
Juriste environnement, CLCV
Actu-environnement : Au sein de votre association vous constatez une montée des plaintes des consommateurs aux dépens des services publics d'assainissement non collectif. Pouvez-vous nous rappeler que sont ces SPANC et leur rôle dans les communes ?
Stéphane Bernhard : Il y a environ 5 millions d'habitations en France qui disposent d'une installation d'assainissement non collectif (ANC) soit 12 millions d'habitants. La loi sur l'eau de décembre 2006 impose que ces installations soient contrôlées par les services publics de l'assainissement non collectif (SPANC) des communes. Ces contrôles sont réalisés par les communes elle-même ou les intercommunalités si le SPANC est géré en régie ou par des sociétés délégataires si la commune a opté pour une délégation de service public. Le but du contrôle est de vérifier que les installations sont aux normes mais surtout qu'il n'y a pas de risques sanitaires ou environnementaux graves. Lorsque le SPANC estime que des travaux sont nécessaires, il laisse un délai de quatre ans au propriétaire pour faire les travaux. Toutes les installations doivent avoir été contrôlées au moins une fois d'ici fin 2012. Mais nous savons déjà que ce ne sera pas le cas partout car du retard a été pris par endroits. Dans certaines régions, les habitants concernés ont déjà été contrôlés une fois voire deux alors qu'ailleurs les contrôles n'ont pas encore commencé. Certaines communes n'ont même pas créé leur SPANC alors que c'est une obligation. Mais lorsque les contrôles sont lancés c'est là que les ennuis commencent pour les usagers.
AE : Quels problèmes constatez-vous ?
SB : L'ANC est un dossier très conflictuel sur plein d'aspect. En premier lieu, les usagers ne comprennent pas toujours les fréquences de contrôles différentes d'un endroit à un autre, et les tarifs de contrôle qui peuvent faire le grand écart. En second lieu, les politiques de contrôle sont protéiformes : cela peut aller du contrôle visuel à un contrôle beaucoup plus poussé. Les interprétations peuvent varier car chaque SPANC a sa grille de contrôle. Résultats, les usagers ne sont pas sur un pied d'égalité selon l'endroit où ils habitent. Enfin, certains SPANC prescrivent trop de réhabilitations. Or, les pollutions générées par les installations ANC ne représentent qu'un pour cent des pollutions diffuses. Ce n'est rien par rapport à l'agriculture, aux industries ou aux stations d'épuration qui ne sont pas aux normes. Il y a des endroits où il faut améliorer les choses mais il est hors de question de réhabiliter l'ensemble des installations ANC qui ne sont pas tout à fait conformes aux normes actuelles. Pourtant, certains SPANC affichent un taux de non-conformité de 80% avec un taux de réhabilitation demandée de 80%. C'est anormal. La loi Grenelle 2 décorrèle l'obligation de travaux de la non-conformité. On ne peut obliger à faire les travaux que s'il y a un risque sanitaire ou environnemental avéré. Il est donc urgent d'harmoniser les pratiques. Un arrêté en cours de modification suite à la loi Grenelle 2 prévoit d'ailleurs un arbre de décision en annexe pour objectiver la mission de contrôle.
AE : la facturation de ces contrôles semble également source de conflits…
SB : En effet, nous constatons des divergences dans les modes de facturation de ces contrôles. Selon une enquête que nous avons réalisée l'an dernier, le montant des redevances demandées par les SPANC varie de 50 à 400 euros. La fréquence des contrôles varie elle aussi : la loi Grenelle 2 demande que les installations soient contrôlées au moins une fois tous les 10 ans mais rien n'empêche les SPANC de faire plus. D'ailleurs, on constate une fréquence plutôt quadriennale. Résultat, plus les contrôles sont fréquents, plus cela coûte cher à l'usager. Autre problème : le mode de facturation. Normalement la redevance payée au SPANC n'est due qu'après le contrôle mais certains SPANC ont annualisé le prix du contrôle et perçoivent la redevance avant le contrôle pour se constituer une trésorerie. La CLCV n'est pas opposée par principe à l'annualisation mais c'est un choix qui doit être laissé à l'usager.
AE : Mais cette redevance et cette annualisation sont un moyen d'assurer au SPANC un financement suffisant pour leur fonctionnement…
SB : Oui en effet, le principe de rentrer de l'argent plus vite pour équilibrer le budget est intéressant pour le service mais c'est un faux problème. Car lorsqu'une commune crée son SPANC elle peut le financer sur son budget général pendant les cinq premières années et demander des aides aux agences de l'eau pour alimenter son budget. Par ailleurs, la disparité des tarifs s'explique par les différences de taille de SPANC. Il faut donc trouver une bonne échelle de gestion. Il est parfois préférable de réunir plusieurs communes pour créer un seul service ce qui permettra de faire supporter le coût sur un nombre d'usagers suffisant pour éviter un prix complètement déraisonnable.
AE : Ces modes de facturation ont-ils conduit à des réclamations de la part des usagers ?
SB : Oui. On nous a par exemple souligné récemment un problème bien particulier dans les cas où la redevance est perçue via la facture d'eau : une possibilité proposée par certains SPANC pour simplifier les choses. Deux usagers de deux départements distincts n'ont pas souhaité payer la redevance avant que leur contrôle ne soit réalisé. Ils se sont donc acquittés de leur facture d'eau en déduisant le montant de la redevance et les ennuis ont commencé pour eux car l'eau leur a été coupée. Or c'est illégal. D'une part le contrôle n'est pas encore dû et d'autre part il est impossible de compenser une dette rattachée à l'assainissement non collectif via la facture d'eau, d'autant plus que la fourniture d'eau est un service essentiel ! Les deux créances sont totalement différentes. Rappelons enfin qu'il y a une procédure bien particulière pour cadrer les cas où la facture d'eau n'est pas payée : la coupure d'eau intervient en dernier recours. Si dans un cas un courrier avec le distributeur concerné a très vite permis de rétablir la situation, dans l'autre cas l'opérateur n'entend pas raison malgré nos courriers. La CLCV ne compte pas en rester là.
AE : Pensez-vous que ces problèmes vont se multiplier à l'avenir ?
SB : Ce dossier est une bombe à retardement. Le sujet va continuer à monter en puissance car les contrôles n'ont pas encore commencé dans certaines régions. De nombreux usagers nous contactent et nous avons mis en place une coordination nationale avec les associations locales pour répondre aux inquiétudes. Si dans la plupart des cas tout se passe bien, on constate qu'il y a des endroits où ce n'est pas le cas. Pourquoi ? Le manque de concertation est bien souvent à l'origine du problème. Les SPANC décident du mode de facturation et du tarif sans rien expliquer aux usagers alors que certains font les choses de façon progressive en informant et en associant les usagers et les associations locales. Les élus locaux commencent également à se rendre compte que la grogne monte et demandent plus de pédagogie. Plusieurs propositions de lois ont été déposées au Sénat et à l'Assemblée nationale afin d'amener un peu plus de pragmatisme dans tout çà.
AE : Une des deux propositions de loi envisage de créer un crédit d'impôt pour aider les usagers à réaliser les travaux. Qu'en pensez-vous ?
SB : La question du coût est un problème en effet. Une installation ANC neuve peut coûter jusqu'à 10.000 euros. Pour l'instant l'éco-PTZ est éligible à hauteur de 10.000 euros pour des installations ANC ne consommant pas d'énergie. Il existe également des aides locales. La création d'un crédit d'impôt est louable mais attention : aider les usagers qui n'ont pas d'installation ou qui possèdent des ANC posant problèmes, oui ; mais il ne faut pas faire de réhabilitation à tout prix si çà ne sert à rien. Surtout que les professionnels du secteur sont déjà très actifs pour encourager la réalisation de travaux derrière des arguments sanitaires et environnementaux.
AE : Que conseiller-vous aux usagers qui sont sollicités par les agents des SPANC ?
SB : Nous leur conseillons de ne pas refuser le contrôle car il est prévu par la loi. Mais ils peuvent en amont demander qu'on leur envoie le règlement du service qui présente les missions du SPANC, les prix et les droits de l'usager. Ils peuvent ainsi vérifier si les tarifs pratiqués sont dans la moyenne en comparant par exemple avec l'enquête réalisée par la CLCV l'année dernière et qui va être prochainement renouvelée. À l'issue du contrôle, l'usager doit vérifier le rapport de contrôle et, dans le cas où il conclurait à une nécessité de travaux, demander pourquoi. Il faut notamment vérifier que le SPANC a respecté la réglementation en prouvant qu'il y a bien un risque sanitaire ou environnemental pour justifier la demande de travaux. Ne pas hésitez non plus à demander la fréquence des contrôles. Les usagers peuvent par ailleurs consulter dès maintenant les documents mis à disposition par la CLCV et le site internet récemment créé sur cette thématique.