Ce lundi 15 janvier 2018, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a rendu son avis relatif au dossier d'options de sûreté (1) du projet du Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) de déchets nucléaires. Cet avis est assorti d'une lettre adressée à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (2) (Andra) qui précise notamment les études et justifications complémentaires nécessaires à la demande d'autorisation de création de Cigéo.
L'ASN aimerait que les colis bitumés soient reconditionnés…
Pour obtenir le feu vert de l'ASN, l'Andra devra lever une réserve : elle devra s'assurer que la réactivité chimique des colis de déchets bitumés ne pose pas de risque de sûreté. En effet, les options de conception retenues à ce stade par l'Andra "ne permettent ni de prévenir ni de limiter les risques à un niveau acceptable en cas de réaction exothermique à l'intérieur d'un colis de déchets bitumés", explique l'ASN dans sa lettre. L'Autorité demande donc que ces déchets soient repris et reconditionnés avant d'être enfouis ou que l'Andra revoit la conception d'ensemble de Cigéo pour assurer, notamment, un espacement suffisant de ces colis et éviter ainsi qu'un éventuel incendie ne se propage.
Avec cet avis, l'ASN met la balle dans le camp des détenteurs de ces déchets radioactifs de moyenne activité enrobée dans du bitume : soit ils reconditionnent ces colis, soit ils financent l'amélioration de la sûreté de Cigéo. Pour sa part, l'ASN privilégie le reconditionnement des déchets, notamment parce que "la deuxième voie ne pourrait être retenue que pour des colis de déchets bitumés suffisamment caractérisés permettant une modélisation de leur comportement en stockage". Or, aujourd'hui, leur caractérisation est trop imprécise. Mais le choix appartient en réalité aux exploitants qui financeront en dernier ressort la solution retenue. Depuis 2016, l'Andra a un objectif de coût pour Cigéo fixé par décret à 25 milliards d'euros. Mais, selon les options architecturales retenues, le coût final pourrait s'élever jusqu'à 43,6 milliards (selon la Cour des comptes qui citait en 2014 la fourchette haute de l'Andra).
… ou que le projet Cigéo soit modifié
Dans le rapport qui sert de base à l'avis de l'ASN, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avait déjà pointé du doigt le risque d'incendie lié aux déchets de moyenne activité à vie longue (MAVL) enrobés dans du bitume. Ces colis peuvent dégager de la chaleur et, si la réaction s'emballe, s'enflammer. Pour l'IRSN, il est impossible de démontrer l'absence de risque en deçà du seuil de 180°C retenu par l'Andra. En cas d'incendie, "un rejet important d'activité dans l'environnement ne peut être exclu", estimait l'IRSN.
Si les colis bituminés devaient être enfouis sans avoir été préalablement reconditionnés, le dossier de demande d'autorisation de création de Cigéo devra inclure des modifications de conception relatives à trois aspects. Le premier concerne les dispositions de surveillance permettant de détecter au plus tôt une montée progressive de la température des colis. Le dossier devra ensuite comporter des dispositions en cas d'incendie pour empêcher des réactions exothermiques des colis de déchets bitumés et la propagation à un ou d'autres colis. Enfin, il devra inclure des mesures de limitation des conséquences vis-à-vis de la dissémination de matière radioactive.