Un autre grand pas vient d'être réalisé pour la classification des activités économiques durables, la taxonomie verte : le groupe d'experts techniques (GET) sur la finance durable a rendu, à la Commission européenne, ses recommandations sur les critères d'atténuation et d'adaptation au changement climatique à fixer pour différentes activités économiques.
L'objectif de cette taxonomie ? Permettre aux acteurs économiques et aux investisseurs d'identifier les activités considérées comme « vertes » et prendre leurs décisions d'investissement en connaissance de cause. Donc, au final, orienter les finances pour atteindre les ambitions européennes en la matière. « Pour les seuls domaines du climat et de l'énergie, nous estimons qu'il faudrait 180 milliards d'euros d'investissements annuels supplémentaires pour réaliser les objectifs fixés pour 2030, souligne la Commission. (…) Pour combler le déficit d'investissements, il faudra une réorientation significative des flux de capitaux privés vers des investissements plus durables, et une refonte en profondeur du cadre financier européen ».
Un accord politique sur le cadre de cette classification a été trouvé en décembre dernier. Le projet de règlement sur la taxonomie verte indique que, pour être considérées comme durables, les activités économiques doivent répondre à deux conditions : démontrer qu'elles apportent un bénéfice substantiel à au moins un des six objectifs environnementaux, tout en évitant des effets négatifs sur les cinq autres. Cette liste comprend : l'atténuation du changement climatique ; l'adaptation au changement climatique ; l'utilisation durable et la protection des ressources hydrologiques et marines ; la transition vers une économie circulaire, la prévention et le contrôle de la pollution ; et enfin, la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes.
Trois statuts pour l'atténuation : vertes, en transition et en appui de la transition
Concernant l'atténuation du changement climatique, trois catégories d'activités ont été distinguées : celles qui sont déjà à faibles émissions de carbone donc dites vertes ; celles qui permettent à une autre activité d'être plus respectueuse de l'environnement, comme les services de conseil sur l'efficacité énergétique ; et celles qui doivent améliorer leurs performances mais qui contribuent à la transition vers une économie à émissions nettes nulles en 2050.
Autre élément important : l'ensemble du cycle de vie d'une activité doit être pris en compte.
Au final, les secteurs d'activités couverts par la taxonomie représentent 93 % des émissions de dioxyde de carbone européennes.
Autre activité écartée : les combustibles fossiles. « La production d'énergie à partir de combustibles fossiles gazeux ou liquides ne devrait être considérée comme apportant une contribution substantielle à l'atténuation du changement climatique que si elle reste en-dessous d'un seuil que nous recommandons de fixer à 100 g CO2/kWh», expose le GET. Autre condition : que cette limite soit réduite tous les cinq ans pour arriver à 0 g CO2/kWh d'ici 2050.
« Une autre nouveauté du rapport est le fait que le GET propose explicitement des seuils au-delà desquels une activité est considérée comme portant "un préjudice substantiel" ("do-no-significant harm") à l'atténuation des gaz à effet de serre, se réjouit le WWF France. Ces éléments vont dans le sens d'une taxonomie brune. J'espère que la Commission se saisira de cet appel ».
Sébastien Godinot, économiste au Bureau des politiques européennes du WWF, estime ,quant à lui, que les critères proposés constituent un ensemble approprié pour mettre fin à la pollution, notamment celle liée aux combustibles fossiles et au nucléaire. « La Commission doit désormais poursuivre les travaux pour renforcer les critères relatifs à la bioénergie, à la gestion des forêts et à l'hydroélectricité, étant donné les dommages causés par les barrages pour les poissons et les écosystèmes ».
Des actes délégués d'ici la fin de l'année
La Commission adoptera les classifications pour l'atténuation du changement climatique et l'adaptation à celui-ci au moyen d'actes délégués d'ici à la fin de l'année 2020.
« Sur la base de ce rapport, la discussion politique va reprendre. Si les États ne sont pas d'accord avec certaines mesures, ils peuvent, s'ils ont une majorité qualifiée, s'y opposer, même si elle est dure à obtenir », note Nicolas Berghmans, chercheur, politique Énergie-Climat à l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).
Le GET doit également s'atteler à définir des critères pour les quatre objectifs environnementaux restants.
« La définition des activités en transition, les critères et l'horizon temporel vont être capitaux, souligne Nicolas Berghmans. Ce sera intéressant de faire le lien avec les stratégies établies au niveau national sur l'énergie climat, sur les transports, sur le bâtiment etc., car cela donne du recul pour juger ce qui est ambitieux ou pas. Il y a tout à gagner à ce que la définition de ce qu'est un actif vert soit compatible avec ce qui est entrepris en termes de politique publique ».
Les investisseurs et les entreprises vont devoir préciser dans leur rapport annuel financier ou extra-financier le pourcentage de leurs revenus, de leurs investissements et de leurs dépenses opérationnelles qui sont compatibles avec la logique de la taxonomie. Les premiers rapports sur l´utilisation de la taxonomie par les entreprises et les investisseurs, qui couvrent l'exercice financier de 2021, sont attendus début 2022.