Ce mardi 9 décembre, les représentants des 195 Etats participant à la 20ième conférence des parties (COP20) de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) vont entrer dans le vif du sujet avec l'arrivée des ministres et du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon. Trois ministres français prendront part à cette seconde phase des négociations : Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie et Annick Girardin, secrétaire d'Etat au Développement.
Les travaux techniques ont pris fin lundi avec notamment l'adoption d'un texte (1) intitulé "Eléments d'un projet de texte de négociation" proposé par les deux co-présidents de la Plate-forme de Durban pour une action renforcée (ADP (2) ). Ce document rassemble l'ensemble des propositions des Etats en vue d'aboutir à l'accord qui doit donner corps aux engagements pris à Durban (Afrique du Sud), fin 2011. Pour rappel, il y a trois ans les négociateurs s'étaient engagés à élaborer d'ici fin 2015 un accord international en vue de limiter à 2°C la hausse de la température moyenne du Globe. Cet accord, qui doit être signé à Paris en décembre 2015 pour entrer en application à partir de 2020, constitue le cœur des négociations climatiques internationales.
Il revient maintenant aux négociateurs de haut niveau d'épurer cette ébauche de 33 pages en s'accordant sur les différentes options proposées pour chacun des points abordés.
Des propositions classées et synthétisées
Le document proposé par les deux co-présidents du groupe en charge de négocier le futur accord international est important car il traduit la confiance accordée à Kishan Kumarsingh (Trinidad et Tobago) et Artur Runge-Metzger (Union européenne), le binôme à la tête de l'ADP. Il est en effet très rare que les négociateurs accordent aux présidents des différents groupes de travail une telle marge de manœuvre pour rassembler, classer et synthétiser les points de vue exprimés. Evidemment, les négociations les plus ardues auront lieu l'an prochain à Paris, mais l'existence de ce texte marque la bonne volonté des parties.
En matière de réduction des émissions à long terme, par exemple, le texte propose trois niveaux d'ambition. Une première possibilité consiste à faire participer tous les Etats à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), en tenant compte de leur responsabilité respective dans les dérèglements climatiques et de leur capacité à agir. Une deuxième option propose aussi un engagement de tous les Etats, mais supprime la référence à leurs "responsabilités communes mais différenciées" et leurs "capacités respectives", deux piliers des négociations onusiennes. Enfin, la troisième, beaucoup moins contraignante, envisage que "des Etats" s'engagent en vue de réduire les émissions mondiales et précise que "les pays développés assument un rôle de chef de file en s'engageant dans des réductions ambitieuses des émissions et en fournissant aux pays en développement un soutien financier, une aide technologique et tous les moyens permettant de renforcer leurs capacités à lutter contre les changements climatiques et leurs effets".
Autre exemple : quelle doit être l'ambition en terme de réduction des émissions mondiales ? Cinq propositions sont sur la table, allant d'un objectif de réduction drastique des émissions pour atteindre une économie "zéro-carbone" en 2050, voire des "émissions négatives" en 2100, à de simples "stratégies de développement bas-carbone" ou une "déviation par rapport au scénario au fil de l'eau". Entre ces extrêmes, une première proposition vise un retour et une stabilisation de la concentration atmosphérique en GES à 350 parties par millions (ppm). Une autre option envisagée est le partage d'un budget carbone dont le volume total d'émissions permettrait de limiter la hausse des température non pas à 2°C, mais à 1,5°C.
Des progrès, mais informels
Globalement, ce document a été bien reçu par les délégations même si l'Inde et l'Equateur ont indiqué que certaines de leurs recommandations n'étaient pas reprises dans le texte, rapporte l'Institut international du développement durable (IISD) qui édite un compte-rendu quotidien des négociations. Par ailleurs, plusieurs Etats, et notamment les représentants des pays du Sud (le G77), des pays africains, de divers pays du Golfe et de la Norvège ont souligné qu'il s'agissait bien d'un document informel, preuve que si le processus avance bien, son incorporation aux négociations sous forme d'un document officiel pose question.
Sur ce point, Artur Runge-Metzger a confirmé que les documents de synthèse n'ont aucun statut officiel et qu'il revient aux Etats d'adopter une décision pour leur donner une telle valeur. Pour certains négociateurs, transformer ce texte informel en texte officiel risquerait de figer les négociations en validant trop tôt un document ayant valeur de "pré-accord". Malgré les progrès réalisés, à un an de l'accord international, les divergences restent trop fortes pour créer un tel document.
Les désaccords concernent, notamment, les principes de base de la Convention (tels que les "responsabilités communes mais différenciées"), les objectifs de température (le document évoque une limitation à 1,5°C, comme voulu par les pays les plus vulnérables, et à 2°C, comme acté à Copenhague en 2009), les efforts des différents Etats, le financement et bien sûr la multitude de sujet techniques indispensables à la mise en œuvre du futur accord.