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Actu-Environnement

Classement Natura 2000 : quelles conséquences pour l'activité industrielle ?

Le réseau européen Natura 2000 protège les espèces et leurs habitats. En France, il représente 13% du territoire terrestre. Actu-Environnement fait le point sur l'impact réel de ce réseau pour les exploitants industriels.

Décryptage  |  Biodiversité  |    |  A. Luchez

Le réseau Natura 2000 constitue un ensemble de sites protégés par l'Union européenne (UE). La rareté ou la fragilité des espèces, animales comme végétales, ainsi que de leurs habitats, justifie cette législation protectrice de la nature. Les directives Habitats de 1992 et Oiseaux de 2009 en sont les textes fondateurs. Leur transposition ne s'est pas faite sans mal, la France ayant été condamnée plusieurs fois par la justice européenne à ce sujet.

La France compte, selon un chiffre du ministère de l'Ecologie, 1.758 sites terrestres classés Natura 2000. 1.366 sites sont couverts au titre de la directive Habitats, 392 au titre de la directive Oiseaux. Des chiffres officiels qui devraient bientôt augmenter car, régulièrement, de nombreux arrêtés sont publiés au Journal officiel, désignant de nouveaux sites. Sont-ils l'indicateur d'un nouveau développement du réseau ? Non, ces publications correspondent aux nombreuses propositions de zones faites il y a plusieurs années par la France et que la Commission européenne a récemment approuvées. Comme certains de ses voisins européens, Paris avait accumulé un retard dans son classement, à plusieurs reprises sanctionné par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), et désormais rattrapé.

Les mesures prises dans le cadre de Natura 2000 "ne conduisent pas à interdire les activités humaines", précise le code de l'environnement. Dès lors, ajoute-t-il, qu'elles n'ont pas d'effets significatifs sur le maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable des habitats naturels et des espèces. Cela implique pour les exploitants de respecter les objectifs de préservation de la nature, tout en poursuivant leur activité… Mais concrètement ?

Exploiter dans le périmètre d'un site classé

Dès lors qu'un site est classé Natura 2000, les exploitants présents sur le territoire concerné doivent respecter le document d'objectifs (Docob), qui définit les mesures de gestion à mettre en œuvre pour le site. Celles-ci sont élaborées puis suivies par le comité de pilotage Natura 2000. Un organe créé par le préfet concerné et comprenant, notamment, des élus, des organisations professionnelles, des gestionnaires d'infrastructures ainsi que des associations de défense de l'environnement. Une cohabitation plutôt difficile entre acteurs aux intérêts divergents.

Si l'exploitant se situe sur un site dont la classification est proposée, voire en cours, "il devra être très vigilant", alerte Pierre Audiffren, directeur du bureau d'études Ectare. Afin de suivre le projet de près, ajoute-t-il, il aura tout intérêt à intégrer le comité de pilotage de la zone concernée. Mais il faut nuancer. Car la proposition de classement d'un site fait d'abord l'objet de concertations locales. Il est donc peu envisageable qu'un industriel se retrouve devant le fait accompli. Si l'exploitant projette de s'installer sur un site déjà classé, il devra évaluer l'incidence de son activité sur cette zone.

Evaluation obligatoire des incidences Natura 2000

Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter significativement un site classé Natura 2000, certains projets doivent faire l'objet d'une évaluation des incidences. Le but de cette évaluation ? "Vérifier la compatibilité d'une activité avec les objectifs de conservation du ou des sites Natura 2000", explique le ministère de l'Ecologie. Sont notamment concernés les projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations, mais pas tous.

Y sont soumis les projets faisant l'objet d'un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration, au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000. Et qui, en plus, sont énumérés sur liste nationale, et éventuellement locale. La première est établie par décret en Conseil d'Etat. La seconde, qui la complète, est arrêtée par le préfet concerné. Cette dernière a vocation à tenir compte des particularités de chaque site. A noter que les activités figurant dans la liste nationale sont soumises à l'obligation d'évaluation, "que le territoire [que les projets] couvrent ou que leur localisation géographique soit située ou non dans le périmètre d'un site Natura 2000", précise la réglementation française.

Pour certains projets soumis à un régime préalable, il se peut que l'évaluation apparaisse en pratique superflue. Dans le cadre d'une installation classée (ICPE), par exemple, l'autorité administrative tiendra compte du Docob pour accorder l'autorisation. Les objectifs seront alors visés par les prescriptions préfectorales. L'évaluation s'avère donc inutile si le projet a fait l'objet d'une étude d'impact ou d'une évaluation d'incidences. Encore faut-il que l'étude, comme l'évaluation, comprenne l'ensemble des éléments exigés par Natura 2000…

Limiter les effets dommageables

Le dossier d'évaluation des incidences Natura 2000 doit comprendre une présentation simplifiée du projet et une carte permettant de localiser l'espace sur lequel il peut y avoir des effets. Un plan de situation détaillé doit encore être fourni si le projet est à réaliser dans le périmètre d'un site classé. Enfin, le porteur du projet doit exposer les raisons pour lesquelles il y aura, ou non, incidence sur un ou plusieurs sites.

Dans l'affirmative, il doit fournir une analyse des effets temporaires ou permanents, directs ou indirects, que le projet peut avoir. Si l'analyse conclut à des effets significatifs dommageables sur les habitats et les espèces de la zone, le porteur du projet doit exposer les mesures qui seront prises pour supprimer ou réduire ces effets. Malgré les mesures envisagées, il se peut que des effets dommageables subsistent. Dans ce cas, d'autres mesures destinées à compenser ces effets, ainsi que des solutions alternatives, doivent être envisagées.

Après analyse du dossier, l'administration peut tout à fait refuser la réalisation d'un projet. Une évaluation non réalisée, insuffisante, une atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000, comme des effets cumulés avec d'autres projets, peuvent mener au rejet de l'autorité administrative.

A titre exceptionnel, l'administration peut autoriser la réalisation du projet pour des raisons impératives d'intérêt public majeur. Elle devra alors s'assurer que des mesures compensatoires sont bien prises pour maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000.

Une mise en œuvre lacunaire

Les objectifs insérés dans le Docob sont-ils bien respectés ? Théoriquement, oui. Car la mise en œuvre du document est assurée par le travail d'un animateur. Il s'agit d'un employé de l'organisme chargé du suivi de cette mise en œuvre ou d'un prestataire qui agit pour le compte de l'organisme, précise le ministère de l'Ecologie. Il peut d'ailleurs s'agir de la collectivité. En plus d'accompagner les acteurs locaux dans la démarche Natura 2000, d'effectuer un travail de pédagogie, l'animateur doit veiller au respect des objectifs. Il doit même aller à la rencontre des exploitants et s'assurer que l'activité atteigne bien les objectifs.

Mais en pratique, un animateur est en charge de plusieurs sites à la fois, explique France Nature Environnement (FNE). Le suivi n'est donc pas complet. En cause selon la fédération ? Le manque de financements dédiés à l'animation, et donc au respect des documents d'objectifs. Déjà en 2012, la moitié d'entre eux n'était pas opérationnelle, indique un représentant de l'association. Pourtant, ces Docob constituent le cœur de la politique Natura 2000. Ce qui revient à dire, encore aujourd'hui, que les directives Habitats et Oiseaux sont mal appliquées. Ce dont s'accommodent certaines organisations professionnelles ainsi que le monde agricole qui, s'indigne FNE, "ne veulent pas de politique biodiv".

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