanitaire et environnemental, plus de 90 % de la population des Antilles toujours exposée, et pour des siècles, aux contaminations contenues dans les sols et la mer. La seule réponse de la justice française est de tirer le rideau », se désole le syndicat paysan.

Mais les victimes ne baissent pas pour autant les bras. « Ce que nous savons, c'est que l'ensemble des avocats a l'intention de continuer les procédures, c'est-à-dire de contester cette décision », a assuré à l'AFP Philippe Pierre-Charles, membre du collectif Lyannaj pou Depolyé Matinik. C'est le cas de Harry Durimel, maire écologiste de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) et avocat historique des victimes du chlordécone, qui a annoncé faire appel de l'ordonnance. « Si la cour d'appel ne nous donne pas raison, nous ferons un pourvoi en cassation. Nous sommes déterminés à aller jusqu'à la Cour de cassation et à la Cour européenne de justice pour que justice nous soit rendue », a-t-il indiqué à La1ère, portail des Outre-mer.

L'association Générations futures, partie civile, annonce également faire appel. « Il est insupportable pour les victimes de ne pouvoir défendre leur droits lors d'un procès devenu indispensable, réagit Nadine Lauvergeat, déléguée générale de l'association. Nous serons donc cette fois encore à leurs côtés. C'est le sens de notre appel, afin que la vérité éclate et que justice soit enfin rendue. »

En avril 2021 et en février 2022, les plaintes dirigées contre d'anciens ministres avaient été déclarées irrecevables par la Cour de justice de la République.

Réactions6 réactions à cet article

"aucune réaction à cet article"
Il est vrai que ce déni de justice laisse sans voix....

BIB57 | 09 janvier 2023 à 10h55 Signaler un contenu inapproprié

C'est difficile de revenir en arrière et de trouver des coupables pour des faits autorisés. Déjà que les soins soient gratuits serait bien, indemniser le préjudice est à la charge de l'Etat. S'il y avait une faute évidente, cela serait plus simple. Mais les juges n'ont rien trouvé.
De même ici avec les traitements qui continuent.

28plouki | 09 janvier 2023 à 20h08 Signaler un contenu inapproprié

@28plouki
Les coupables sont justement ceux qui ont autorisé ces faits comme vous dites! La dangerosité de ce produit était connue depuis bien longtemps mais les intérêts économiques ont prévalu sur ceux de la santé publique. Le fait que tout ceci se soit passé dans une ancienne (?) colonie n'est sans doute pas anodin non plus....

BIB57 | 10 janvier 2023 à 12h42 Signaler un contenu inapproprié

@ BIB57 : les ré-autorisations de néonicotinoïdes, dont l'emploi est pourtant désormais interdit en raison de leur danger pour la santé, pour traiter la betterave intensive concernent la métropole.
Dans le cas de la chlordécone, je ne suis donc pas sûr que la justice soit moins regardante du fait que ce toxique ait été employé aux Antilles, ancienne "colonie".
C'est plutôt que le poids financier et politique de l'industrie de l'agrochimie, dopée au "ruissellement" des primes PAC et d'autres financements publics, écrase tout sur son passage : santé du vivant (humains et environnement), fonctionnement de la justice, démocratie, fraternité, morale, etc.
Le scandale sanitaire est donc total et les victimes ont bien raison de ne pas se satisfaire de cette décision, sans doute logique au plan pénal, mais par ailleurs inacceptable.

Pégase | 11 janvier 2023 à 09h07 Signaler un contenu inapproprié

@Pégase
Il me semble que le scandale du chlordécone, utilisé de manière massive et dont les dégâts sont "systémiques" aux Antilles, sont sans commune mesure avec celui de la ré-autorisation ponctuelle et provisoire (espérons-le....) des néonicotinoïdes. Mais je ne veux pas polémiquer sur ce point avec vous puisque nous partageons, je crois, les mêmes valeurs!
En conclusion de cette triste affaire, et pour y mettre un peu d'humour (noir...), je rappellerai cette forte sentence d'AUDIARD; "La justice, c’est comme la Sainte Vierge, si on ne la voit pas de temps en temps, le doute s’installe"......

BIB57 | 11 janvier 2023 à 10h01 Signaler un contenu inapproprié

@ BIB57 : je vous confirme que nous sommes très souvent sur la même longueur d'onde. Tout comme j'approuve la justesse de votre choix de citation de l’inénarrable J. Audiard.
Il est sans doute trop tôt pour juger de l'ampleur des effets des néonicotinoïdes sur la biosphère. Mais je crains que leur impact délétère soit à ce jour très largement sous-évalué. Ce qui "n'enlève" rien à la monstruosité du scandale de la chlordécone, molécule présentée aussi en son temps comme LA solution miracle de l'agrochimie aux ravageurs de la banane, et trop cautionné par une administration d'État obnubilée et fascinée par les solutions technologiques au détriment de l'agronomie et de l'agroécologie, schéma de pensée et décisionnel aussi réducteur que dangereux qui se perpétue encore et toujours.

Pégase | 11 janvier 2023 à 14h25 Signaler un contenu inapproprié

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